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Le statut de directeur d'école dans les projets présidentiels de 2012

 

Certains candidats ou partis évoquent le statut de l'école et de son directeur.

Qu'en disent-ils ?

 

Marine Le Pen
UMP
UMP & PS

Philippe Poutou 

 

La synthèse et les résultats de la consultation IFOP - GDID sont disponibles sur le site de l'Ifop à l'adresse suivante (cliquer sur le panneau ci-dessous) :

 

 

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12 avril 2012 4 12 /04 /avril /2012 18:36

 

 

Plusieurs collègues dont certains se réclament du NPA (Nouveau Parti Anticapitaliste) nous ont fait parvenir la position de Philippe Poutou sur l’école. En fait, ce texte est la réponse au courrier que le GDiD a envoyé à l’ensemble des candidats à l’élection présidentielle.

Dans la mesure où cette réponse est publique puisqu’elle figure sur le blog de Philippe Poutou, nous avons décidé de la relayer ci-après.

 

« Les résultats des élèves ne progressent pas comme ils devraient le faire en partie en raison des conditions de vie et de travail de leurs familles qui se dégradent considérablement ces dernières années. Flexibilité des horaires des parents (jusqu’à l’ouverture des magasins le dimanche, au mépris des besoins des enfants des vendeurs et des caissières), accès dégradé à la santé, équilibre alimentaire et alternance veille sommeil dégradée par de mauvaises conditions de logement,.. une part des difficultés de l’école doivent trouver des solutions sociales qui dépassent les ressources pédagogiques.

Par ailleurs, l’école peine effectivement à remplir la mission qui lui est assignée de transmettre des savoirs et d’émanciper la pensée de l’ensemble de la génération qui nous suit, afin de lui permettre de prendre en charge un monde de plus en plus complexe. Là encore, alors que l’école publique avait progressé pendant presque un siècle, allant d’une scolarité jusqu’à 12 ans seulement, à 80 % d’une génération au bac, tout le monde peut constater la régression à l’œuvre avec la RGPP. Le non remplacement d’un fonctionnaire sur deux, la pseudo "masterisation", l’abandon de la formation initiale, les regroupements d’école, le bourrage des classes et la suppression des CMPP et des RASED, la glorification de l’école privée ... toutes les "réformes" ne sont que des attaques contre les conditions de travail des élèves et des enseignants des écoles publiques.

Pour finir, nous ne pensons pas que l’école publique est dans l’incapacité structurelle d’accompagner les progrès de tous les enfants, au contraire, il ne s’agit plus de détruire, mais de consolider, de renforcer, en clarifiant le but de l’école fondamentale. Pour nous, tous les enfants doivent apprendre ensemble à comprendre le monde, sans filière ni orientation, jusqu’à 18 ans, et c’est cela le socle commun. Il faut sans doute réfléchir au mode d’organisation qui ne peut être pensé comme une succession de disciplines intangibles et de cours magistraux.

Puis l’école doit assurer une formation professionnelle à tous et toutes, à la mesure des besoins. Nous défendons une école strictement publique et laïque, et refusons toute subvention à l’école privée. Nous défendons l’idée d’équipes pédagogiques et éducatives, qui ne soient pas seulement composées d’enseignants, d’agents territoriaux (ATSEMS, animateurs, ...) mais aussi d’une médecine scolaire, d’un service social scolaire, d’un secrétariat d’école, de RASED comprenant si nécessaire orthophonistes et rééducateurs, afin que tous les enfants trouvent au sein de l’école l’ensemble des soutiens dont ils peuvent avoir besoin et que l’ensemble des enseignants soient centrés sur leurs tâches et non sur tout ce qui n’est plus fait par des services sociaux submergés. Nous n’avons pas la vision d’un directeur qui "pilote" une équipe, et porte à lui seul le projet et les relations avec les partenaires. Au contraire, nous pensons qu’il faut un travail d’équipe (et qu’une part plus importante du temps de travail des enseignants doit être destinée à des réunions hebdomadaires afin de construire des projets ensemble). Pour nous il est indispensable que l’ensemble des personnels soient formés à leurs différents métiers, en formation initiale et continue, et que tous soient titulaires de leurs postes.

Actuellement, le travail de directeur d’école est très incertain et d’une ville à l’autre, les statuts, les situations, les tâches varient considérablement. Il faut absolument que les tâches soient définies, comme pour tout contrat de travail, on ne peut pas demander du "bénévolat" du matin au soir : l’ensemble des directeurs d’école sont épuisés d’avoir classe, secrétariat, responsabilités, papiers, courriels, rendez vous, décisions, à un rythme qui ne permet pas de partager quoi que ce soit. La place de la direction d’école, entre la collectivité territoriale, l’Etat, l’équipe enseignante et les personnels divers est fréquemment intenable. Mais nous sommes opposés au statut d’établissement, comme à une direction d’école qui serait un statut différent de celui des enseignants.

La grève de 1983 contre les "maîtres directeurs" a montré combien les équipes sont attachées à la collégialité. La vieille revendication de 6 maîtres pour 5 classes, et de 3 heures de concertation par semaine sur le temps de travail va dans le bon sens.

Pour finir, il est évident que les conditions de vie et de travail peuvent être très différentes d’une école à l’autre et que le mille feuille actuel ZEP, RAR, zone violence, primes diverses... ne correspond en rien aux besoins réels des équipes qui n’ont pas été sollicitées pour exprimer leurs besoins. Aucune réforme profonde allant dans le sens du progrès social ne pourra être faite sans partir de la parole des personnels, des parents d’élèves, des élèves, dans un cadre démocratique. »

 

Ce texte fait un tel amalgame entre incantations, phrases creuses, vœux pieux, vrais constats, non-sens, bonnes et fausses solutions, analyses superficielles ou erronées…etc. que nous nous contenterons de quelques remarques.

« La grève de 1983 contre les "maîtres directeurs" a montré combien les équipes sont attachées à la collégialité. » Outre l’erreur de date, comment peut-on affirmer que la lutte contre le décret Monory instituant le statut de maître-directeur « a montré combien les équipes sont attachées à la collégialité » ? Cette lutte syndicale a surtout mis en avant le refus du « p’tit chef » plutôt que la volonté de travailler en collégialité.

« Actuellement, le travail de directeur d’école est très incertain ». Que signifie cette phrase ? Que les tâches sont différentes selon la taille de l’école, sa commune d’implantation, les responsables hiérarchiques départementaux ? Ne pourrait-on mieux le dire ?

Quant aux solutions proposées… nul doute que certaines ont été « soufflées » par certains syndicats opposés à toute réforme allant dans le sens d’une reconnaissance statutaire de l’école et de son directeur. Ceux-là qui crient à la « régression » de l’école ne sont que trop connus pour leur volonté de conserver le statu quo ou s’en accommoder…

 

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8 mars 2012 4 08 /03 /mars /2012 13:53

 

 

Mais que certaines phrases sont difficiles à prononcer ! Rappelons-nous la façon dont le candidat Nicolas Sarkozy a bafouillé pour exprimer que si c’était à refaire, il ne retournerait plus fêter sa victoire au Fouquet’s… « Je… je… je ne… ne… je ne re… re… ». C’était pathétique. Chacun a pu apprécier la sincérité de ses regrets…

Récemment, lors de son discours sur l’éducation, le candidat Nicolas Sarkozy a fait mieux encore, puisqu’il a carrément oublié un paragraphe de son discours concernant l’arrêt du « un sur deux » en primaire. Probablement a-t-il craint qu’on ne lui ressorte l’enregistrement un peu plus tard, comme c’est le cas pour les innombrables promesses de 2007 oubliées depuis.

Aussi, Nathalie Kosciusko-Morizet, porte-parole du candidat, a-t-elle été chargée de réparer cet oubli dès la fin du meeting de Montpellier et de préciser que cette règle s’appliquerait à partir de la rentrée de septembre 2013. Précision utile si l’on se rappelle que la même promesse faite en juin 2011 valait pour la rentrée de 2012. « nous sanctuariserons l'école primaire pour qu'à la rentrée 2012, le nombre de fermetures de classes n'excède pas le nombre d'ouvertures ».

Hélas, c’est loin d’être le cas comme le stipulent les organisations syndicales. Ainsi, pour Christian Chevalier (SE-Unsa) qui précise que sur 91 départements où l'inspection académique a annoncé ses décisions, ce sont 1582 classes qui devraient disparaître à la rentrée. De son coté, le 1er mars, s'appuyant cette fois sur 95 départements, le SNUipp évalue les fermetures à 1407 classes. Pourtant, dans « Le Journal du Dimanche » du 3 mars, Luc Chatel écarte ces chiffres et déclare. "La carte scolaire n’est pas à ce jour figée. Je vous garantis qu’à la rentrée 2012 il y aura le même nombre de classes qu’à la rentrée 2011, n’en déplaise aux oiseaux de mauvais augure". Qui croire ?

Aussi, cette fois, NKM nous assure que, s’il est réélu, Nicolas Sarkozy tiendra sa promesse. « On est arrivé à un niveau dans lequel ce serait difficile de poursuivre les économies. Et par ailleurs, l'enjeu maintenant sur la maternelle et le primaire, c'est la formation des enseignants. Et il propose de donner plus de formation à ces enseignants qui parfois n'en ont pas toujours beaucoup reçu (...) Notamment en leur permettant d'acquérir une spécialité », a encore justifié Nathalie Kosciusko-Morizet.

Effectivement, il semble difficile d’aller plus loin dans la suppression de postes à l’école primaire ; les RASED sont réduits à la portion congrue, les remplacements ne peuvent plus être assurés, les moins de 3 ans ont quasiment disparu de l’école maternelle, les postes d’intervenants en langue n’existent plus… « Cela est possible car nous recrutons aujourd'hui des professeurs des écoles capables d'enseigner les langues vivantes à leurs élèves. Nous avons donc pu redimensionner le volume des effectifs d'assistants de langue », selon LUC CHATEL.

Ce n’est pas l’avis de l’APLV (Association des Professeurs de Langues Vivantes) qui manifeste son inquiétude : « le manque de compétences en langues de la plupart des professeurs des écoles ne permet pas d'assurer un enseignement de qualité pour tous ».

Quant à la formation, seul Luc Chatel continue d’affirmer qu’elle existe. D’ailleurs le candidat Nicolas Sarkozy s’est bien gardé de l’évoquer dans son discours sur l’éducation à Montpellier. Sans doute considère-t-il que parce qu’il a élevé le niveau de qualification jusqu’au master, il a réglé le problème de la formation professionnelle.

 

En réalité, les seules véritables annonces faites dans son discours sur l’éducation concernent le fonctionnement des établissements du second degré. Avec toujours l’objectif, non pas d’améliorer le système éducatif mais de réaliser des économies budgétaires. « Il faut réfléchir à des moyens de limiter le nombre d’enseignants. Il pourrait y avoir, en 6ème et 5ème, deux professeurs généraux, l’un enseignant les humanités (français, histoire, géographie), et l’autre les sciences, sans compter les professeurs de langues, d’EPS et d’arts plastiques ». Autre source d’économies, la modification du statut des professeurs, comme l’a indiqué le candidat Sarkozy lors de l’émission « des paroles et des actes » le 6 mars. Les professeurs de collège ont 18 heures d’obligation de service devant les élèves. L’objectif serait de les aligner sur les professeurs des écoles astreints à 26 heures. Il est donc prévu de les faire travailler 3 heures de plus devant les élèves pour parvenir à 21 heures de cours et d’assurer, ensuite, une présence supplémentaire de 5 heures dans l’établissement. Les professeurs volontaires recevront une rémunération supplémentaire de 500 € par mois, ce qui fait dire à Jean-Luc Mélenchon : « Ça met l'heure de travail autour du SMIC ».

Ce qui permet également au candidat Nicolas Sarkozy d’affirmer qu’il revalorise financièrement les enseignants. Naturellement, aucune mesure n’est prévue pour ceux du primaire qui, eux, pourtant assurent déjà 26 heures de cours…

 

Comme nous le disions plus haut, rien sur l’école primaire lors du meeting consacré à l’éducation. Tout simplement parce que, comme le dit l’entourage de Nicolas Sarkozy, « depuis 2007, beaucoup a été fait » et d’expliquer que « la réforme de l’école primaire est sans doute notre acquis le plus incontestable. Elle a permis de recentrer les programmes sur les fondamentaux et a instauré deux heures par semaine d’aide individualisée pour les élèves en difficulté. Cette aide bénéficie à 26% des élèves de primaire. Dans l’école de l’éducation prioritaire, ce chiffre atteint 33%. »

Ainsi, dit-on encore, « la réforme de l’école primaire a été recentrée sur les fondamentaux : le nombre d’élèves en difficulté en français en CE1 a ainsi baissé de 20% en quelques années ».

« Les évaluations-bilan en CE1 et CM2 montrent déjà de réels signes de progrès. L’échec scolaire recule :


en français, en CE1, il y a 20% d’élèves en difficulté en moins par rapport à 2009, année d’entrée en vigueur de la réforme. Le nombre de très bons élèves a progressé de 7,5%.


en mathématiques, en CM2, il y a 14% d’élèves en difficulté en moins.


dans les écoles relevant de l’éducation prioritaire, la part des élèves les plus faibles a diminué, passant de 32% en 2003 à 23% en 2009. »

 

Une amélioration spectaculaire des résultats qui arrive à point nommé et qui fait doucement sourire les enseignants… eux qui savent que l’aide personnalisée est le plus souvent inefficace car placée lors de la pause méridienne ou le soir lorsque les élèves en difficulté sont saturés par une longue journée de travail et que la fiabilité des évaluations de CE1 et CM2 est pour le moins très contestée.

 

Rien non plus sur les rythmes scolaires même si l’on reconnaît, dans l’entourage du candidat, « que la semaine des 4 jours, pour laquelle ont opté la majorité des écoles, n’est pas optimale pour les enfants. Il aurait fallu que l’Etat encourage davantage l’adoption de la semaine de 4,5 jours. »

 

Quant au fonctionnement de l’école… Tout au plus, répète-t-on, discrètement, dans l’entourage du candidat : « Il faut aussi améliorer le pilotage des écoles, qu’il faudrait enfin doter d’un vrai chef. » Aucun engagement, aucune discussion en cours, aucun texte en préparation… Rien. A tel point que pour répondre aux critiques faisant suite au flop du discours du candidat UMP sur l’éducation, Jean-François Copé a laissé entendre que le candidat « aurait peut-être l’occasion de revenir sur le sujet avant la fin de la campagne ».

 

Autant dire que le statut de reconnaissance que réclament et attendent les directeurs d’école n’est pas à l’ordre du jour et n’est pas la priorité du candidat Nicolas Sarkozy… comme il ne l’est pas non plus pour son principal concurrent François Hollande…

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21 novembre 2011 1 21 /11 /novembre /2011 21:54

 

 

Au-delà des promesses alléchantes des divers candidats à la présidentielle, quelle est la réalité du message délivré par les hommes d’appareil qui seront probablement en charge de l’éducation nationale en cas de victoire de leur chef de file ?

Intéressons-nous plus particulièrement au statut de l’école et de son directeur. A ce titre, il n’est pas inutile de relire le verbatim du débat diffusé par le site « aufeminin.com » en juillet 2011, réunissant autour de Karim Amellal, Daniel Laurent professeur des Universités et conseiller spécial de l’Institut Montaigne, Jacques Grosperrin député UMP membre de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, Bruno Julliard Secrétaire national du PS en charge de l’éducation et Marie-Caroline Missir rédacteur en chef « Education » à l’AEF.

 

Karim Amellal - « Vous faites des propositions qui consistent à accroître les pouvoirs du directeur d’école… Vous dîtes dans votre rapport que le directeur d’école n’a ni les moyens ni les pouvoirs alors qu’il a plus de responsabilités…

 

Daniel Laurent - Notre approche n’est pas idéologique. Simplement, si l’on met en place tout ce que l’on a évoqué, en particulier l’organisation par cycles, il est clair qu’il faut un directeur d’école qui ait une certaine autonomie à la fois vis-à-vis de l’administration et vis-à-vis de ses collègues. Christian Forestier qui a travaillé avec nous, qui est quand même une éminence grise au sein de l’Education nationale, nous disait « l’école primaire, c’est un trou noir, on ne sait pas ce qui s’y passe » quand il était directeur de cabinet de Jack Lang.

Il y a des programmes nationaux, l’enseignement du calcul ou du français, ça peut varier du simple au double dans la semaine, en fonction des écoles et de l’enseignant… Il y a des propositions qui ont été votées par le Parlement mais les décrets n’ont jamais été publiés pour faire l’expérimentation d’établissements publics locaux d’enseignement de telle sorte qu’on aille plus loin.

 

Karim Amellal - M. Grosperrin, qu’est-ce que vous pensez à l’UMP de doter le directeur d’école d’un véritable statut ?

 

Jacques Grosperrin - Je crois qu’il y a une difficulté, c’est vrai à ce jour, il n’y a pas de supérieur hiérarchique parce que la culture du professeur des écoles ne le souhaite pas… Oui, il y a des inspecteurs mais la difficulté actuellement c’est une difficulté financière. Faut pas se cacher les yeux, à partir du moment où il y a 55 000 écoles en France dont ¾ qui ont moins de 4 classes, qu’est-ce qu’on fait ? Est-ce qu’on met un directeur d’école dans chaque école ?

