Le 3 avril 2008, nous avions consacré un article à la RGPP. Récemment, un de nos fidèles lecteurs, notre collègue « Pierrot » nous a signalé la sortie du « premier rapport d’étape » de la RGPP. L’occasion, pour nous, de faire le point et d’apporter les clés nécessaires à une meilleure compréhension de cette politique.
RGPP, pour "révision générale des politiques publiques", processus lancé par Nicolas Sarkozy en juillet 2007.
Il s'agit de redessiner l'organisation de l'administration de l'Etat, dans le seul et unique but de permettre le non-remplacement d'un fonctionnaire partant à la retraite sur deux. Les justifications avancées sont souvent différentes, s'attachant à l'intérêt général, mais la réalité est bien sûr autre : seules les considérations financières servent de critères à la mise en place de cette RGPP.
Il s'agit par exemple de revoir totalement l'administration de l'Etat dans les territoires, en fermant bon nombre de sous-préfectures, et en réduisant à peau de chagrin les administrations au niveau du département, telles la DDASS, ou la DDE par exemple. Résultat, une perte de proximité, de capacité d'accueil du public, et des territoires ruraux plus encore désertifiés.
Concernant les services de soins, la RGPP vise à renforcer l’efficacité des politiques de santé, ce qui se traduit par la fermeture d’hôpitaux de proximité, dans nos petites villes.
Même chose pour les petits collèges, la moitié des bureaux de poste, les lignes de chemin de fer "les moins rentables", les 2/3 des casernes militaires sur le territoire, et la plupart de nos consulats en Europe.
Le 10 juillet 2007, le Premier Ministre lançait le chantier de la "révision générale des politiques publiques". Voici ce qu'en disait Eric Woerth, ministre du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique :
"La recherche de la performance de l’État a conduit de nombreux pays de l’OCDE à réviser leurs politiques publiques, un exercice qui a déjà permis à des Etats comme le Canada de réduire de façon drastique leur déficit, tout en jetant les bases d’une croissance durable.
En France, nous allons conduire une révision des politiques publiques suivant trois exigences : celle de la qualité du service rendu au regard des besoins des usagers, celle de l’intérêt des fonctionnaires et enfin celle d’une rationalisation de la dépense publique.
Pour répondre à ces trois aspirations, nous allons examiner sans réserve et sans tabou l’intégralité des missions exercées par l’Etat et les moyens qui y sont alloués. Cet inventaire des politiques publiques va permette d’éclairer les choix qui seront faits pour réorganiser les politiques publiques et tenir les engagements budgétaires de la France".
En 2008, ministres et conseillers ne parlent pas de rigueur mais de RGPP pour justifier les efforts budgétaires.
Les annonces de mesures se multiplient : 91 en décembre 2007, 166 en avril 2008 et une centaine en juin dernier, nous en sommes actuellement à 374. Cette avalanche ne constitue pas en soi une politique cohérente. Elle n'a pour but que de noyer le citoyen sous l'accessoire.
La RGPP s'intéresse aussi, de très près, à l'Education nationale. Dans son « premier rapport d’étape » rendu public à l’issue du Conseil des ministres du 3 décembre dernier, « six mesures remplissent toutes les conditions d’un avancement satisfaisant ».
Ø Nouvelle organisation du temps scolaire au primaire
Ø Nouveaux programmes de l’école primaire
Ø Stages de remise à niveau en CM1et CM2
Ø Mise en place d’une évaluation en CE1 et CM2
Ø Mise en place des établissements publics d’enseignement primaire (EPEP)
Ø Mobilisation des enseignants spécialisés
On peut se demander ce que vient faire ce catalogue de mesures dans un document concernant la RGPP ?
Seule la création d’EPEP correspond aux critères de la RGPP. Le reste (mise en place de nouveaux programmes, évaluations CE1 et CM2, stages de remise à niveau…) n’est qu’un catalogue de réformes telles qu’en connaît régulièrement l’école.
Mais ne manque-t-il pas quelque chose dans ce catalogue ? A y regarder de plus près, on ne voit rien qui fasse allusion aux suppressions de postes. Simple oubli ? Ou volonté de ne pas effrayer les usagers de l'école ?