 

Karim Amellal Vous y seriez favorable ?

 

Jacques Grosperrin Moi, je crois qu’il y a différentes solutions qu’on peut imaginer. Moi, je serais plutôt pour l’école du socle commun. Je pense qu’il est plus intéressant de mettre en place un établissement scolaire comme un collège et de relier les écoles primaires qui sont avoisinantes à ce collège pour faire en sorte qu’il y ait une véritable synergie qui se mette en place. Si on met en place un véritable directeur d’école dans chaque école, on va arriver à l’échec de ces écoles du socle commun. Il serait plus fondamental qu’il y ait un seul chef d’établissement et que ces écoles soient pilotées par un IEN pour faire en sorte que la liaison entre la 6ème et le CM2 soit plus efficace.

 

Karim Amellal - …pilotées par un IEN. Cela dit, il a 1300 IEN pour 300 000 enseignants…

 

Jacques Grosperrin Oui mais il faut redéfinir leurs tâches, peut-être en recruter d’autres mais il est évident qu’à ce jour il y a un véritable trou noir au sein des écoles primaires. Il faut faire attention et ne pas être démagogique avec ça, sinon on met en place un véritable directeur dans chaque école, ça aura un coût fabuleux que les finances publiques ne pourront pas assumer. Et puis ça ira dans une situation contraire à cette liaison du cycle obligatoire du CP à la fin de la 3ème, ce qui me semble l’entité administrative la plus intéressante pour la réussite de nos élèves.

 

Bruno Julliard - Pour être très direct, je ne crois pas que la question du pouvoir ou de l’augmentation du pouvoir des directeurs d’école, encore moins la création d’un établissement public d’enseignement autonome soient une priorité. D’abord parce que c’est coûteux, ensuite parce qu’on a probablement d’autres chantiers prioritaires qui vont mobiliser et de l’engagement politique et de l’engagement économique.

En revanche, il y a 3 sujets qui doivent être traités dans la gouvernance :

-       Accorder plus de pouvoir d’agir aux équipes éducatives, aux enseignants dans les écoles primaires, quand on met en place la politique des cycles ; ça veut dire qu’il faut qu’on ait des enseignants qui soient en capacité d’avoir cette autonomie pédagogique.

-       Ensuite, il faut améliorer l’accompagnement des projets éducatifs dans les écoles et ça demande une réforme importante de l’administration et notamment des inspections d’académie. Ça passe par une réorientation du travail des inspecteurs pas en nombre suffisant et aujourd’hui pas formés pour ça.

-       Et puis le dernier élément, je partage ce que vous avez dit, c’est accroître les liens entre l’école primaire et le collège.

 

Karim Amellal Marie-Caroline Missir, sur les directeurs d’école, les IEN… ?

 

Marie-Caroline Missir - De ce qui vient d’être dit, on voit très bien que nos interlocuteurs tournent autour d’une notion qui est celle de l’autonomie du pilotage, mais ils n’en parlent pas du tout de la même manière parce qu’ils ne la conçoivent pas de la même manière.

D’un côté, les établissements publics d’enseignement, le renforcement du pouvoir du directeur d’école… la droite, si je simplifie, avec différents projets, l’entend comme renforcer l’échelle locale… C’est pas du tout ce que j’ai entendu du côté de Bruno Julliard qui parle d’autonomie pédagogique.

Pourquoi ? Parce qu’on touche du doigt, ici, une question idéologique très forte et l’on en revient toujours à la question idéologique, à des choses qu’il est difficile de faire bouger, qui est celle de l’enseignant et en primaire, le directeur d’école est considéré par ses collègues au même titre, comme un enseignant normal. Il n’a pas de statut de chef d’établissement.

Pour revoir cette organisation de l’école, tous les décrets sont prêts, il n’y a qu’une volonté politique à mettre en œuvre. Mais c’est compliqué pour cette question de réticence idéologique. Est-ce qu’on est dans un système avec un enseignant qui est au-dessus des autres parce qu’il est directeur d’école ou est-ce qu’on est dans une logique d’accompagnement des élèves, d’autonomie pédagogique ?

 

Karim Amellal Ça existe pour les collèges et les lycées, pourquoi ça n’existerait pas pour les écoles primaires ?

 

Marie-Caroline Missir C’est une question culturelle. Là encore, il faudrait un syndicat autour de la table pour qu’il nous explique pourquoi ils ne le font pas. Si vous en parlez au principal syndicat du 1er degré, je peux vous assurer qu’ils sont très très très hostiles à la mise en place d’un établissement public d’enseignement.

 

Jacques Grosperrin - On le fait pour le collège parce que le collège a plus d’élèves. Il y a plus d’enseignants donc c’est plus facile à sortir budgétairement un chef d’établissement. Puis j’ai peur que ça fige et qu’on n’arrive pas à faire cette école du socle commun.

 

Daniel Laurent La création d’un poste de directeur d’école, ça soulève des problèmes, mais je retiens quand même que quelle que soit la solution retenue, il faudrait davantage de liberté au niveau local. »

 

A l’écoute de ce débat, la conclusion s’impose : UMP et PS s’opposent sur la question de l’idéologie. Double idéologie avec les mêmes conséquences pour les directeurs d'école. A droite, on estime nécessaire de doter les établissements d’un vrai chef. A gauche, on préfère évoquer l’accompagnement des projets éducatifs, l’autonomie pédagogique et l’on souhaite accorder plus de pouvoir aux équipes et aux enseignants. Quid du directeur ?     

Si les divergences idéologiques sont bien réelles, force est de constater que l’UMP et le PS s’accordent sur un point essentiel : l’impossibilité de doter le directeur d’école d’un véritable statut, l’un comme l’autre au nom des priorités budgétaires.

Tous deux sont encore sur la même longueur d’onde pour mettre en place l’école du socle commun et revoir le rôle de l’IEN.

 

Pour Jacques Grosperrin, la cause est entendue : « Il serait plus fondamental qu’il y ait un seul chef d’établissement et que ces écoles soient pilotées par un IEN pour faire en sorte que la liaison entre la 6ème et le CM2 soit plus efficace. »

La menace est peut-être plus proche qu’il n’y paraît. Le projet d’évaluation porté par Luc Chatel ravive toutes les inquiétudes. On y apprend notamment que les IEN chargés d’une circonscription du premier degré (CCPD) ne feraient pas partie du « service académique de l’inspection ».

Les IEN CCPD, à l’inverse de leurs autres collègues inspecteurs, feraient partie de la ligne hiérarchique décisionnelle à l’instar des chefs d’établissement. Dans l’école du socle commun, on aurait donc à égalité le chef d’établissement du collège (principal) et l’IEN, supérieur hiérarchique des professeurs des écoles et chargé de piloter les écoles rattachées au collège…

 

Que deviendrait le directeur dans cette école du socle commun ? Quelle serait sa place dans un dispositif entre le principal qui ne voudra jamais laisser son poste de chef d’établissement et l’IEN qui piloterait les écoles associées au collège ?

Le directeur sera-t-il réduit à gérer le « trou noir au sein des écoles » pour reprendre l’expression de Christian Forestier ?

 

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9 novembre 2011 3 09 /11 /novembre /2011 23:18

 

 

L'UMP a réuni mardi 8 novembre sa Convention éducation à Paris. Les deux tables rondes réunissaient une douzaine de personnalités sur le thème « Du savoir pour tous à la réussite de chacun ». Parmi les invités, les ministres Luc Chatel et Laurent Wauquiez, la secrétaire d’état Jeannette Bougrab, une enseignante de maternelle et un principal de collège, Laurent Bigorgne, de l’Institut Montaigne, Jean-Robert Pitte, délégué à l’information et à l’orientation, un président d’université…

 

Cette convention fut d’abord l’occasion de dresser un constat en forme de satisfecit de l’action gouvernementale.

 

« L’enquête internationale PISA publiée en décembre 2010 montre que le système éducatif français obtient des résultats corrects, dans la moyenne des grands pays développés. Ce système peut s’améliorer. L’étude révèle ainsi deux points de fragilité au sein de notre école : une part encore trop importante d’élèves de 15 ans ne maîtrise pas suffisamment la lecture et le calcul, et une relation encore flagrante entre la situation économique et sociale des parents et les résultats des élèves. Ces élèves ont ainsi vu leurs résultats encore baisser entre 2003 et 2009.

Les évaluations 2011 effectuées en CE1 et CM2 révèlent une meilleure maîtrise des fondamentaux, qui est la priorité de notre école. Les résultats au baccalauréat 2011 ont vu accéder 71,6% d’une classe d’âge au baccalauréat : c’est un chiffre historique, de six points supérieurs aux dernières statistiques qui stagnaient depuis 15 ans.

Depuis la rentrée 2004, le nombre d’élèves handicapés scolarisés dans des établissements scolaires ordinaires a augmenté de 60%. 214 000 élèves handicapés sont ainsi scolarisés en milieu ordinaire dont plus de 90% le sont à temps complet. 41 197 personnes accompagneront près de 70 000 élèves à titre individuel.

La réforme de la formation et du recrutement des enseignants est entrée pleinement en application à la rentrée 2011. Les professeurs stagiaires ont ainsi bénéficié d’une formation préalable à l’université. Pendant leur année de stage, ils sont accompagnés par des professeurs tuteurs chevronnés et complètent leur formation didactique et pédagogique. A l’issue de leur année de stage, 87% des professeurs stagiaires de la 1ère promotion issue de la réforme, dressent un bilan positif de leur première année d’enseignement.

La revalorisation du métier d’enseignant passe aussi par les salaires : entre 2007 et 2012, le pouvoir d’achat des enseignants et des personnels d’éducation et d’orientation aura été revalorisé, pour un montant supérieur à 1,1 Md€. L’effort financier s’est notamment concentré à la rentrée 2010 sur la rémunération des professeurs débutants, qui augmente de

10% la première année, soit l’équivalent d’un treizième mois, avec une augmentation de153€ nets de plus chaque mois pour les jeunes enseignants certifiés.

Dernier constat pour l’enseignement scolaire : la réussite de chaque élève n’est pas une question de moyens. On compte aujourd’hui 34 000 professeurs de plus et 540 000 élèves de moins qu’en 1990. Entre 1980 et aujourd’hui, la dépense intérieure d’éducation par élève a augmenté de 80%. Les moyens existent donc mais il faut les mettre là où on en a le plus besoin. Les premiers progrès que nous observons en 2011 sont en fait le fruit d’une démarche qui refuse le « toujours plus de moyens » et repose sur une conception nouvelle de l’enseignement (personnalisation, autonomie,….). »

 

Bref, tout va pour le mieux dans le petit monde de l’éducation en France… Les résultats s’améliorent (dommage que les enquêtes internationales disent le contraire…), les élèves handicapés sont bien accueillis (dommage que la MDPH fonctionne si mal et que les personnes les accompagnant ne soient pas formés), la formation des enseignants est formidable (dommage qu’elle n’existe plus), les enseignants sont revalorisés sur le plan financier (sauf qu’un rapport récent nous confirme qu’ « en France, le salaire moyen des enseignants du primaire ou du secondaire est inférieur à la moyenne de l'OCDE » et que « depuis 1995, le salaire des enseignants a crû dans les deux tiers des pays de l'OCDE. Pas en France » … Vraiment dommage.)

 

Mais à part ça, madame la Marquise, mais à part ça, tout va très bien…

 

Une petite pique, au passage, à l’encontre de ceux qui critiquent la baisse des moyens et toujours les mêmes assertions pourtant maintes fois démontées de la comparaison avec les années 80…

 

Après le constat, les propositions qui se déclinent autour de 4 points : la réforme des rythmes scolaires, celle du collège, le management scolaire et la réforme du statut des enseignants. Nous en retiendrons quelques-unes.

 

PROPOSITION 1 : Encourager la création de jardins d’éveil pour les enfants de 2 à 3 ans

 

Rappelons que la suppression des classes de maternelle accueillant les enfants de cet âge est la variable d’ajustement du non renouvellement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. L’Etat se décharge sur les collectivités locales de l’accueil de ces enfants.

 

PROPOSITION 2 : Rendre l’assiduité obligatoire pour les élèves inscrits à l’école Maternelle.

 

Luc Chatel s’est opposé récemment à la proposition de loi de la sénatrice Françoise Cartron rendant obligatoire la scolarisation à 3 ans au prétexte que " la proposition de loi entraînerait la scolarisation de 700 à 750 000 élèves de plus, ce qui entraînerait une charge de 1,3 milliard d'euros, elle est donc inconstitutionnelle", a déclaré Luc Chatel. Pourtant, nous indique le ministre, "l'école maternelle scolarise aujourd'hui les enfants de 3 à 6 ans à plus de 99%". Comprenne qui pourra…

 

PROPOSITION 3 : Réorganiser les rythmes scolaires

Les écoliers français ont, en effet, les journées les plus chargées de tous les pays de l’OCDE, réparties sur le nombre de jours de classe le plus faible (140 par an) : 913 heures/an pour les 7-8 ans, contre 634 heures en Allemagne, 608 heures en Finlande et 769 heures en moyenne. Les écoliers français suivent en moyenne deux heures de cours quotidiens de plus que les écoliers finlandais qui, avec 4 heures de cours par jour à raison de 5 jours par semaine, se classent au premier rang des évaluations internationales de l’OCDE.

- un allongement de l’année scolaire de deux semaines.

- la possibilité de rendre obligatoire la semaine de quatre jours et demi

 

L’UMP oublie de rappeler qu’elle a soutenu cette calamiteuse réforme du rythme scolaire de la semaine impulsée par Nicolas Sarkozy et imposée dans l’enseignement primaire par Xavier Darcos.

 

PROPOSITION 4 : Rendre publiques les évaluations-bilan existantes des écoles primaires et des collèges

Il faut que soient rendues publiques les évaluations bilans de CE1, CM2, 5ème comme les résultats du Diplôme National du Brevet en fin de 3ème, afin de montrer la valeur ajoutée de chaque école et de chaque collège, à l’exemple des indicateurs de résultats des lycées.

Dans ce cadre, un contrat d’objectif pourrait être passé avec le directeur de l’école afin de responsabiliser chaque école primaire sur ses résultats en matière de maîtrise des fondamentaux.

 

PROPOSITION 9 : Encourager l’apprentissage précoce de l’anglais dès 3 ans

Aujourd’hui, ne pas maîtriser l’anglais est un handicap majeur. Par ailleurs, plus on apprend tôt l’anglais et plus on a des capacités pour apprendre une autre langue.

Il est nécessaire de revoir les pratiques pédagogiques pour pouvoir généraliser l’apprentissage de l’anglais dès le plus jeune âge. Cet apprentissage pourrait se faire en généralisant l’apprentissage à distance de l’anglais dès 3 ans, via des outils ludiques.

 

Là encore, l’UMP oublie que les mesures de suppression de postes ont touché les intervenants en langue étrangère. Elle n’a pas pris conscience du manque de formation des enseignants pour assurer efficacement cet apprentissage. Faute de moyens, il est demandé à « tout enseignant s’en sentant capable de mener cet apprentissage »… Faut-il alors s’étonner de la faiblesse des Français en langues étrangères ? Le bricolage continue et s’étend…

 

PROPOSITION 10: Dans un cadre national, faire bien davantage confiance aux établissements et leur donner plus de responsabilités.

Le renforcement de l’autonomie des établissements doit signifier la possibilité pour le chef d’établissement (principal de collège, proviseur de lycée, mais aussi, à terme, directeur d’école) de recruter librement son équipe enseignante et d’administration, en fonction du projet de son établissement. Une telle évolution doit naturellement s’accompagner d’une formation à la GRH des chefs d’établissement et un renforcement de l’équipe de direction.

Une réflexion doit aussi s’engager sur une évaluation du chef d’établissement en fonction des résultats qu’il obtient.

 

PROPOSITION 12: Donner un statut juridique aux établissements de premier degré et à leur directeur.

Cette mesure consiste donc à doter l’école, actuellement dépourvue de la personnalité morale à la différence des collèges et des lycées, d’un statut juridique qui en permette une gestion pédagogique moderne et efficace. Elle permettrait de créer un véritable statut d’emploi pour  les directeurs d’Etablissements Publics d’Enseignement Primaire.

Les écoles de petite taille pourraient être regroupées pour former un seul établissement, éclaté, et permettre ainsi une émulation pédagogique et une mutualisation des moyens humains, pédagogiques et financiers au bénéfice des élèves.

 

 

Réactions syndicales

 

Christian Chevalier, Secrétaire général du SE-Unsa craint « le risque de déserts scolaires du fait de l'embauche des enseignants par les chefs d'établissement » et ajoute que « l'UMP a un vrai projet pour l'Ecole : l'Ecole de la concurrence. Ce n'est pas une école de la réussite de tous les élèves ».

 

Thierry Cadart, Secrétaire général du Sgen-CFDT voit dans cette mise en concurrence « une obsession idéologique,... une tentative d'importer dans le système éducatif les principes du management des entreprises. »

 

Sébastien Sihr, Secrétaire général du SNUipp-FSU, dénonce « une conception libérale de l'école ». Et d’ajouter : « la vision éducative de l'UMP c'est le chacun pour soi. Avec les jardins d'éveil tous les parents par exemple n'auraient plus accès à l'éducation préélémentaire. »

 

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13 janvier 2011 4 13 /01 /janvier /2011 22:22

 

Le 12 janvier, le SE-Unsa a organisé un colloque intitulé "Imaginons le collège de demain". Il s’était fixé pour objectif de « faire réfléchir militants et responsables syndicaux sur les enjeux du collège à un moment où l'on sent bien que son destin se joue ».