Bizarre, quand on sait que le seul et unique objectif de la RGPP est de répondre aux exigences de Bruxelles. Et pour atteindre cet objectif, le moyen le plus efficace trouvé par le gouvernement consiste à réduire le nombre de fonctionnaires d'Etat (9 500 policiers et gendarmes dans la Sécurité Publique et 12 000 agents dans l'Education nationale).
Les principales mesures de la RGPP ne figurent pas dans le rapport d’étape publié à l’issue du conseil des ministres du 3 décembre. Il s’agit des milliers de suppressions de postes d’enseignants. Mais aussi la « sédentarisation » des RASED, les récupérations de budgets alloués aux associations « amies » de l’Education nationale (OCCE, USEP…). On y ajoutera la suppression annoncée de centaines de petits collèges ruraux… Pourtant, l’essentiel de la RGPP est là ! Seulement, voilà : Le sujet est sensible. Beaucoup plus que dans tout autre ministère car le nombre d’agents touchés est nettement plus important.
Pendant ce temps, aucune réflexion n'est menée sur les conséquences de la décentralisation. Rappelons l'augmentation des dépenses des collectivités territoriales : 6,5 % en 2006 et encore 6,9 % en 2007. Les dépenses des collectivités atteignent 209 milliards d'euros contre 270 milliards pour l'Etat...
Chaque année, le nombre de fonctionnaires territoriaux augmente et l'on sait bien que les dérives sont là. Mais il semble plus facile de tailler dans la fonction publique d'Etat que de s'attaquer aux baronnies locales...
Dommage pour le service public, dommage pour nos territoires de campagne, dommage pour les usagers.
A bien lire le « premier rapport d’étape », on comprend que les mots sont choisis et la présentation soignée pour ne pas effrayer les citoyens. Curieusement, les mesures les plus importantes sont toujours annoncées en fin de paragraphe, comme si elles étaient secondaires…
Exemple 1 : l’essentiel est en fin de paragraphe
« Organisées autour de six axes de modernisation, ces décisions redéfinissent les missions de l’Etat, autour d’une véritable priorité pour chaque ministère, comme le développement durable pour le ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et de l’Aménagement du territoire ou l’influence de la France pour le ministère des Affaires étrangères et européennes.
Ces décisions améliorent l’utilisation des moyens de l’Etat sur le territoire, pour les concentrer sur les missions opérationnelles, plutôt que sur la gestion des services eux-mêmes. Elles renforcent le service aux usagers, par le développement de guichets uniques et le recours à Internet.
Elles assouplissent et personnalisent la gestion des ressources humaines au sein de l’État, en promouvant une mobilité accrue des fonctionnaires, des carrières plus intéressantes et une meilleure reconnaissance du mérite.
Les décisions de la RGPP vont générer dès 2009 un gain de 30 600 « équivalents temps plein ». Ces décisions structurent le projet de loi de programmation des finances publiques
2009-2011 et permettent ainsi de réaliser 7,7 milliards d’euros d’économies ».
Exemple 2 : l’objectif n° 1 de la RGPP est classé 6ème et dernier
Ø Adapter les missions de l’Etat aux défis du XXI ème siècle
Ø Améliorer les services pour les citoyens et les entreprises
Ø Moderniser et simplifier l’Etat dans son organisation et ses processus
Ø Valoriser le travail et le parcours des agents
Ø Responsabiliser par la culture des résultats
Ø Rétablir l’équilibre des comptes publics et garantir le bon usage de chaque euro
Et encore mieux : le sens des mots a son importance…
Ainsi, dans la phrase énoncée ci-dessus : «Les décisions de la RGPP vont générer dès 2009 un gain de 30 600 « équivalents temps plein ».
Autrement dit, les suppressions de postes (par milliers) vont « générer un gain » de postes ! Ou l’art de transformer une perte en gain !
On le voit, le « premier rapport d’étape » nous offre un visage souriant de la RGPP. Mais le miroir est trompeur : en réalité, le vrai visage est masqué.
« Un dispositif d’exception pour la RGPP : la transparence sur chaque décision », précise le communiqué de presse.
Transparence ou rideau de fumée… ?