 
De nombreux intervenants ont mis l’accent sur la nécessité de donner un nouvel élan au collège et de gérer la continuité école – collège. C’est ce qu’a notamment souligné Jean-Louis Auduc, directeur adjoint de l’IUFM de Créteil qui estime que le socle commun est un levier important sur lequel il faut travailler.

Jacques Grosperrin, député UMP du Doubs et membre de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, a annoncé son intention de déposer, avec le député Frédéric Reiss, une proposition de loi sur l'école du socle. Une proposition de loi qui devrait reprendre les idées des deux rapports (Reiss et Grosperrin) et devrait être discutée prochainement.

De nombreux indices d’inefficacité montrent, rapport après rapport, que le collège connaît des taux d’échec importants. « Le collège est en souffrance et ses difficultés croissent sans cesse. L’enjeu démocratique est de taille, avec toujours davantage d’élèves relégués aux marges du système. Le socle commun impose une nouvelle cohérence dans une école qui doit être libératrice », déclare Christian Chevalier, Secrétaire général du SE-Unsa, pour qui le temps est venu de « revisiter le concept du collège unique ».

 

Dans ses Recommandations pour le socle commun, le Haut conseil de l’éducation rappelait que 15 % des élèves en fin de Troisième n’ont aucune maîtrise des compétences générales attendues à la fin du collège, auxquels s’ajoutent près de 30 % qui ont des difficultés importantes.

L’une des raisons des échecs importants constatés en Sixième, l’année de l’enseignement secondaire la plus redoublée, avec un taux de redoublement de 5 % en 2008, après la Seconde générale et technologique (taux de 11,5 %), réside, ainsi que cela a déjà été souligné dans la première partie du présent rapport, dans la rupture que cette année marque pour l’élève, ce dernier passant d’un professeur polyvalent à neuf professeurs « disciplinaires ». Pour les participants à ce colloque, « plus que sa modernité, c’est son caractère opérationnel qui fait tout l’intérêt du socle commun. Il permet d’accroître l’efficacité de l’organisation pédagogique des écoles et des collèges. »

 

Dans sa proposition de loi, Jacques Grosperrin devrait mettre l’accent sur un certain nombre de points qui lui semblent indispensables pour mieux faire fonctionner l’école du socle commun :

 

-       Un temps de présence accru des enseignants au sein de leur établissement

« Pourquoi ne pas intégrer dans le service de ces enseignants, qui mènent, au quotidien, une action décisive en faveur de l’égalité des chances, une heure dédiée à cette activité indispensable au bon fonctionnement de leur établissement ? »
«  Une heure de concertation viendrait s’imputer sur l’horaire de cours et pourrait être qualifiée d’« heure socle commun car elle serait consacrée à la coordination pédagogique indispensable à la mise en œuvre de cette nouvelle approche de l’enseignement »

 

-       Un pilotage des établissements plus incitatif

«  Les collèges pourraient bénéficier, s’ils le souhaitent, d’une plus grande liberté d’organisation, afin de disposer des marges de manœuvre qu’eux-mêmes jugeraient indispensables à l’accomplissement de leur mission d’acquisition, par les élèves, des compétences du socle commun. »

 

-       Une organisation des corps d’inspection repensée

« Les recteurs devraient être les garants de la mise en place du socle commun. Une mise en œuvre réussie du socle commun impose de repenser l’organisation et les missions des corps d’inspection de l’Éducation nationale en fonction de deux objectifs ».

« Le premier objectif est l’accroissement de l’efficacité pédagogique des écoles et des établissements scolaires… Or, les corps d’inspection, qui devraient jouer ce rôle de suivi et d’accompagnement, ne disposent pas des moyens nécessaires pour le faire… il convient, sans doute de réfléchir à une réorganisation des corps d’inspection, dont les effectifs doivent être augmentés et les missions redéfinies, afin qu’ils consacrent un temps significatif de leur activité à faire du conseil pédagogique de proximité, c’est-à-dire à jouer un rôle de « conseillers techniques » des écoles et des établissements scolaires. Ils exerceraient ainsi une fonction d’appui auprès des équipes enseignantes, en leur donnant des conseils sur la mise en place de dispositifs pédagogiques propres à amener les élèves à maîtriser le socle commun et en contrôlant ensuite leur efficacité. Ils pourraient notamment donner leur avis sur la constitution des groupes de compétence, le contenu des livrets personnels de compétence numériques, la définition des niveaux d’acquisition des contenus du socle commun, la mise en place des dispositifs de soutien scolaire (accompagnement éducatif et programme personnalisé de réussite éducative), etc. Quant aux inspections individuelles, si leur suppression n’est pas envisageable à court terme dans notre pays – certains interlocuteurs de la mission l’ont pourtant préconisée en s’appuyant sur le fait que des pays européens, scandinaves en particulier, recourent à un système d’évaluation purement « externe » des établissements –, celles-ci pourraient être reconfigurées, en complétant le contrôle en classe par un temps de restitution et d’analyse collectives, devant toute l’équipe enseignante et en présence du chef d’établissement. »

 

-       Un mode d’organisation des écoles et des collèges à généraliser : les Réseaux Ambition Réussite

« En attendant ces « écoles du socle commun », une première étape pourrait être franchie en s’appuyant sur une organisation déjà existante, les réseaux « ambition réussite » mis en place à partir de 2006. On sait ce que pourrait être une organisation scolaire propice à l’acquisition du socle commun, si ces réseaux étaient étendus aux écoles et établissements ne relevant pas de l’éducation prioritaire.

L’organisation de ces réseaux repose sur trois piliers :

– chaque réseau est piloté localement par un principal de collège, pour le second degré, et par un inspecteur de l’éducation nationale pour le premier degré.

Un comité exécutif réunit ainsi le principal du collège, son adjoint, l’inspecteur et les directeurs des écoles. Ce comité est chargé de l’élaboration, du suivi et de la régulation du contrat du réseau, permettant ainsi la définition d’objectifs partagés et le développement d’une culture commune de la maternelle au collège ;

– le projet de chaque réseau est formalisé dans un contrat « ambition réussite ». Il contient un tableau de bord, un diagnostic axé sur les acquis des élèves, des objectifs pédagogiques, un plan d’actions et les lettres de mission des enseignants. Validé par le comité exécutif du réseau, ce contrat devient une référence commune de travail au sein du réseau, de même qu’avec les autorités académiques. Il est discuté lors des conseils d’école, du conseil pédagogique et du conseil d’administration au collège. Il peut être amendé chaque année ;

Les réseaux ambition réussite pourraient donc être la matrice de « l’École fondamentale » de demain, le rapprochement entre les premier et second degrés étant favorisé par d’autres mesures évoquées dans le présent rapport : le développement de la bivalence, les échanges de service entre enseignants de CM2 et de Sixième et une formation des maîtres plus interdisciplinaire et axée sur le socle commun. Dans ce but, des « réseaux du socle commun » expérimentaux pourraient être mis en place. Reposant sur le volontariat et associant des écoles et des collèges relevant ou non de l’éducation prioritaire, ils pourraient être, en cas d’évaluation positive, généralisés pour englober la totalité des élèves suivant le cursus de la scolarité obligatoire. »

 

Si les rôles respectifs du principal de collège et de l’IEN sont bien définis dans le projet de Jacques Grosperrin, celui du directeur d’école semble réduit à la portion congrue. Nulle trace de sa reconnaissance statutaire, de son implication administrative ou de sa responsabilité dans le dispositif.

Quelle serait sa place entre le chef d’établissement et l’IEN ? Serait-il en permanence court-circuité par l’IEN qui se verrait attribuer le rôle de super directeur ? Quelles seraient ses attributions, ses responsabilités, ses devoirs, ses moyens… ? Quid du projet de création des EPEP ?

Les organisations syndicales se doivent de réfléchir à ces problèmes et d’apporter des réponses satisfaisantes le plus tôt possible. Avant que les parlementaires ne se saisissent du dossier…

 

Le dispositif "ECLAIR"

 

Mais la proposition de loi du député Grosperrin n’est-elle pas caduque avant même que d’avoir été déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale ? N’est-il pas prévu, dès la prochaine rentrée, de basculer les 249 collèges et 1725 écoles des réseaux d’éducation prioritaire sous un statut dérogatoire doté d’un nouveau sigle « ECLAIR » qui signifie « Ecoles, Collèges et Lycées pour l’Ambition, l’Innovation et la Réussite »…

La mesure dérogatoire la plus spectaculaire permettra aux chefs d’établissements de formuler un avis sur le recrutement des enseignants « afin de s’assurer de leur volonté de s’investir dans le projet d’établissement ». Cet avis de recrutement sera remis au recteur qui procèdera aux affectations. Pour ce qui concerne les avis des enseignants affectés dans les écoles, ce rôle devrait revenir aux inspecteurs…comme le leur avait expliqué Luc Chatel en septembre dernier.

Une fois encore, faute de statut, les directeurs d’école seront les grands absents de cette nouvelle procédure. Dans un cas comme dans l’autre, ce sont les IEN qui seront directement impliqués dans la direction des écoles primaires.

 

Es syndicats se sont immédiatement réunis en intersyndicale regroupant la CGT-Educ'action, le SE-UNSA, le SNCL-FAEN, le SNEP-FSU, le SNES-FSU, le Snuep-FSU, le SNFOLC, le Snetaa-FO et SUD-Education pour demander dans un communiqué commun "le retrait de la circulaire autorisant ce dispositif et l'abandon de toute pression à l'égard des personnels".

 

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13 décembre 2010 1 13 /12 /décembre /2010 12:24

 

Combien de rapports ont été rendus ces dernières années sur la nécessité de doter l’école et son directeur d’un véritable statut ?

Combien de pistes ouvertes par des parlementaires ou des IGEN ? Combien de propositions et d’études restées lettre morte ? Combien de consultations sans lendemain ?

 

Tout a été dit, écrit et commenté sur le statut de l’école et de son directeur. Toutes les mesures à prendre sont connues de tous les responsables de la rue de Grenelle, du ministre et de ses conseillers. Nul besoin d’une énième étude supplémentaire pour engager, enfin, LA réforme du statut de l’école.

 

Deux nouvelles communications, en moins d’un mois, mettent de nouveau l’accent sur l’impérieuse nécessité de cette réforme.

 

Le 18 novembre, lors de l’examen du budget de l’enseignement scolaire, la commission culture du Sénat rend un avis (n° 114). L’occasion, pour ses rapporteurs, de faire un tour d’horizon du fonctionnement de l’école et d’enfoncer le clou…

 

Pour une nouvelle gouvernance des écoles

 

Votre rapporteur insiste depuis plusieurs années sur la nécessité de repenser la gouvernance de l'école primaire, qui pâtit d'un régime juridique inadéquat, d'un défaut de statut des directeurs et d'une mauvaise articulation avec le collège. Ses analyses sont largement partagées comme en témoignent les récents rapports de la Cour des comptes, de l'institut Montaigne, du Haut conseil de l'éducation (HCE) et du député Frédéric Reiss à la demande du Premier ministre. C'est dans un renforcement assumé de l'autonomie des échelons locaux d'administration, et notamment des écoles, que se situe un levier majeur de la différenciation des pédagogies en fonction des besoins des élèves, qui est une des clefs d'amélioration des performances du système éducatif. L'action ministérielle pure, décidée rue de Grenelle, a vécu et doit laisser la place aux initiatives locales dans le respect de grands principes directeurs.

Contrairement aux collèges et aux lycées, qui sont des établissements publics locaux d'enseignement (EPLE), les écoles sont dépourvues de personnalité juridique, si bien qu'elles ne disposent ni de l'autonomie administrative, ni de l'autonomie financière. Les inspecteurs d'académie et les recteurs gèrent les affectations d'enseignants et les questions pédagogiques, alors que le budget et l'entretien matériel sont renvoyés à la commune.

Il est fort regrettable d'avoir manqué l'occasion d'expérimenter des établissements publics d'enseignement primaire (EPEP), prévue par l'article 86 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales. Cette expérimentation était en effet soumise à la publication d'un décret en Conseil d'État précisant les règles d'organisation et de fonctionnement des EPEP, qui n'a toujours pas été publié. Une fois de plus, votre rapporteur déplore vivement l'inaction du ministère de l'éducation nationale mais salue les conclusions du rapport remis par Frédéric Reiss au Premier ministre qui propose de relancer cette expérimentation, sans imposer des modalités décidées en amont mais en labellisant des projets portés et façonnés par les acteurs locaux.

En attendant la relance des EPEP, l'évaluation du dispositif et son éventuelle généralisation, il est possible d'agir dès maintenant pour renforcer le pilotage local de la politique éducative en rénovant le statut du directeur d'école. Il est temps de congédier l'image du « primus inter pares » sans pouvoir hiérarchique, pour leur reconnaître le rôle de véritables managers chargés d'impulser et d'orchestrer le projet pédagogique de l'école en dialogue permanent avec l'ensemble des acteurs de la communauté éducative.

Votre rapporteur propose que leur soit attribué un plein statut de chef d'établissement exerçant ostensiblement le pilotage de l'école, ce qui impliquera de leur transférer un certain nombre des pouvoirs aujourd'hui alloués aux inspecteurs d'académie. Comme l'indique l'Institut Montaigne fort justement, « la création de ce statut nécessite une professionnalisation du recrutement des directeurs d'école », qui faute de formations spécifiques et de volontaires en nombre suffisant sont trop souvent désignés par l'administration.

Le directeur d'école assume déjà aujourd'hui un ensemble de missions très diverses. Il est l'interlocuteur privilégié des élus locaux et des parents d'élèves, parfois aussi du monde économique et des associations périscolaires. Il veille également au bon fonctionnement de l'école et à la coordination de l'équipe pédagogique. Son nouveau statut devrait lieu donner les moyens d'accomplir à fond ses missions. Une revalorisation de leur rémunération et une amélioration du régime de décharge compléteraient utilement le renforcement de leur position au sein de l'école et l'enrichissement de leurs tâches et permettraient de pallier les problèmes actuels de recrutement.

 

Last but not least… le 8 décembre dernier, la Commission des Affaires Culturelles et de l’Education en conclusion des travaux de la mission sur les rythmes de vie scolaire, déposait un rapport sur le bureau de l’Assemblée Nationale. Au détour, de ce rapport, que trouve-t-on ? Un paragraphe concernant, là encore, le fonctionnement de l’école… En effet, même si l’objet de leurs travaux était de détricoter la semaine de quatre jours, les rapporteurs en ont profité pour rappeler au ministre de l’Education nationale l’impérieuse nécessité de faire évoluer le fonctionnement de l’école primaire. Ce qu’ils appellent les « sujets connexes »…

 

TRAITER LES SUJETS « CONNEXES » MAIS FONDAMENTAUX

 

Pour être efficace, une réforme des rythmes de vie scolaire ne saurait s’arrêter à une nouvelle répartition des horaires et des jours d’enseignement, mais devrait conduire à transformer la pédagogie et le fonctionnement de l’école. D’une part, le travail des enseignants du premier degré devrait être redéfini. D’autre part, l’école – dépourvue de toute personnalité morale – et son directeur – qui n’est qu’un enseignant parmi les autres, dont l’autorité sur ses collègues est purement fonctionnelle – devraient voir leur statut évoluer.

 

Revoir le statut de l’école et celui de son directeur

 

Le statut de l’école et celui de son directeur sont aujourd’hui très critiqués.

D’une part, étant un service municipal depuis sa création, par la loi « Guizot » de 1833, l’école primaire n’est pas dotée de la personnalité juridique, ce qui bride sa capacité d’action. Pour y remédier, l’article 86 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a certes autorisé la création, sur une base expérimentale et pour une durée de cinq ans au maximum, d’établissements publics d’enseignement primaire (EPEP), en précisant qu’un décret en Conseil d’État déterminerait les règles d’organisation et de fonctionnement de cette structure. Or ce décret n’a jamais pu être adopté, en raison de l’hostilité de certains syndicats au projet de texte soumis à discussion, qui prévoyait que la moitié des sièges du conseil d’administration des EPEP serait attribuée à des représentants de la commune, et de leur réticence à voir se créer des écoles dotées d’un « vrai » chef d’établissement.

D’autre part, le directeur d’école, n’étant qu’un enseignant bénéficiant d’un statut d’emploi, est dépourvu de toute autorité hiérarchique sur ses pairs et ne peut être le « pilote pédagogique » de l’école. Certes, la loi de programme pour l’avenir de l’école du 23 avril 2005 a prévu qu’un décret en Conseil d’État fixerait les conditions de recrutement, de formation et d’exercice des fonctions spécifiques des directeurs d’écoles maternelles et élémentaires (article L. 411-1 du code de l’éducation), mais cette disposition est la seule de ce texte à n’avoir jamais été mise en application.

Tant l’objectif de la réussite de chaque élève que la réforme des rythmes de vie scolaire devraient accentuer la nécessité, pour toute école, d’une part, de renforcer la coordination pédagogique de ses professeurs et, d’autre part, de développer ses relations avec le réseau d’associations et d’institutions fournissant des prestations et des services complémentaires en matière péri et extrascolaire. En effet, si l’école restait sous-organisée au plan administratif, elle risquerait de ne pas être en mesure de relever ce double défi.

C’est pourquoi il faut se féliciter que notre collègue M. Frédéric Reiss, nommé par le Premier ministre parlementaire en mission sur la direction d’école, ait présenté, récemment, un rapport qui ouvre des pistes intéressantes pour le statut de l’école et de son directeur. Toutefois, si le diagnostic établi est unanimement partagé, les recommandations sont encore en débat.

Le rapport préconise notamment d’expliciter les prérogatives du directeur d’école (notamment son pouvoir d’affectation des enseignants dans les différentes classes) et sa qualité de représentant de l’État dans l’école et d’expérimenter, dans les écoles comptant 14 classes, seuil à partir duquel les directeurs bénéficient d’une décharge complète, la constitution d’établissements publics du primaire (E2P). Par ailleurs, afin de « mieux faire entrer la commune dans l’école » et « mieux faire vivre la cité dans l’école », le projet d’école devrait s’élever au rang d’un véritable « contrat éducatif ». Ce dernier, comme c’est d’ores et déjà le cas pour le projet d’école, devrait définir les « modalités particulières de mise en œuvre des objectifs et des programmes nationaux » et préciser « les activités scolaires et périscolaires qui y concourent [et] les voies et moyens qui sont mis en œuvre pour assurer la réussite de tous les élèves et pour associer les parents à cette fin » (article L. 401-1 du code de l’éducation). Parallèlement, les modalités d’adoption du projet d’école (élaboration par le conseil des maîtres, puis adoption par le conseil d’école aux termes de l’article D. 411-8 du code) devraient être abandonnées, car, selon M. Frédéric Reiss, elles donnent « une place périphérique aux acteurs qui ne sont pas le milieu enseignant », le conseil des maîtres ayant la main sur l’ensemble du projet. Le contrat éducatif devrait donc être adopté par le conseil d’école, après un débat d’orientation au sein de celui-ci (ou du conseil d’administration s’il s’agit d’un établissement public du primaire) six à huit mois avant la date prévue d’entrée en vigueur du contrat.

 

 

Qu’en sera-t-il de l’avenir de ces nouveaux rapports ? On se souvient des réactions de Luc Chatel après la publication du rapport Reiss. Dans un communiqué, le ministre de l'Education nationale Luc Chatel affirmait que "certaines" des propositions allaient "pouvoir être mises à l’étude, en écho avec la préparation d’un plan numérique pour l’école, en relation avec la réflexion sur les rythmes scolaires ou en complément du plan de lutte contre l’illettrisme", sans autre précision.

 

Plus de deux mois plus tard, force est de constater que le chantier est au point mort, que les négociations attendues par les syndicats n’ont toujours pas débuté et il semble peu probable que le gouvernement lance cette réforme avant l’élection présidentielle de 2012 (relire notre article du 19 octobre 2010).

C’est aussi l’avis du sénateur socialiste Yannick Bodin qui, lors de l’examen du projet de loi de finances 2011, déclarait : « Dans sa récente intervention télévisée, le Président de la République n'a pas prononcé une seule fois le mot « éducation ». M. Fillon, dans son discours de politique générale, ne l'a fait que pour féliciter M. Chatel. C'est dire qu'elle n'est pas la priorité ! A lire ce budget, la feuille de route confiée au ministre tient en peu de mots : faites des économies ! D'ailleurs, M. Chatel l'a reconnu. Mais pourquoi justifier cette réduction des moyens par des théories ? ».

A quand le prochain rapport sur la gouvernance de l’école ? Les paris sont ouverts…

 

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29 septembre 2010 3 29 /09 /septembre /2010 11:19

 

 

Nous poursuivons la publicartion d'extraits du Rapport Reiss que le Député chargé de mission remettra cet après-midi au Premier Ministre.

Cette quatrième partie est plus spécifiquement consacrée aux propositions suggérées par le Député Frédéric Reiss pour reconnaître statutairement la fonction de directeur d'école.

 

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Le statut juridique des directeurs d’école pourrait être celui d’un détachement dans le corps des personnels de direction ou dans un emploi fonctionnel

 

Bien que le statut des directeurs d'école soit le centre des préoccupations, voire des appréhensions, il ne vient qu’en avant-dernière partie de la présente recommandation. Il ne faut pas s’en étonner : ce n’est qu’une fois le programme des travaux connu qu’on choisit les outils nécessaires pour le réaliser.

Les organisations syndicales ou associations regroupant des directeurs d'école ont récemment passé commande de sondages sur ce sujet. Sans s’arrêter ici sur la valeur scientifique de ces consultations, en particulier les biais qu’elles peuvent comporter, l’on note néanmoins que, parmi les directeurs interrogés, se manifeste une certaine corrélation entre la taille de l’école où l’on exerce ses fonctions et la propension à réclamer un statut pour son directeur.

 

Le champ des possibles va de l’ajustement de l’existant à la création d’un corps nouveau de fonctionnaires

 

Hormis celle de ne rien changer, évidemment exclue au regard de l’analyse ci-dessus, cinq hypothèses s’offraient à la réflexion pour envisager l’avenir réglementaire du métier de directeur.

Toutes ont été examinées à l’aune des deux critères suivants :

- permettre de plus faciles allers et retours entre le métier de directeur et celui d’enseignant de plein exercice, tout en permettant l’établissement d’un plan de carrière dans la première situation ;

- être le moins onéreux possible pour les finances publiques.

 

Des cinq hypothèses envisagées, trois apparaissent comme devant être écartées, alors que les deux dernières présentent des intérêts très comparables.

 

Première hypothèse : aménagement de l’existant, qui est déjà un statut d’emploi, en procédant à des retouches du décret de 1989 relatif aux directeurs d'école. On a vu plus haut que le décret réclamait de nombreuses modifications, afin de rendre le métier plus conforme aux besoins du service public. Ces aménagements auraient pourtant été insuffisants, en l’absence de mesures facilitatrices des « allers-retours » évoqués ci-dessus.

 

Deuxième hypothèse : création d’un corps spécifique de la fonction publique. Concernant un ensemble de tâches clairement identifié et très homogène, pouvant s’appliquer à des dizaines de milliers de fonctionnaires, le métier de directeur d'école aurait pu justifier la création d’un corps.

Beaucoup de corps de la fonction publique d’État comptent moins de fonctionnaires que la France ne compte ne directeurs d'école. Cette hypothèse aurait présenté deux grandes faiblesses, qui conduisent à devoir l’écarter. D’une part, elle irait à l’encontre de la possibilité des allers et retours souhaités plus haut et qui constituent l’une des conditions majeures d’attractivité de la charge. D’autre part, elle irait à rebours de la politique actuelle de réduction du nombre de corps de la fonction publique, motivée par le désir d’avoir des corps plus peuplés, pour à la fois faciliter la mobilité des fonctionnaires et la gestion du service public.

 

Troisième hypothèse : intégration dans le corps des personnels de direction. Le directeur d'école ferait ainsi partie d’un corps de fonctionnaire spécifique, où il côtoierait notamment les proviseurs et les principaux. Outre qu’elle marquerait mal la nette différence à faire entre les deux degrés d’enseignement pour ce qui concerne les conditions d’exercice de la direction, cette hypothèse ne répondrait pas à l’exigence de réversibilité. Par rapport à la deuxième hypothèse, elle ne présente guère que l’avantage de ne pas augmenter le nombre de corps et de donner une perspective de carrière mieux assurée au fonctionnaire.

 

Quatrième hypothèse : création d’un emploi fonctionnel. On peut définir un emploi fonctionnel comme un emploi correspondant à des fonctions particulières, qui bénéficie d’une grille de rémunération et d’un régime indemnitaire spécifiques. Ces postes sont pourvus par la voie du détachement, en général pour une durée limitée éventuellement renouvelable. Le premier de ses avantages est lié au régime juridique du détachement, position réversible entre toutes car il peut y être mis fin par l’administration comme par l’agent. Ce dernier retourne alors dans son corps d’origine, où il a conservé durant toute la période son droit à l’avancement et à la retraite. La facilitation des allers-retours est pleinement assurée. Cette hypothèse serait donc tout à fait possible. De plus, elle faciliterait un recrutement plus personnalisé.

Cette hypothèse était préconisée dans le Livre vert sur l’évolution du métier d’enseignant, en 2008. Mais l’on note que les principaux et proviseurs étaient eux aussi recrutés sur un emploi fonctionnel, qui avec le temps est devenu un corps. Si les directeurs d'école empruntaient le même itinéraire, cela reviendrait à redescendre à la deuxième hypothèse ci-dessus.

 

Cinquième hypothèse : détachement dans le corps des personnels de direction. Cette solution présente les mêmes avantages que la quatrième, avec cet intérêt supplémentaire pour le fonctionnaire de se voir proposer au bout de cinq ans, comme la loi désormais l’exige, une intégration dans le corps où il est détaché ; proposition qu’il peut évidemment refuser. Qui plus est, par rapport à l’hypothèse précédente, le risque de créer à terme un corps n’existerait évidemment plus. En somme, les directeurs bénéficieraient à la fois de la réversibilité et de la perspective de carrière, le métier devenant alors plus attractif. En revanche, l’employeur qu’est le ministère pourrait éprouver quelques difficultés dans le cas d’une intégration dans le corps. Il faudrait en effet, soit affecter l’agent intéressé dans un EPLE, où il aurait de nouveau à affronter une rupture dans sa carrière ; soit laisser cohabiter à la direction des écoles des fonctionnaires placés en situation de détachement dans le corps des personnels de direction et d’autres qui y sont titularisés. La seconde branche de l’alternative apparaît comme tout sauf souhaitable. En tout état de cause, le décret régissant le corps des personnels de direction serait modifié.

Le professeur des écoles qui a cinq ans d’ancienneté pourrait être reclassé au quatrième échelon dans le corps et le grade de personnel de direction de deuxième classe (voir grilles indiciaires de ces deux corps en annexe).

L’hypothèse 4 présente les avantages attachés à la souplesse de l’emploi fonctionnel.

L’hypothèse 5 privilégie le plan de carrière du directeur.

 

Autres suggestions pour le contenu des textes réglementaires concernant le statut du directeur et les conditions d’exercice de son métier

 

Il n’est pas du ressort du présent rapport de développer tous les points devant figurer dans ces textes, ni de les ventiler entre le code et le décret sur les directeurs. Beaucoup de suggestions ont été faites à ce sujet dans les pages précédentes. C’est pourquoi on se limitera à évoquer quelques principes.

Avant tout chose et après mûre réflexion, il est suggéré de maintenir dans les textes la dénomination de « directeur d'école ». Les auditions et la recherche documentaire menées dans le cadre de cette étude ont pourtant permis de réunir tout un catalogue de termes visant à définir ce métier. On le nomme ainsi, par ordre alphabétique, « chef d'établissement », « directeur de site », « directeur de structure primaire », « directeur d’établissement », « directeur pédagogique », « leader pédagogique », « maître-directeur », « manager ». Une telle variété de dénominations n’est pas un apanage de l’Hexagone : un tour du monde engendrerait des constatations comparables.

Le décret pourrait s’ouvrir en mentionnant que le directeur d'école exerce quatre types de fonctions : pédagogiques, relationnelles, administratives et managériales.

L’on note que l’article 2 du décret portant statut des personnels de direction prévoit que les « personnels de direction participent à l'encadrement du système éducatif et aux actions d'éducation ».

Une telle disposition est fort opportune pour les directeurs d'école.

Il n’est en revanche pas suggéré que le décret comporte une mention d’ordre général sur la philosophie de la direction d’école : « le directeur facilite les conditions d’enseignement en rendant propices… ». Elle serait en effet et fort probablement dénuée de portée normative.

Le renforcement de la situation institutionnelle du directeur passe par les voies explorées ci-dessus (prérogatives es qualité) mais aussi en faisant de lui l’exécutif du conseil d’école (conseil d’administration en établissement public). Il en irait de même en rendant ses décisions publiques et exécutoires, ce qui sera le cas dans un établissement public ; dans celui d’une école sans personnalité morale, il conviendrait d’étudier des modalités de délégation de signature ès qualité au directeur, à l’instar de ce qui se fait pour les cadres des ministères.

Afin de donner plus de souplesse à l’organisation du temps scolaire, afin d’assurer le cas échéant des remplacements de courte durée, afin surtout de faire garder à l’intéressé le contact avec l’enseignement, il est suggéré que le directeur d'école soit tenu à une obligation d’enseignement.

Il s’ensuit que, quelle que soit la taille de l’école, la quotité de décharge serait à l’avenir plafonnée à, par exemple, 75 %. Cette mesure apparaît comme devant faire l’objet d’une expérimentation spécifique dans quelques écoles. Comptant parmi ses finalités celle de rendre plus souple le fonctionnement pédagogique de l’école, il est suggéré que le mode de calcul pour le respect de l’obligation d’enseignement se fasse sur la base de l’année scolaire et non plus de la semaine, éventuellement sur la base du trimestre.

Dans le cas des écoles dont la taille justifie une décharge à temps complet, celle-ci serait donc désormais partagée entre le directeur (les 75 % ci-dessus) et un autre enseignant (le complément de décharge), sauf dans les 2EP.

De même qu’un plafonnement de décharge, un abaissement du seuil des différentes quotités de décharges aiderait à libérer du temps aux directeurs pour effectuer les tâches qui relèvent de leur métier spécifique.

Aujourd'hui, les seuils de décharges s’établissent à 4 classes pour 25 %, 10 classes pour 50 % et 14 classes pour 100 %.

Les seuils suivants sembleraient plus raisonnables : 4 classes pour 25 %, 7 classes pour 50 %, 10 classes pour une décharge de 50 % pour le directeur conjuguée à un complément de décharge pour un autre enseignant de l’école (posé à 25 %), 14 classes pour la décharge maximale du directeur, avec un complément de décharge pour un autre enseignant de l’école (posés à 75 % pour le directeur et 25 % pour l’autre enseignant). Or, la simple mise en œuvre de ces dispositions représenterait un coût estimé entre 2 300 et 2 700 emplois de plus que la situation actuelle, soit une augmentation de l’ordre d’un quart. On voit qu’une telle mesure ne serait pas conséquence sur les finances publiques.

La délégation de signature aurait une importance particulière en matière financière. La question est de savoir si le directeur d'école peut en être dépositaire, jusqu’à un certain plafond de recettes ou de dépenses, au nom de la commune ou du groupement. En cas de réponse positive, il importe néanmoins de mesurer les conséquences éventuelles de cette situation dans les domaines autres que financiers, avant de conclure à l’opportunité ou non de son application. Le but recherché ici est avant tout d’éviter les risques de gestion de fait. En tout état de cause, le directeur exerçant ses fonctions dans un établissement public aurait la qualité d’ordonnateur. Des questions similaires se posent pour l’éventualité de recettes et de dépenses.

Beaucoup des personnes rencontrées en vue de ce rapport ont fait connaître leur regret que les directeurs d'école ne soient pas plus intégrés dans la vie sociale de leur commune, en comparaison de l’époque pas si lointaine où l’instituteur était logé. Après réflexion, il est suggéré de ne pas assortir la charge de directeur d'école d’une obligation de résidence. Une telle contrainte nuirait peut-être à l’attractivité du métier. Par contre, rien n’empêche, bien au contraire, les communes et intercommunalités de proposer des logements de fonction, ce qu’il convient donc que le droit facilite.

Enfin, dans le cas d’un établissement public, le directeur serait revêtu de prérogatives et responsabilités supplémentaires liées à cet état de fait, comme par exemple ester en justice au nom de l’école.

 

Un directeur par école (ou regroupement), un référent par site

 

L’une des pistes de l’amélioration du fonctionnement des écoles au service de la réussite des élèves est la recherche d’écoles de plus grande taille. Cela concerne particulièrement le directeur, qui a besoin de marges de manœuvre pour apporter un meilleur concours à la performance de l’école. Il s’ensuit que le métier de directeur n’en est véritablement un qu’à partir d’un certain volume d’activité.

En-deçà, il s‘agit plus de fonctions de coordination, voire d’exécution, que de direction au sens où ce concept est entendu dans le présent rapport.

C’est pourquoi celui-ci aurait pu suggérer que le titre de « directeur d’école » soit réservé à des entités atteignant une taille critique, déterminée par arrêté du ministre. La pratique actuelle du « une école – un directeur ; un directeur – une école » n’est pas forcément, en effet, de bonne administration. Les écoles situées en-deçà du seuil auraient été rattachées à la direction, au sens entendu désormais, d’une autre école. Toutefois, cette idée pêche par trop de normativisme. Ce n’est pas d’avance, d’un trait de plume, qu’un décideur, quel qu’il soit, peut déterminer, pour la France entière, à partir de quel seuil la direction n’en est plus une. De surcroît, une application indéterminée à l’ensemble du territoire national serait orthogonale au principe d’adaptation aux situations locales évoqué en introduction de ces recommandations. Les regroupements d’écoles doivent rester incitatifs, et non contraints.

En cohérence avec ce qui a été décrit ci-dessus pour la mesure de la valeur professionnelle du directeur, pour laquelle un affinement de l’évaluation de la charge semblait opportun, il est suggéré que, dans un proche avenir, le calcul aboutissant à la détermination des différentes quotités de décharges prenne plus de facteurs en compte qu’aujourd'hui.

Le besoin d’améliorer l’efficience de la gestion de l’école conduit par ailleurs à suggérer que la règle de droit commun soit qu’un regroupement d’écoles ne comporte qu’un directeur, assorti selon les cas d’un ou plusieurs référents de site.

Dans les autres sites d’enseignement du regroupement, il n’y aurait pas de directeur mais un « référent de site », principalement chargé de l’accueil des élèves et des parents au début et à la fin de la journée de classe. Cette activité ne serait pas accompagnée d’une décharge d’enseignement, mais ne serait pas incompatible avec le système de partage de décharge suggéré plus haut. Elle serait exercée de préférence sur la base du volontariat et donnerait lieu à une gratification financière.

Il est suggéré enfin que l’application de ces nouvelles dispositions concernant la direction d'école s’accompagne de mesures particulières pour les enseignants qui dès lors n’occuperaient plus la fonction de directeur. Ils seraient nommés « référents de site ». Le maintien de leur régime indemnitaire pourrait leur être assuré tant qu’ils demeurent sur le même poste.

 

L’affirmation du leadership pédagogique des directeurs est inséparable d’une amélioration de l’efficacité générale du fonctionnement des écoles primaires

 

A l’occasion des entretiens et visites effectués en vue de la rédaction de ce rapport, deux choses concernant la dimension organisationnelle des écoles sont à retenir. L’une, déjà évoquée, est le rejet très répandu de l’administratif. L’autre est le caractère bien souvent rudimentaire des matériels et procédures qui font le travail quotidien des écoles. Or, dans ce domaine comme dans les autres, l’inefficacité conduit aux pertes de temps et aux coûts induits, elle éloigne d’autant des ambitions supérieures liées aux résultats des élèves.

Le problème posé aux directeurs dans leur activité quotidienne peut se transcrire sous la forme d’une opération mathématique simple :

 

n * t = T où « n » est le nombre de tâches à effectuer, « t » le temps moyen pour effectuer une tâche, en minutes par exemple, « T » le temps de travail total disponible.

Par convention, on suppose l’absence de déséquilibre initial, que le « T » de départ est exactement égal au temps de travail légal d’un directeur d'école.

On comprend bien, dès lors, les conséquences de l’augmentation du nombre de tâches confiées au directeur. Soit s le nombre de tâches supplémentaires : (n + s) * t = T + s*t

Le directeur n’a plus le temps d’accomplir tout son travail. Il lui manque un temps égal à s * t.

 

1 Le retour à l’équilibre est possible dans chacune des deux hypothèses suivantes : En compensation de la hausse du nombre de tâches, leur réduction équivalente par ailleurs : (n + s - s) * t = T

 

2 Réduction du temps moyen par tâche : (n + s) * t * [n / (n + s)] = T ou à défaut, en accordant du temps de travail supplémentaire (renforcement en personnel).

 

Ces équations modélisent les pistes possibles pour l’amélioration de l’efficacité du travail du directeur, respectivement contenir ou diminuer le nombre de tâches qui lui sont confiées, améliorer l’efficience de son travail et accroître les ressources disponibles pour l’effectuer. On peut élargir la problématique à l’activité de l’école dans son ensemble.

 

Réduction du nombre de tâches

 

Il en va à l’école comme ailleurs : on ne fait pas toujours ce qu’on veut. Parfois, le personnel de l’école est contraint de faire un travail qui n’entre pas dans le cadre ordinaire de ses attributions mais qui est imposé par une circonstance extérieure. Sur ce point, une école souffre d’un handicap particulier : elle est en effet le lieu où, les jours de classe, convergent tous les enfants ou presque de la commune (du quartier, du hameau…). Ce n’est pas un hasard s’il fut fortement envisagé, au moment de l’épidémie de grippe A en 2009, de faire vacciner les enfants dans leurs établissements scolaires, ce qui devint une réalité dans les lycées et collèges, accroissant à cette occasion la charge de travail de leurs responsables.

Réduire ou contenir le nombre de tâches que l’on effectue au travail, raccourcir la liste des « à faire », passe par la capacité, associée à la volonté, de dire non, quand il le faut. Soulager la charge des écoles, c’est aussi leur donner plus de marge de manœuvre. On note à ce sujet qu’adresser des demandes à l’autorité supérieure peut prendre un temps pas toujours inférieur à celui requis pour agir soi-même.

Une tendance est irréversible : le corollaire de l’autonomie et de l’obligation de résultats, c’est l’accroissement de l’obligation de rendre compte. Or, celle-ci peut s’avérer une source de tensions au sein des écoles. Une organisation syndicale reçue lors des auditions s’est avérée aussi ordinaire dans le message que tranchante dans sa formulation :

« Quelque chose qui est très agaçant, c’est les enquêtes : une, deux, trois enquêtes par semaine. Tout le monde y va de son bilan. C’est une perversion de la notion de pilotage. »

Ces demandes des autorités centrales ou académiques, qui apparaissent trop nombreuses, sont très largement vilipendées. Le terme « enquête » provoque à lui seul l’irritation, à tel point que l’on songe à ces chefs d’entreprises se plaignant de payer l’ « impôt-paperasse ». Dans l’administration, l’on évoque plutôt le « harcèlement textuel ». Une telle tension, au sein pourtant d’une même institution, est préoccupante.

Pourtant, les « enquêtes » sont bien souvent indispensables. Les bases de données informatiques ne recensent pas tout, et pas tout de suite. Or, les administrations centrales ont un important besoin de données de pilotage : pour former des diagnostics, préparer des réformes, suivre leur mise en œuvre, en mesurer les effets, informer les décideurs, auditeurs, acteurs internes ou externes au système éducatif. Du reste, le Gouvernement disposant de l’administration1, il est à la fois légal et sain que cette dernière apporte des réponses aux questions que le ministre pose et ne puisse pas s’en dispenser quand les chiffres ne se trouvent pas dans l’ordinateur. De fait, les enquêtes ne sont qu’un aspect de la problématique beaucoup plus générale des systèmes d’information.

Cela étant posé, des améliorations sont nécessaires, en sus de la modération des responsables au moment de solliciter les services de terrain. Dans ce but, et se souvenant que Keynes signalait qu’une statistique ne devait pas coûter plus cher qu’elle ne rapporte, la DGESCO a mis en place un « outil enquêtes », qui vise à réduire l’impact de ce mode de fonctionnement sur l’activité des acteurs de terrain et s’accompagne d’une campagne de formation de son personnel.

Comment sortir par le haut de ce casse-tête ? Une inspectrice de circonscription a su faire remarquer que de la contrainte pouvait parfois naître l’occasion. « Les enquêtes ministérielles : nombreuses et chronophages (…) deviennent une aide au pilotage des écoles si une synthèse de circonscription permet des comparaisons ».

L’évolution du pilotage est indispensable pour desserrer l’étreinte qui pèse sur les écoles en général et leurs directeurs en particulier. Dans cette perspective, le ministère a conclu en 2007 une « Charte des pratiques de pilotage » des EPLE, fondée sur quatre principes : recentrer l’EPLE sur ses missions d’enseignement et d’éducation, simplifier et sécuriser le fonctionnement administratif de l’EPLE, constituer progressivement de véritables pôles administratifs opérationnels dans les EPLE, contribuer à la qualité des relations de l’EPLE avec la collectivité de rattachement et avec son environnement. Tous les quatre sont pertinents pour le fonctionnement des écoles. La Charte des pratiques de pilotage des EPLE pourrait donc inspirer une démarche similaire en faveur des écoles.

 

Amélioration de l’efficience

 

Les différences de dotation entre les écoles conduisent à ce que les moins bien loties travaillent dans des conditions matérielles rudimentaires, ce qui les rend peu à même d’exécuter leurs missions, ce qui les handicape dans leur mission d’améliorer leurs performances. En sus des mesures suggérées dans la septième recommandation de ce rapport, ces écoles ont besoin d’être particulièrement soutenues.

C’est pourquoi il est suggéré de faire des écoles primaires un lieu prioritaire de la modernisation de la gestion publique. Il conviendrait de s’efforcer de mettre les moyens d’administration les plus efficaces au service de la gestion des écoles. On se souviendra que ces moyens peuvent être du matériel, certes, mais aussi des procédés. L’on songe avant toute chose à l’administration électronique, dont les écoles ont vocation à être les bénéficiaires prioritaires, particulièrement en zones rurales, à l’instar de ce qui est en cours de développement avec les écoles numériques rurales.

 

Des efforts doivent aussi être faits en matière de mise en commun de ressources, et ce indépendamment des efforts plus généraux sur l’accroissement de la taille moyenne des écoles. Par exemple, pourraient être envisagés des secrétariats téléphoniques communs à plusieurs écoles et pouvant répondre à des questions de détail des usagers. Cette mise en commun de ressources ne serait pas non plus sans intérêt du strict point de vue des amortissements comptables.

L’accroissement des compétences individuelles est elle aussi source de gains d’efficience, ce qui renforce d’autant les enjeux liés à la formation des directeurs dans tous les aspects de leur métier.

De plus, les soutiens mis à la disposition des écoles doivent être accessibles sans coût excessif (temps d’attente rédhibitoire par exemple). Si, comme cela a été dit lors des auditions, les experts chargés de conseiller les équipes pédagogiques ne sont pas suffisamment accessibles, celles-ci risquent d’avoir à se débrouiller par leurs propres moyens.

Le directeur d'école est d’autant plus exposé à ce danger qu’il doit jongler entre des attributions variées et qu’il n’a pas toujours des experts pour l’assister ou le seconder. Cet argument rend d’autant plus opportun de renforcer le rôle de conseil des services académiques envers les équipes des écoles.

 

Temps de travail disponible

 

Une première piste est évidemment de renforcer les écoles en personnel : un AVS soulage grandement l’équipe éducative en cas de scolarisation d’enfant handicapé, tout comme un EVS peut apporter un réel soutien en matière, par exemple, de secrétariat et de comptabilité.

La comparaison entre le personnel non enseignant dont dispose un collège, fût-il de très petite taille, et une école, fût-elle de grande taille, est édifiante : quand le principal de collège dispose d’un principal adjoint et/ou d’un conseiller principal d’éducation, d’assistants d’éducation, le directeur d'école a éventuellement un EVS qui vient le soulager. C’est là une illustration de la préférence marquée de la société française pour le second degré par rapport au premier, qui n’existe pas dans les discours mais saute aux yeux à la lecture des comptes.

Cela étant, ajouter du personnel ne suffit pas en soi : le droit de tirage sur les ressources publiques n’est concevable que s’il s’accompagne d’une amélioration de l’efficience.

« Les obligations administratives entrent clairement en conflit avec les attributions pédagogiques sur la liste des priorités des chefs d'établissement et occupent 34 % de leur temps »

Cet exemple néo-zélandais, s’il manie des concepts très imprécis (« obligations administratives ») et si l’absence d’une norme idéale à laquelle comparer ces 34 % empêche de lui daigner valeur probante, confirme que l’impression de consacrer trop peu de son temps à son cœur de métier est un sentiment largement répandu.

Plus peut-être qu’à l’augmenter, l’enjeu consiste à mieux ajuster la répartition du temps de travail entre le temps « utile » et le temps « moins utile », à s’efforcer d’identifier ce que les économistes appelleraient l’utilité marginale du temps de travail consacré à une tâche donnée. Est-il plus utile que je précise les formulations contenues dans ce projet de courrier ou que je téléphone aux parents de cet élève dont le maître constate qu’il éprouve de soudaines difficultés dans ses études ?

Est-il plus utile que je débatte plus longuement de l’emplacement de la signalétique dans les couloirs ou que je prenne l’attache de l’IEN pour lui indiquer que l’équipe pédagogique suggère l’ajout au catalogue des formations académiques d’un module consacré par exemple (fictif) à l’utilisation des tableaux blancs interactifs dans le cadre de l’apprentissage de la lecture ?

En tout cas, les arbitrages que le directeur doit rendre sans cesse sur l’organisation de son temps de travail ne doivent pas se faire au détriment de son action de leader pédagogique, ni du rôle qui est le sien pour aller à la rencontre des parents les plus éloignés de l’école. Ce sont des parents dont il est possible de dire qu’il ne faut pas seulement les attendre et les accueillir, mais bien aller les chercher. Tel pourrait être un des apports les plus visibles des directeurs à la réussite de tous les élèves.

 

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Parmi les hypothèses qu'il suggère, le Député écarte la création d'un corps spécifique de directeurs d'école. Ainsi que nous l'avons toujours écrit dans nos articles, cette mesure ne serait pas compatible avec la politique de RGPP initiée par le gouvernement.

Ainsi, déclare Frédéric Reiss, "elle irait à rebours de la politique actuelle de réduction du nombre de corps de la fonction publique, motivée par le désir d’avoir des corps plus peuplés, pour à la fois faciliter la mobilité des fonctionnaires et la gestion du service public".

 

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29 septembre 2010 3 29 /09 /septembre /2010 10:02

Huit recommandations pour contribuer à la réussite des élèves

 

1 / Revoir l’organisation territoriale du service public de l’éducation, notamment en facilitant les regroupements d’écoles

 

Regroupements d’écoles sécurisés par la création du dispositif juridique des regroupements scolaires

Permettre d’agir au plus près du terrain implique de faire évoluer, 177 ans après Guizot

Les écoles ont vocation à travailler en réseaux

 

2 / Laisser expérimenter les établissements publics du primaire (E2P)

Il convient donc de laisser les expérimentations avoir lieu, en allégeant les conditions pour ce faire mais en imposant un calendrier soutenu

 

3 / Placer le contrat éducatif au centre du pilotage de proximité

Avant toute chose, l’ « effet-établissement »

Un projet collectif donne du sens à l’action d’un groupe

 

4 / S’appuyer sur des leaders pédagogiques, les directeurs d'école

La réflexion sur le rôle du directeur ne peut être séparée de celle portant sur la gouvernance de l’école. C’est avant tout le statut des écoles, plus encore la détermination des objectifs qu’elles poursuivent qui déterminent les contours des fonctions du directeur d'école.

Toutefois, certaines solutions concernant les directeurs peuvent s’appliquer immédiatement, sans être conditionnées à des changements dans le statut et la gouvernance des écoles.

 

L’amélioration des conditions d’enseignement et des progrès dans les apprentissages : deux justifications de l’existence d’un directeur

 

Avant d’entrer dans les détails de la fonction, il peut être nécessaire d’en résumer la philosophie générale. L’on retiendra pour ce faire la formulation suivante : « la direction influe sur le motivations, les capacités et les conditions de travail du personnel enseignant, qui lui-même définit les pratiques pédagogiques et l’apprentissage des élèves ». Trois mots-clés émergent : influence, enseignants, élèves.

C’est à ce point seulement de la réflexion que l’on peut y faire entrer les observations du Haut Conseil de l'Éducation, qui avançait que « le débat sur la fonction de directeur d’école primaire, dotée de compétences explicites, ne [devait] plus être éludé », après avoir souligné que « l’institution confie [au directeur] des responsabilités croissantes, mais il reste un pair parmi ses pairs, et l’on constate à chaque rentrée de nombreux refus d’exercer la responsabilité de directeur, les inspecteurs d’académie devant alors recourir à des réquisitions ».

 

Une fonction fondée sur la pratique pédagogique

 

« Ce qui fait la différence, c’est la qualité du geste professionnel. Si on attaque toujours par des marges, on est inefficace. »

Si la fonction première d’un directeur d'école est d’être un leader pédagogique, c’est qu’il doit se montrer capable, d’une part de fédérer une équipe pédagogique, d’autre part de la faire progresser.

Une part de la plus-value du directeur prend donc la forme d’un soutien aux pratiques des enseignants, de pair à pair.

 

A partir de ce socle, le directeur a pour responsabilité d’assurer la mise en cohérence des actions de l’école

 

Le directeur a en effet pour responsabilité d’assurer différentes mises en cohérence, grâce auxquelles l’école a la capacité de réaliser son potentiel : devenir une communauté de professionnels.

C’est tout d’abord la mise en cohérence de l’action pédagogique, en tant que primus inter pares : entre les différents contenus d’enseignement, les différents contenus éducatifs. Un de ces enjeux annexes devient celui de donner, susciter ou conserver le lien entre les divers intervenants qui entrent dans l’école. On sait que le maître unique est de moins en moins une réalité. L’accroissement des moyens est allé de pair avec l’augmentation du nombre des intervenants. Beaucoup d’adultes travaillent dans une école : maîtres de la classe, intervenants extérieurs – enseignants ou non –, ATSEM, EVS, AVS…

La mise en cohérence implique une autre responsabilité, d’une difficulté évidente, celle d’animer – au sens étymologique du terme notamment – l’équipe pédagogique. Or, les rapports des enseignants avec le travail en équipe sont frappés du sceau de l’ambigüité. Si ceux-ci affirment effectivement travailler en équipe, si le Livre vert sur l’évolution du métier d’enseignant rappelle que 64 % des enseignants du 1er degré déclarent avoir suffisamment de relations de travail avec leurs collègues (p. 100), cette même source, parmi beaucoup d’autres, déplore « la très faible mise en commun des pratiques d’enseignement et des expériences » (p. 70).

La mise en cohérence prend aussi d’autres formes, dérivées certes, mais non négligeables.

C’est par exemple au directeur qu’il revient d’assurer ou de s’assurer de l’accueil, plus encore l’intégration des nouveaux collègues. De manière similaire, la plus grande fréquence du temps partiel conduit un nombre élevé d’enseignants à se partager entre plusieurs écoles, ce qui, d’une part, complexifie la gestion, d’autre part ne facilite pas les démarches collectives. Il revient au leader pédagogique de pallier, pour ce qui relève de lui, ces inconvénients.

Or, le travail en équipe n’est pas spontané : pour donner ses fruits, il doit être organisé et maîtrisé. Donner une cohérence aux travaux d’une équipe, plus encore en assurer la cohésion ou la lui conserver, ne ressortissent pas uniquement de l’improvisation. Animer une équipe est une compétence professionnelle en soi.

De surcroît, il ne faut pas faire semblant d’ignorer que tout groupe humain est en lui-même générateur de tensions potentielles. Sur ce point, la polyvalence statutaire des enseignants du premier degré évite au directeur – et aux autres – de risquer de s’épuiser avec ce qu’on peut appeler la « diplomatie disciplinaire ». Il n’en reste pas moins que le leadership passe parfois par la gestion des conflits.

L’amélioration du pilotage des écoles, qui passe par une redéfinition du métier de directeur, s’inscrit dans le temps long, par-delà les calendriers politiques et budgétaires.

La mise en cohérence, c’est aussi celle de la parole de l’école. Le directeur, ou son représentant dans l’école, doit être en mesure de la donner en permanence. De surcroît, le directeur doit pouvoir agir vite. Quand un élève est en train de perdre pied, il importe que l’équipe pédagogique sache réagir sans délai. Le directeur a dans ce cas la responsabilité d’actionner le dispositif du PPRE.

Il est aussi de sa responsabilité, à l’inverse, de rappeler le cas échéant que l’enseignement se délivre désormais par cycles et qu’il faut tenir compte des rythmes de progression individuels de l’enfant. En tout cas, il faut trancher, et vite, ce qui suppose du directeur une double capacité. La première, celle d’animer la concertation préalable à la décision, sans la dilater ni la phagocyter. La seconde, celle de prendre une décision même en l’absence de consensus.

Ces quelques lignes ont permis d’aborder deux facteurs reconnus comme essentiels aux progrès des élèves. L’un est l’existence d’une politique des cycles au service du socle, dont il est nécessaire de marteler que l’objectif final est fixé à l’âge de seize ans. L’autre est le problème encore plus classique de l’affectation des maîtres, qui aujourd'hui doit parfois être décidée par l’IEN.

Comme l’indique on ne peut plus clairement la Cour des comptes, « dans les écoles primaires, les enseignants se répartissent les classes entre eux. De manière générale, le nouvel arrivant prend souvent le niveau dont les autres ne veulent pas : il peut s’agir de classes considérées comme plus difficiles (CP, CM2, classes à plusieurs niveaux). En outre, aucune règle n’impose à un enseignant de changer de niveau au bout de quelques années : tout dépend de l’entente qui règne au sein du conseil d’école et de la capacité du directeur d’école à faire évoluer les situations »

Comme cela a été écrit fort justement, il est demandé aux enseignants du premier degré « d’imaginer le futur, en même temps qu’ils doivent pérenniser le passé », d’ « inventer l’avenir en pérennisant la tradition ». Le présent rapport a évoqué à plusieurs reprises la difficulté qu’éprouve parfois l’Éducation nationale à mettre en œuvre le changement. Sans vouloir développer les conditions nécessaires à la conduite d’un changement réussi, il est nécessaire de rappeler le rôle fondamental des cadres de terrain dans de tels processus. Sans eux, le changement ne peut s’implanter : au mieux, il est formel.

La mise en cohérence est facilitée quand on a su donner du sens à l’action. C’est le directeur, grâce au travail constant avec l’ensemble des membres de la communauté éducative qu’appelle sa fonction, grâce à son positionnement dans la chaîne de pilotage du système éducatif, grâce à son expérience personnelle déjà substantielle, qui est le mieux placé pour y pourvoir.

Le directeur d'école peut être comparé à un chef d’orchestre. Il s’assure qu’on ne passe pas tout se suite à la représentation, qu’on a d’abord analysé la symphonie, pris en compte la composition du public, l’acoustique de la salle. Il aide à ce que l’équipe pédagogique n’escamote pas la phase, cruciale, de clarification de ses objectifs. Avant de passer à l’action, il importe de s’assurer que les objectifs – artistiques pour l’orchestre, pédagogiques pour l’école – sont suffisamment précis et ne se prêtent pas à diverses interprétations, mais surtout, qu’ils sont à la hauteur des enjeux. Ce n’est qu’après qu’on peut prendre son archet, alors qu’on piaffe de le faire sans attendre. Le projet pédagogique sera d’autant plus mobilisateur, et rassembleur, qu’il comportera ce qu’il s’appelle une vision, solennisée avec le contrat éducatif. Une étude internationale menée sous l’égide de l’OCDE a identifié quatre domaines comme étant les principaux leviers grâce auxquels les personnels de direction peuvent contribuer à améliorer l’enseignement et l’apprentissage : favoriser et accroître la qualité des enseignants, définir des objectifs et mesurer les progrès réalisés, assurer une gestion stratégique des ressources et collaborer avec les partenaires extérieurs.

 

Un positionnement délicat : ni simple pair, ni supérieur hiérarchique

 

Un point paraît évident : on ne peut pas asseoir un système sur un directeur dont la seule autorité est charismatique.

C’est pourquoi il ne faut pas éluder la question du positionnement hiérarchique du directeur par rapport aux enseignants de l’école – ou regroupement – dont il assume la responsabilité.

Pour l’heure, le supérieur hiérarchique des enseignants, comme des directeurs, est l’IEN de circonscription, par délégation de l’inspecteur d’académie. Plus proche des lieux où se  détermine la stratégie de mise en œuvre des politiques éducatives – le rectorat, l’inspection académique – l’IEN peut plus facilement mettre les vicissitudes quotidiennes en perspective de l’économie globale de l’enseignement. Plus éloigné du lieu de l’action, il ne doit pas, au contraire du directeur, composer avec les pressions des enseignants.

A contrario, cette distance constitue un handicap quand on la met en regard de la description qui vient d’être effectuée du contenu du leadership pédagogique, qui exige de la présence et de la réactivité. L’IEN a pu être décrit comme un « personnage lointain et à éclipse ». Un IEN encadre en moyenne plus de deux cent cinquante enseignants ! Pour les mêmes raisons que le niveau le plus adapté pour la conception du projet opérationnel est l’école, celui qui convient sans doute le mieux pour le management au quotidien est celui du directeur. L’IEN peut quant à lui se concentrer sur les fonctions d’inspection, d’évaluation et de pilotage qui sont son cœur de métier, comme le suggère la huitième recommandation de ce rapport.

L’idée que les directeurs puissent noter les enseignants de l’école est un point d’achoppement majeur. « Dans le monde éducatif français, les enseignants n’accepteront jamais de ne pas être évalués par un pair », a assuré l’un des cadres du ministère. Il est recommandé de tenir compte de ce risque, dont la traduction dans le réel serait certaine le cas échéant, et de continuer à confier les actes de gestion, les inspections et l’évaluation des enseignants aux inspecteurs de circonscriptions. En sus de l’impact qu’aurait sur les esprits tout changement en ce domaine, c’est précisément le positionnement de l’IEN, qui vient d’être rappelé, qui le rend sans doute plus apte à l’évaluation des enseignants. Cela n’empêche aucunement que la manière d’évaluer connaisse quelques changements.

Le régime adopté pour les enseignants d’EPLE, avec une note administrative, délivrée par le chef d'établissement, comptant pour 40 % de la note globale du professeur, et une note pédagogique, pour 60, n’a pas du tout convaincu. En revanche, il est souhaitable, et sans doute le fait-il déjà, que l’IEN prenne l’attache du directeur au moment de ses inspections : l’art pédagogique s’exerce au sein d’une société qu’est l’école primaire d’affectation, une connaissance des conditions d’activité de l’enseignant serait par conséquent incomplète si elle ne prenait en compte cet aspect de la question.

Enfin et surtout, la notation des fonctionnaires aura bientôt vécu. Le Journal officiel vient de publier le décret qui en annonce la disparition au profit de l’entretien professionnel, généralisant ainsi un système qui a été expérimenté avec succès, par le ministre de l'Éducation nationale notamment.

L’intérêt bien compris du service public est que cet entretien soit mené par l’IEN.

Il s’ensuit que les directeurs ne devraient toujours pas assurer l’évaluation des enseignants.

En revanche, que le directeur ne soit pas celui qui prenne les décisions déterminantes pour l’accélération ou le ralentissement de la carrière des enseignants ne saurait aucunement justifier qu’il ne dispose pas de prérogatives personnelles. Elles seront abordées plus loin mais l’on précise d’emblée qu’il manquerait d’une certaine logique à ce qu’elles soient systématiquement conditionnées à l’accord de sa hiérarchie ou son absence de désaccord, sauf exceptions dûment justifiées bien entendu.

 

L’exercice d’une fonction de direction suppose de disposer de marges de manœuvre

 

Par rapport à leurs homologues des pays étrangers, les directeurs des écoles primaires publiques de France sont beaucoup plus nombreux, de sorte qu’ils dirigent des entités beaucoup plus petites. C’est évidemment une conséquence directe de la loi Guizot.

La question mérite d’être posée sans détour : à partir de quel niveau d’activité une école a-t-elle à sa tête un directeur plutôt qu’un simple responsable de site ?

Cette question a d’autant plus de pertinence quand on se souvient que 40 % des directeurs d'école actuels n’ont aucune décharge d’enseignement. Officiellement donc, ils exercent toutes les prérogatives propres à la fonction, en connaissent toutes les sujétions. Pourtant cela est supposé ne leur prendre aucun temps ou bien être accompli en dehors des heures de service.

Soit la direction d’école est un travail qu’on peut faire au débotté, auquel cas il n’est pas besoin de s’interroger sur un statut des directeurs. Soit c’est une activité en soi, et une telle vision des choses est incompatible avec l’existence de directeurs sans décharge. Cependant, il n’apparaît pas qu’une évaluation des performances comparées des fonctions de direction en regard des quotités de décharges ait jamais été effectuée. Du reste, une telle étude présenterait de très sérieuses difficultés méthodologiques.

En tout cas, voici un argument de plus pour le rapprochement statutaire des écoles maternelles et élémentaires, pour les cas où l’une et l’autre seraient de relativement petites tailles et guère éloignées géographiquement. Même si, dans ce cas, l’argument principal justifiant le rapprochement reste la capacité à mener une véritable politique de cycles.

Le directeur d’une école de plus grande taille aura plus de marges de manœuvre en matière de gestion, à condition que le statut des écoles ait évolué afin de rendre cette corrélation possible. Encore une fois, une école a vocation à s’administrer elle-même, à accroître ses marges de manœuvre, notamment budgétaires. Or, pour l’heure, « l’école, le collège et le lycée ne disposent pas d’une autonomie suffisante pour allouer les moyens en fonction d’un projet élaboré collectivement et correspondant aux besoins des élèves. La gestion par la performance voulue par la LOLF n’est guère devenue un outil de management à part entière au sein du ministère de l’éducation nationale : elle ne pourrait l’être que si des marges de manœuvre plus importantes étaient déléguées aux établissements.

Tant que cette évolution ne sera pas intervenue, la recherche d’une meilleure adéquation des dépenses aux objectifs et aux résultats restera inévitablement limitée ».

Outre les finances, les ressources humaines sont un fondement essentiel de l’administration.

Or, si le directeur d'école est, ou doit mieux être, un manager, il a plutôt les mains liées dans ces deux domaines. On a vu qu’il ne pouvait même pas signer le contrat de recrutement de l’auxiliaire de vie scolaire qui viendra le seconder à mi-temps dans ses tâches !

De plus, même dans le cas où il en aurait le plus besoin, le directeur ne peut officiellement rien faire pour influencer la composition de l’équipe éducative, y compris dans les écoles de l’éducation prioritaire. « Si un professeur ne fait pas l’affaire, on le mute. S’il donne satisfaction, on lui donne des points pour qu’il puisse mieux muter », a avancé un professeur rencontré lors d’une table ronde : tout est dit. Un responsable donne à ce problème sa vraie dimension : « Si l’enseignant n’est pas stable, c’est qu’il choisit son parcours : l’idée de projet disparaît complètement, les points du barème lui permettent de s’en aller. Il importe de trouver une conciliation entre construction d’une carrière personnelle et une institution qui dit ce qu’elle attend : vous êtes là pour la durée du projet ». La situation est aussi connue qu’épineuse. Fort heureusement, l’expérimentation « Clair », présentée dans la recommandation consacrée aux bonnes pratiques, marque les prémisses d’un changement.

Dans l’attente, un directeur d'école est un manager qui, non seulement ne choisit pas son équipe mais qui, de plus, a toutes les chances de la voir se renouveler à un rythme accéléré dans les circonstances où la stabilité serait pourtant le plus nécessaire.

 

Par conséquent, le directeur doit jouir de certaines prérogatives, ès qualité

 

On peut dire de la fonction de directeur qu’elle consiste à favoriser l’ « "apprentissage organisationnel" de l’école, autrement dit lui donner les moyens d’obtenir de bonnes performances et de s’améliorer en permanence en valorisant pour cela le personnel, en créant un climat et des conditions propices à un apprentissage collectif et en faisant un usage judicieux des données pour améliorer les programmes d’enseignement et l’instruction ».

Lui permettre de contribuer ainsi à l’intérêt général, afin que, par l’exercice de ses attributions, il puisse mieux aider les enseignants de l’école à faire progresser les résultats des élèves, réclame des évolutions dans les responsabilités qui sont confiées au directeur. Pour autant, cela ne suffira pas. La direction d’école repose autant sur une pratique que sur un corpus juridique. Il conviendra donc de rapprocher les suggestions qui vont suivre des passages ultérieurs sur l’efficience administrative de l’école et sur le pilotage du système éducatif.

L’enseignement étant avant tout une affaire de personnes, celles qui le délivrent et celles qui le reçoivent, il convient de commencer par la gestion des ressources humaines (GRH).

L’évolution qui semble la plus essentielle est la suivante : le directeur d'école doit désormais avoir la possibilité, mieux encore l’ardente obligation, d’affecter les professeurs dans les classes au mieux de la défense de l’intérêt général. Il est donc proposé qu’à l’avenir les textes indiquent plus explicitement qu’aujourd'hui que l’affectation des enseignants dans les différentes classes est une décision du directeur d'école, prise après discussion en conseil des maîtres. La formulation actuelle, « Après avis du conseil des maîtres, il arrête le service des instituteurs et professeurs des écoles », devrait ainsi évoluer. Il va de soi qu’une telle prérogative ne saurait être diluée dans un quelconque calcul de points ou d’examen bureaucratique de dossiers. Il s‘agit là d’une compétence discrétionnaire, au sens juridique du terme, du directeur, prise en concertation.

Il conviendrait que le directeur puisse émettre des vœux sur le profil des enseignants susceptibles d’être affectés à l’école qu’il dirige. En cas de candidatures multiples, son avis pourrait être requis. Un meilleur équilibre est à trouver entre le « barème » actuel et les intérêts supérieurs du service public, dont celui de lutter contre l’échec scolaire.

Certains opposent, non sans pertinence, que cette intervention du directeur nuirait au principe selon lequel les enseignants sont recrutés uniquement (sauf exceptions) par concours, de manière nationale. Cet argument doit pourtant s’effacer devant le rappel que le recrutement dans la fonction publique est distinct de l’affectation au sein de celle-ci. Le droit est sans ambiguïté : « Le grade est distinct de l'emploi. Le grade est le titre qui confère à son titulaire vocation à occuper l'un des emplois qui lui correspondent »3. Les deux opérations sont parfaitement distinctes.

L’on glisse à titre incident qu’il ne serait pas inutile que, dans certaines écoles pour le moins, celles où la continuité des équipes est la plus nécessaire, les enseignants soient affectés dans un établissement pour une durée plus longue qu’actuellement, qui pourrait être de trois ans minimum. Ils continueraient certes à engranger des droits pour leurs mutations, mais sans possibilité de les exercer durant la période, sauf exceptions limitativement énumérées. Bien entendu, une contrepartie s’imposerait.

Il est suggéré que le directeur dispose, après autorisation de l’autorité académique, de la compétence pour procéder de lui-même à certains recrutements, en particulier des EVS, voire aussi des vacataires enseignants, sous réserve bien entendu de disponibilités budgétaires. L’on ajoute qu’une telle prérogative ne serait pas l’apanage des directeurs placés à la tête d’un E2P mais que tous les directeurs, tels qu’ils sont envisagés infra, devraient en disposer.

La formation tout au long de la vie est une obligation qui s’impose aux enseignants. Or, dans le premier degré public, seules 35 % des personnes concernées par la formation continue ont été présentes en formation en 2008-20091. L’organisation de la formation continue des enseignants doit être améliorée, ne serait-ce que pour être plus incitative. C’est ainsi que les écoles, et par conséquent les directeurs qui en assurent le fonctionnement administratif, devraient avoir plus de marges de manœuvre en matière de formation continue, pour eux-mêmes et pour leurs adjoints que sont les professeurs des écoles et instituteurs. Que chaque enseignant, dans le premier degré comme ailleurs, suive une semaine de formation continue par an apparaît comme un objectif raisonnable.

De plus, en sa qualité de responsable, de leader pédagogique, le directeur devrait avoir la possibilité de surmonter des blocages. C’est pourquoi, une réécriture en tant que de besoin, des dispositions du décret de 1989 et du code de l’éducation serait opportune, afin d’identifier les risques de paralysie du fonctionnement interne de l’école. L’on songe en particulier aux décisions que ne pourraient prendre le conseil des maîtres, faute d’accord en son sein. Certes, la jurisprudence a dégagé la notion de « formalités impossibles », mais elle ne s’applique qu’à des situations exceptionnelles.

Plus généralement, il est suggéré de faire explicitement du directeur le représentant de l’État dans l’école, mais aussi d’en faire le représentant de l’école en toutes circonstances (et non seulement certaines comme aujourd'hui). Toutefois, il serait imprudent de conclure à l’opportunité de ces deux mesures sans en avoir examiné l’ensemble des conséquences juridiques. En tout état de cause, il est essentiel pour les autres acteurs de la communauté éducative, en particulier les élus locaux et les familles, de savoir que la voix du directeur est celle qui représente l’État.

Enfin, de la même manière, il conviendrait que les textes soient plus explicites quant à la liste des décisions du directeur qui sont immédiatement exécutoires. Aujourd'hui, la répartition entre ce qui est d’application immédiate et ce qui est soumis à l’autorisation ou l’absence d’interdiction d’une autorité supérieure (l’IEN en général), est tout sauf claire. Rappelons les dispositions en vigueur pour les EPLE, où l’article R. 421-55 débute comme suit : « Les délibérations du conseil d'administration portant sur le contenu ou l'organisation de l'action éducatrice dont le caractère exécutoire est, en application du II de l'article L. 421-14, subordonné à leur transmission à l'autorité académique sont celles [puis début de l’énumération]. ». Il n’est pas interdit non plus de s’en inspirer pour les décisions du conseil d’école ou du conseil d’administration des E2P.

 

Le directeur n’est pas seul, ne doit pas l’être

 

L’idée que les prérogatives du directeur d'école puissent s’accroître soulève immédiatement un flot de réactions, qui souvent font usage de la même formule : « petit chef ». Il n’est pas question de nier l’existence de cette rhétorique, pas plus que de sous-estimer l’appréhension qui la motive, le plus souvent sincère. Il n’est pas question non plus d’ignorer que les murmures de ceux qui approuvent sont toujours étouffés sous les cris de ceux qui réprouvent. Cela étant posé, plusieurs facteurs contribueront à empêcher la tentation de l’exercice solitaire du pouvoir.

Il est ainsi proposé que, parallèlement à l’augmentation des prérogatives du directeur, s’accroissent ses obligations en matière de concertation, négociation ou codécision selon les cas.

L’on peut même prévoir que les textes réglementaires soient plus précis quand aux modalités selon lesquelles lesdites obligations sont mises en œuvre.

De plus, le directeur sera d’autant moins exposé au risque de l’exercice solitaire du pouvoir qu’il sera de son intérêt bien compris de tout faire pour s’en abstenir. La meilleure affirmation du caractère provisoire de sa fonction irait dans ce sens, comme en attesteront les propositions ci-après sur le statut du directeur. En outre, comme on le verra dans les développements sur sa rémunération, il serait très opportun que l’évaluation de sa valeur professionnelle dépende en partie de la qualité de son leadership, qui inclut sa capacité à fédérer l’équipe autour du contrat éducatif. Un directeur coupé de son équipe par sa faute verrait ainsi sa carrière ralentie, voire gâchée.

Enfin, l’on rappelle que l’idée que le directeur soit le juge de la manière de servir des enseignants de l’école a été écartée dans la présente recommandation (cf. supra). Il est cependant consulté sur le sujet.

Au contraire de ses homologues de l’enseignement secondaire, a fortiori de l’enseignement supérieur, le directeur d'école est aujourd'hui un homme, ou une femme, seul, et ceci même si ses collègues ont tous la qualification d’ « adjoints ». Le directeur d'école ne pourrait-il être aidé dans l’exercice de ses responsabilités ?

Pour l’enseignement primaire, cette situation d’isolement, une fois de plus, se rencontre dans la plupart des pays de l’OCDE.

C’est pourquoi l’on ne peut qu’appeler de ses vœux l’idée que les collectivités territoriales qui le souhaitent puissent mettre du personnel administratif à la disposition de l’école qu’elles ont pour mission d’entretenir. Cette perspective fit d’ailleurs partie des éléments sur lesquels il est suggéré que porte l’expérimentation des E2P (deuxième recommandation du présent rapport).

Le partage de la direction d’école aurait sans doute des avantages.

Il ne serait pas sans intérêt que des enseignants puissent se voir confier la conduite de projets particuliers, par exemple pour l’étude de logiciels pédagogiques disponibles sur le marché, le dialogue avec le conservateur de la bibliothèque municipale ou encore la sélection des sorties culturelles. La fonction de coordinateur de cycle peut aussi s’envisager, tout comme l’animation de groupes de travail chargés de projets spécifiques. Les études internationales montrent que de telles modalités d’exercice de la direction sont porteuses d’efficacité, ne serait-ce que pour le climat de confiance à l’intérieur de l’école et pour la progression du travail en équipe, donc l’amélioration de la pratique enseignante. Tant de choses sont possibles ! D’ailleurs, elles ne sont pas rares.

La réglementation en vigueur ne facilite pas ces initiatives, tant concernant le contenu des tâches que peuvent remplir les enseignants que le temps qu’ils peuvent y consacrer. A ce sujet, ce qui vaut pour l’énumération des tâches des enseignants vaut pour la mesure de leur temps. L’idée que la rue de Grenelle prenne en main son chronomètre pour déterminer le temps que les enseignants peuvent consacrer à telle ou telle tâche serait saugrenue, parfaitement orthogonale à celle d’encourager les initiatives. Qui plus est, la réforme de 2008, qui a modifié les horaires d’enseignement dans le primaire a accru le temps pour les activités au-delà de l’acte d’enseignement : avant la réforme, les recteurs s’entendaient déjà dire qu’il n’y avait pas de temps !

C’est pourquoi il est suggéré que la décharge d’enseignement, dans une école, puisse être partagée. Le directeur ne serait plus forcément le seul fonctionnaire à être totalement ou partiellement déchargé. Il pourrait donc partager cette décharge, après avis du conseil des maîtres.

C’est donc d’évolution du travail en équipe dont il est question. Il n’est pas interdit de se montrer optimiste dans ce secteur, étant conforté en cela par les nombreuses remarques en auditions sur la plus grande ouverture au management et au travail en équipe des nouvelles générations de professeurs.

Il ne serait pas inutile non plus, sur un autre plan, que l’évaluation des enseignants prenne en compte à l’avenir leur implication dans la vie de l’école, à l’instar de ce qui vient d’être à bon escient décidé pour les enseignants-chercheurs.

En outre, les possibilités qu’a le directeur de déléguer sa signature gagneraient à être mieux affirmées.

Pour finir sur ce point, est-il vraiment besoin de souligner que de telles perspectives ne sont envisageables que dans des écoles qui ont, encore une fois, atteint une taille critique ?

 

Ce métier réclame une rémunération plus attractive, qui dans le même temps prenne mieux en compte le caractère spécifique des fonctions exercées

 

Il est donc suggéré une nette revalorisation de la rémunération indemnitaire des directeurs d'école.

Par conséquent, il est suggéré de mesurer plus finement la charge de travail des directeurs, ou plutôt sur le niveau de difficulté de leur charge.

Qui dit cadre, qui dit autonomie, dit évaluation sur le respect des objectifs poursuivis. C’est pourquoi il est suggéré que chaque directeur se voit remettre une lettre de mission par l’autorité académique. Elle serait délivrée avant que ne s’engage le début de l’élaboration du contrat éducatif.

Sa période de validité serait alignée sur la durée du contrat, une durée plus courte étant possible si un directeur arrive dans une école dont le contrat est en cours. Elle s’appuierait sur les objectifs nationaux en matière d’éducation et sur la stratégie de mise en oeuvre élaborée dans le cadre du projet académique.

Le statut juridique des directeurs d’école pourrait être celui d’un détachement dans le corps des personnels de direction ou dans un emploi fonctionnel.

 

5 / Créer un Observatoire des bonnes pratiques

Un futur Observatoire des bonnes pratiques complèterait la batterie d’outils du ministère, qui s’est résolument engagé en faveur de l’innovation, de l’expérimentation et de la diffusion du geste pédagogique efficace

 

6 / S’engager sans tarder dans la perspective de futures écoles du socle commun

L’école du socle commun est une réalité dans de nombreux pays

L’institution scolaire peine à jeter des ponts entre le premier et le second degrés

 

7 / Conclure un pacte éducatif entre services de l’État et collectivités

Des efforts pour coordonner sans doublonner

Mieux faire entrer la commune dans l’école, mieux faire vivre l’école dans la cité

Une amélioration qualitative du dialogue

L’amélioration de la connaissance des comptes des écoles primaires est une nécessité

 

8 / Améliorer le poste de pilotage en recentrant les inspecteurs de l’Éducation nationale sur leur cœur de métier

Une évolution à inscrire dans le contexte d’une souhaitable amélioration du pilotage de proximité de l’enseignement primaire

Restituer toute son importance au métier des IEN en les recentrant sur leurs fonctions d’inspection et de pilotage

 

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Nous reviendrons sur les propositions concernant le statut juridique des directeurs d’école

 

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29 septembre 2010 3 29 /09 /septembre /2010 09:03

 

 

Nous poursuivons la diffusion d'extraits du Rapport Reiss qui sera remis cet après-midi au Premier Ministre. Cette partie concerne la question centrale du rôle du directeur dans son école... 

 

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Les directeurs dirigent-ils vraiment ?

 

Quand l’on procède à une lecture analytique du décret de 1989, et pas seulement lui, l’on voit tout ce que le directeur peut accomplir.

Cette lecture doit être mise en regard de la définition du concept de « direction ».

« Les définitions de la direction reflètent pour la plupart l’hypothèse que cette pratique suppose l’exercice d’une influence sociale en ce sens qu’une influence est intentionnellement exercée par une personne [ou un groupe] sur d’autres personnes [ou groupes] afin de structurer les activités et les activités et les interrelations dans un groupe ou une organisation. Le terme "intentionnellement" est important car la direction repose sur la formulation d’objectifs ou de résultats auxquels l’exercice de cette influence est censé aboutir. […] La direction suppose de piloter des organisations en influant sur les attitudes, les motivations et les comportements des personnes. »1 L’on peut préciser « des personnes et des groupes ».

Deux mots-clés sont donc à retenir : influence et intentionnalité.

Or, malgré ce que disent les textes, le pouvoir effectif qu’a le directeur d'école d’influer sur le cours collectif des choses repose bien souvent sur sa seule et hypothétique autorité charismatique : leader que l’on consent à suivre librement parce qu’il en impose et parce qu’on se réserve le droit de ne plus le faire, oui ; mais chef, non. Pour le reste, le directeur n’exerce d’influence que dans la mesure où il est lui-même un enseignant, détenant ainsi une part de l’autorité traditionnelle, au sens de Max Weber, à l’instar de ses collègues et sans prééminence particulière par rapport à eux. Quant au troisième volet du triptyque wébérien, l’autorité rationnelle, on en a vu les fondements incertains.

C’est ainsi qu’un directeur a pu, lors d’une visite de terrain de la présente mission, se désoler de voir l’obligation qui est la sienne de diriger l’école se heurter à un principe de réalité, au moment très concret où un collègue préparait ses cours en pleine réunion pédagogique : « Je suis qui, pour dire aux collègues de participer dans une réunion ? »2 C’est un aveu d’impuissance, qui permet de penser à un vide juridique.

La limitation effective des prérogatives du directeur peut inquiéter, étant donné que les discours se fondent sur les pratiques, qui à leur tour étayent les discours, dans une dynamique qui n’est pas sans évoquer les prophéties auto-réalisatrices : on se persuade que le directeur est dénué de capacité d’agir, tant et si bien qu’il n’en a plus.

En outre, ce retrait de la pratique par rapport à la règle est de nature à provoquer ce que les juristes appellent l’incompétence négative, définie comme la situation où une autorité reste en-deçà des limites de sa compétence, en « méconnaît l’étendue en moins, en s’abstenant ou refusant de prendre une décision, dont l’édiction relève cependant de sa compétence ; – ou bien en renvoyant à tort à une autre autorité le soin de prendre une décision ; – ou bien encore, ce qui n’est pas rare, en se croyant à tort tenue de décider conformément à un avis ou à des instructions »3. Plusieurs situations qui affectent les directeurs d'école entrent dans cette définition, notamment lors des relations avec les conseils d’école ou des maîtres. La fonction de directeur est un véritable casse-tête.

Il découle de ce qui précède que les écoles manquent souvent d’un pilotage pédagogique, à cause notamment de l’impossibilité qu’a fréquemment le directeur de rendre des arbitrages en la matière, parfois d’une instabilité dans les équilibres décisionnels de l’école, voire faute de volonté du directeur de prendre une décision en l’absence d’un consensus. De fait, il est souvent procédé à un amalgame entre les circonstances où le directeur suscite et celles où il décide.

Les difficultés du directeur relevant parfois autant de la pratique que du droit, il convient de leur accorder une égale importance.

 

D’où un malaise durable des directeurs, dont la fonction demeure peu attractive

 

Il ressort des entretiens effectués, de la documentation exploitée, des analyses conduites en vue du présent rapport, que les directeurs ne perçoivent pas le signe fort, constant, sans ambiguïté, d’une direction à suivre, d’un cap vers lequel se diriger. Certes, ils ont connaissance des objectifs stratégiques, au premier rang desquels la réussite de tous les élèves quelle que soit leur situation, traduit de la manière la plus solennelle dans le socle commun. Ces objectifs sont fréquemment rappelés dans les différents documents de cadrage, comme les circulaires de rentrée. Mais les directeurs en perdent trop fréquemment la trace, sous l’accumulation d’un quotidien décrit comme toujours plus pesant, dans lequel le choix des priorités relève souvent de la gageure, voire de l’impossibilité, quand ce n’est pas de l’interdiction hiérarchique. La précision de la priorité stratégique et le flou quant aux priorités à retenir au quotidien se télescopent. De là naît une indéniable inquiétude : tant de court terme (« comment va se passer cette journée ? ») que de plus longue portée (« quel est mon avenir professionnel ? »). Le terme de « malaise » se justifie.

La Cour des comptes en fournit une cause parmi d’autres : « le PPRE a du mal à s’implanter, car son articulation avec les autres mesures mises récemment en oeuvre n’apparaît pas claire aux équipes sur le terrain ». A sa façon, M. Darcos, alors ministre, avait donné sa réponse en supprimant les heures du samedi matin. On peut sans doute mieux faire, l’aide aux élèves méritant d’être placée aux heures où leur attention est la plus forte, le directeur étant le mieux placé pour déterminer ces moments forts. Cette problématique sera abordée en profondeur par la conférence nationale sur les rythmes scolaires.

Une directrice rencontrée lors d’un déplacement donne pour sa part un témoignage aussi concret que percutant. L’on précise que la taille de son école lui ouvre droit à une décharge d’enseignement de 25 % et qu’elle est secondée par une assistante recrutée en contrat d’avenir, sur la base de vingt-quatre heures par semaine.

On peut de plus reproduire tels quels des propos entendus lors des auditions, d’origine syndicale et dont la verve ne retire rien à la profondeur. « Les directeurs sont souvent soumis aux pressions des IEN, qui les utilisent comme leurs bras droits ; souvent soumis à celles des communes, qui les utilisent comme des collaborateurs, voire des exécutants ou même des faire-valoir ; c’est intenable. » « On a fait des directeurs d'école des factotums sans reconnaissance morale, des courriers de transmission sans moyens. »

L’on se souvient qu’en 1999, c’était hier, les directeurs d’école ont entamé une « grève administrative ». Sept ans plus tard, M. de Robien, à l’époque ministre chargé de l’Éducation nationale a eu le mérite de vouloir mettre fin au conflit en apposant sa signature au bas d’un protocole d’accord approuvé par un syndicat enseignant représentatif, daté du 10 mai 2006. Le ministère s’y s’engageait à une revalorisation du régime de décharges, à ce que le directeur bénéficie d’une assistance dans l’accomplissement de tâches matérielles et d’accueil, à mettre à disposition un « vademecum juridique du directeur d'école », à établir un plan de modernisation informatique et à revaloriser les primes.

 

Les directeurs réclament du temps et de la reconnaissance

 

Les auditions et tables rondes menées à l’occasion de ce rapport comme précédemment à celles-ci donnent à percevoir chez les directeurs deux caractéristiques majeures de la fonction de cadre :

- la gestion de son temps, trop souvent subi ;

- l’exercice d’une responsabilité personnelle pesante.

 

Sur l’un et l’autre points, le directeur d'école ne diffère guère des cadres que l’on peut rencontrer dans et hors du service public. La liste des motifs d’insatisfaction des directeurs d'école français, comme de l’OCDE, comprend plus largement les éléments suivants : accumulation des tâches, urgence, absence de vision sur les priorités, manque de reconnaissance, manque de moyens, surabondance du travail administratif, obligation excessive de disponibilité, impact sur la vie de famille, stress …

Ce tableau a quelque chose de familier. Il est comparable aux enquêtes sur le moral des cadres dont la presse se fait régulièrement l’écho. Une telle similitude ne saurait étonner : les directeurs d’école appartiennent bien au personnel de catégorie A, qui a vocation à accomplir des tâches d’encadrement et de conception. Par ailleurs, l’on se souviendra qu’une enquête récente montrait que, quand 40 % des cadres français disaient éprouver un sentiment de découragement, ce ratio grimpait à 70 % quand on retenait la seule population des enseignants du premier degré. Toutefois, les informations disponibles ne disent rien sur le facteur principal de cet écart, sur lequel on ne peut que conjecturer : plus grande difficulté intrinsèque de la profession ? plus grand écart entre les attentes personnelles et la réalité ? moindre capacité de résistance ? plus forte propension à communiquer son insatisfaction ?

Il découle néanmoins de ce qui précède que deux évolutions vont devoir s’accélérer. D’une part, le ministère pourrait s’attacher à clarifier ses relations avec les directeurs, agents qui apparaissent cumuler les contraintes du cadre – si l’on considère leurs obligations de résultat – et de l’exécutant – si l’on considère leur relatif manque d’autonomie. D’autre part, les directeurs ont encore à développer une meilleure conscience de ce que recouvre le fait d’être des cadres, à laquelle ils parviendront d’autant plus facilement qu’ils bénéficieront d’une formation appropriée.

Dans l’attente, une évidence s’impose : la fonction est peu attractive, même si, à la rentrée 2009, il n’y avait plus que 2 246 postes de directeurs occupés par des enseignants « faisant fonction », ce qui représente près d’une école sur vingt. Néanmoins, cet indicateur passe sous silence les situations où des directeurs occupent la fonction sans forcément l’avoir souhaité, par exemple quand c’est la seule solution pour rejoindre un département donné ou obtenir une mutation ou parce qu’on est « volontaire désigné ». Sous cette réserve d’importance, l’on ne note pas moins une baisse constante des vacances depuis une décennie (4 505 à la rentrée 2000), dans un mouvement qui s’accélère (moins 42 % en trois ans), ce qui est plutôt encourageant.

Une fois de plus, la situation française est peu inédite. L’OCDE fait part de difficultés de recrutement des directeurs d'école (premier et second degré) dans quinze des vingt-deux pays qu’elle a observés.

Ainsi, le manque de temps est un problème unanimement soulevé. Il découle en partie de ce que des chercheurs appellent un phénomène de « double charge », résultant de l’addition des fonctions d’enseignant et de manager d’une entité. Ce problème se retrouve dans de nombreux pays lui aussi, notamment de l’autre côté de la Manche : en Angleterre, 60 % des chefs d'établissement de l’enseignement primaire qualifient l’équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie personnelle de précaire, voire très précaire. Poser la même question aux directeurs français ne manquerait pas d’intérêt.

Outre le temps, le principal grief exprimé par les directeurs d'école prend la forme de ce qu’ils appellent un manque de reconnaissance de la part de leur employeur. Il se répète quelles que soient les conditions : volume de la décharge, localisation de l’école, relations au sein de celle-ci et autres. On note que le mot « reconnaissance » renvoie à une inadéquation entre le mérite que l’on estime avoir, les efforts que l’on a fournis, et la manière dont ils sont pris en compte par autrui. La reconnaissance est un concept éminemment subjectif. Il n’en domine pas moins les conversations. Il est vrai que, notamment, la fonction de directeur d'école n’offre que peu de perspective en tant que telle. Le « merci » en fin de carrière est le même qu’on ait été directeur pendant deux ans ou vingt ans !

En revanche, les indemnités perçues par les directeurs d'école sont accrues lorsqu’ils exercent leurs fonctions dans des écoles de plus grande taille. Des indemnités de sujétion spéciale et des bonifications indiciaires confèrent aux directeurs d’écoles de plus de dix classes une rémunération indemnitaire annuelle supérieure, toutes choses égales par ailleurs, de 1 733 ! à celle de leurs homologues des écoles de deux à quatre classes. Toutes choses égales par ailleurs également, ces derniers voient leur rémunération indemnitaire annuelle brute excéder de 723 ! celles des professeurs des écoles à classe unique1. Le lieu d’exercice prévaut sur l’ancienneté et sur la valeur professionnelle pour l’établissement des revenus individualisés des directeurs. L’ancienneté n’est pas prise en compte dans la rémunération indemnitaire (« les primes ») : c’est la rémunération indiciaire (la grille) qui s’en charge.

Et pourtant, que n’a-t-on entendu qu’« une école qui tournait, et qui ne tourne plus, ça correspond fréquemment à un changement de directeur » ! Le rôle du directeur d'école est déterminant dans la capacité d’une école à accomplir avec succès sa mission.

 

 

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29 septembre 2010 3 29 /09 /septembre /2010 08:55

 

C'est cet après-midi que le Député Frédéric Reiss rendra son rapport sur la mission que lui a confiée le Premier Ministre concernant "le statut des directeurs et le statut des écoles".

Nous reproduisons, en avant-première, quelques extraits de ce rapport. Nous avons choisi de rapporter les passages qui concernent les directeurs d'école.

 

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LE HIATUS ENTRE LA LETTRE ET LA PRATIQUE DES FONCTIONS DE DIRECTEUR

 

Tout individu a prononcé, prononce ou prononcera la phrase suivante : « Je veux parler au directeur ! ».

Quand on rencontre un problème avec une administration, une entreprise, une association, une réaction raisonnable est certes de vouloir s’adresser à un responsable et, dans les cas où l’on ne connaît pas son titre, de faire usage du terme générique : directeur. A ce mot, sont en effet associés un certain prestige, une certaine distance, en tous les cas la capacité de prendre les décisions qui s’imposent…

C’est du ressort du directeur.

Les directeurs des écoles françaises ne sont pas conformes à ce stéréotype, du moins si l’on considère les écoles publiques, sur lesquelles se concentrent les développements qui vont suivre. Et sans doute le profane n’en a-t-il pas conscience.

 

Des enseignants investis d’une charge dont la variété le dispute à la lourdeur

 

Aux missions encadrées par le Décret n°89-122 du 24 février 1989 modifié relatif aux directeurs d’école, il place d’un plan personnalisé de réussite éducative (PPRE), assumer la responsabilité du contrôle continu, contribuer à l’organisation du service minimum d’accueil les jours de grève par exemple. La partie réglementaire du code allonge encore la liste, avec entre autres des dispositions sur le conseil d’école et le conseil des maîtres, de même pour l’intervention d’associations agréées dans l’école2. Enfin, de manière sans doute plus insaisissable, la fiche de poste s’alourdit des prescriptions et informations d’ordres divers émanant des administrations centrales ou déconcentrées.

L’énumération frappe par son ampleur mais aussi son hétérogénéité. Le détail cohabite avec la globalité, l’opération de routine avec la décision stratégique, la création pédagogique avec l’exécution administrative.

Or, si le directeur d'école endosse bien des responsabilités du dirigeant qu’il est en vertu des textes, cette charge ne s’accompagne pas de l’ensemble des prérogatives que d’aucuns imagineraient.

« Le directeur reste un pair parmi les pairs alors que l’institution lui confie des responsabilités croissantes et il n’a pas l’autorité nécessaire pour assurer pleinement la direction de son école. Sur le plan pédagogique par exemple, le conseil d’école (…) a un rôle souvent formel, faute de disposer des pouvoirs d’un conseil d’établissement ou d’administration. »

Ainsi, le directeur d'école n’est en fait pas seul à déterminer le service des enseignants. Pris en 2008 à l’occasion de la réforme du primaire, un décret décline le contenu des cent huit heures annuelles de service que doivent les enseignants en sus des vingt-quatre heures hebdomadaires. Ilprévoit que les heures annuelles « sont réparties et effectuées sous la responsabilité de l’IEN chargé de la circonscription (…) sans préjudice des modalités prévues [dans le décret de] 1989 [portant sur les vingt-quatre heures hebdomadaires] ». Si le « sans préjudice » détermine nettement la prééminence de la compétence qui relève du directeur, les deux décideurs, dont l’un est le supérieur hiérarchique de l’autre, sont tenus à une étroite coordination.

Le directeur n’est pas le supérieur hiérarchique de tous les personnels de son école.

Cette prérogative, pour les enseignants, échoit à l’inspecteur d’académie, directeur des services départementaux de l’Éducation nationale et, par délégation de celui-ci, aux inspecteurs de circonscription. Concernant les personnels communaux travaillant au sein de l’école, ceux-ci sont certes placés sous l’autorité du directeur, mais uniquement pendant leur service dans les locaux scolaires. De manière générale, ses attributions en matière de ressources humaines sont limitées.

Parallèlement, le directeur d’école n’a guère de compétence budgétaire, une école n’étant juridiquement qu’un service de la commune, ou de l’intercommunalité, dont le directeur n’est pas un fonctionnaire. Il gère parfois quelque budget, dans le cadre coopératif ou associatif, mais pour des montants et dans des secteurs secondaires en considération de l’ensemble de l’activité qui se déroule dans les écoles, tout en s’exposant au risque de la gestion de fait.

Analyser les responsabilités confiées au directeur aide à appréhender la multiplicité des défis de terrain, jour après jour. Le directeur d'école occupe trois types de fonctions.

 

1 – Le directeur a vocation à exercer un leadership pédagogique

 

L’école ayant pour finalité première de délivrer un enseignement, il est naturel que celui ou celle qui en assure la direction se voie confier des prérogatives dans le domaine. C’est ainsi que le directeur assure la coordination entre les maîtres, réunit l’équipe éducative, veille à la diffusion de l’information auprès des maîtres, participe à la formation des futurs directeurs, prend part aux actions destinées à assurer la continuité éducative.

Il préside le conseil des maîtres de cycles, le conseil des maîtres et le conseil d’école, autant d’instances placées au cœur de l’activité pédagogique. Qu’elles prennent des décisions ou rendent un simple avis, elles sont le lieu où doivent s’impulser un dialogue, une dynamique. Le projet d’école, sur lequel ce rapport va revenir, s’élabore sous l’impulsion du directeur : celui-ci a bien une vocation de leader pédagogique.

De plus, il répartit les élèves entre les classes et les groupes, après avis du conseil des maîtres, répartit les moyens d’enseignement et arrête, de nouveau après avis du conseil des maîtres, le service des instituteurs et professeurs. Il est donc décideur en ces domaines.

L’action pédagogique du directeur revêt une dimension supplémentaire quand il s’agit des élèves en difficulté, voire en grande difficulté. C’est en lui que le législateur a placé sa confiance pour repérer les situations à problème et proposer, le cas échéant, aux parents de mettre en place le PPRE.

De même, il joue un rôle non négligeable dans le cadre des RASED, en termes d’information, de dialogue avec les familles, de liaison, de concertation entre l’équipe des maîtres et l'équipe du réseau d’aide spécialisée, de bonne intégration de l’aide spécialisée dans la vie de l’école.

 

2 – Le directeur personnifie l’école pour l’extérieur, il assume des fonctions relationnelles

 

C’est souvent avec lui et lui seul que les parents conversent au quotidien, le matin quand arrivent les enfants, le soir quand ils repartent. Du reste, le décret de 1989 confie au directeur l’organisation de l’accueil et de la surveillance des élèves et, de manière plus explicite encore, le dialogue avec leurs familles. C’est souvent vers lui que les usagers du service public se tournent en cas de conflit, de réclamation, de demande d’explications.

Parallèlement, il représente l’institution auprès de la commune et des autres collectivités territoriales. Il a des relations à assurer avec les intervenants extérieurs de l’école, dont les associations.

Mais le directeur n’a pas explicitement la possibilité de représenter l’école dans toutes les circonstances, pas plus qu’il ne représente l’État au sein de l’école et il ne peut représenter le maire, alors que l’école est un service communal. Les partenaires de l’école en sont réduits à regretter l’absence, plus que d’un interlocuteur, d’un véritable partenaire, avec lequel monter des projets, desquels obtenir des réponses, à même de décider de son propre chef sans obtenir une autorisation préalable. Or, que l’école puisse nouer des partenariats fructueux est plus souhaitable que jamais. Le directeur a de plus en plus vocation à travailler hors les murs, dans la mesure où il faut considérer les enfants dans leur globalité et non seulement gérer leur temps scolaire.

Une évolution majeure est la nécessité toujours plus affirmée de l’interrelation entre l’école et

le collège, intensifiée mais non créée par le socle commun : l’école doit pouvoir dialoguer professionnellement avec le collège, et vice-versa. Il ne s’agit pas simplement de se rendre visite mais de travailler ensemble, et pour ce faire le principal de collège a besoin d’un alter ego, pas simplement d’un contact. Autrement, il s’adresse à l’IEN et ses quarante-deux écoles publiques de moyenne par circonscription, avec tous les aléas que cela comporte en termes de disponibilités de ce dernier.

Une autre évolution rend stratégique la capacité à nouer des liens. Elle réside en la plus grande porosité entre les temps scolaire, périscolaire et extrascolaire, dont l’accompagnement éducatif, dans les écoles de l’éducation prioritaire, constitue l’emblème. De telles situations ont vocation à se développer, dans la mesure où la société doit mieux prendre en compte que le temps de l’enfant ne s’arrête pas forcément à la sortie de l’école. Il est permis d’écrire que quand le directeur d'école s’implique, l’accompagnement éducatif a de fortes chances de s’avérer une réussite.

L’enrichissement de l’enseignement, c’est-à-dire l’apparition de domaines de connaissance nouveaux à l’école, se traduit notamment par l’augmentation du nombre d’intervenants, renforçant l’identité de l’école comme noeud de relations. La déclinaison des objectifs du socle accélère cette tendance. Le socle n’est pas que disciplines scolaires ; par son intérêt en particulier pour les compétences sociales et civiques, il embrasse à la fois le « pédagogique » et l’ « éducatif », ne s’arrêtant à la porte de la salle de classe ni dans un sens ni dans l’autre. Une mise en cohérence est d’autant plus indispensable. Les « compétences sociales et civiques » en fournissent l’illustration.

Le directeur est-il à même de se comporter en véritable acteur de la communauté ? Cette question interroge sur la capacité de l’école à accomplir tout le service qui est désormais attendu d’elle.

 

3 – Le directeur assure le fonctionnement administratif de l’école

 

Le directeur veille au respect de la réglementation, procède à l’admission des élèves, s’assure de leur assiduité, définit le service des collègues, répartit les moyens d’enseignement, fixe les modalités d’utilisation des locaux pendant le temps scolaire, organise les élections, réunit les conseils, rend compte aux autorités académiques.

Dans le même temps, les prérogatives du directeur d'école pour la gestion des ressources humaines de l’école et pour son budget sont réduites à la portion congrue. Par exemple, pour conclure les contrats de recrutement des agents sur emploi vie scolaire (EVS) exerçant dans une école, c’est le chef d’un EPLE qui seul a la compétence, ce qui inclut la faculté de refuser ce recrutement, au grand dam du directeur. De même, le directeur d'école n’ayant que peu ou pas de responsabilités budgétaires, il est dépourvu de marges de manœuvre en la matière, d’autant plus avec la réduction tendancielle des crédits pédagogiques. Concernant les locaux, l’investissement est de la compétence de la commune, ou

du groupement : le directeur ne peut pas décider de déplacer une cloison ou d’effectuer telle opération de travaux avant telle autre. Certes, le déficit de pouvoir décisionnel en matière administrative ne saurait interdire au directeur de solliciter, de négocier, de convaincre. Mais la signature au bas d’un acte est rarement la sienne.

Les écoles ne s’administrent pas elles-mêmes, pas plus qu’elles ne se gouvernent elles-mêmes. Or, quand une équipe éducative s’est aperçue que, par exemple, l’expression écrite réclame la première des attentions collectives, elle aimerait pouvoir passer elle-même à la mise en œuvre des réponses qu’elle a envisagées, sans attendre en permanence un hypothétique feu vert de l’autorité supérieure, qui peut non seulement prendre du temps mais peut aussi provoquer une nouvelle frustration devant les procédures. Quant à ladite autorité supérieure, l’inspection de circonscription bien souvent, elle aimerait parfois mieux se concentrer sur des activités plus stratégiques.

La limitation actuelle des prérogatives de l’école et de son directeur amène à ne guère conserver des fonctions administratives que les plus ingrates d’entre elles, dont les plus répétitives relèvent du « rendre compte aux autorités académiques ». Elle contribue à charger le mot « administratif » de bien des maux, au point qu’une majorité des interlocuteurs rencontrés en préparation de ce rapport assimile le mot « administratif » au mot « nuisance ». Une perception aussi péjorative n’incite pas les acteurs à chercher à s’impliquer dans la vie de leur école, d’autant plus quand ils voient que, dans les EPLE, vingt-cinq ans après leur création, le chef d'établissement donne parfois l’image d’un fonctionnaire enfermé dans son bureau et lui aussi submergé par les formalités.

Elle ne facilite pas non plus les relations quotidiennes entre les personnels « administratifs » et les autres, dans la mesure où les premiers pâtissent de l’image véhiculée par le terme qui identifie leurs fonctions.

Cela étant, ce phénomène est en partie auto-entretenu : l’administration, qui rebute a priori, est parfois laissée de côté, jusqu’à n’entrer dans le paysage que sous la forme d’une contrainte, alors qu’on a laissé passé l’occasion de s’en saisir comme d’un levier. Pourtant, la liste de tâches « administratives » ci-dessus comprend la répartition des moyens pédagogiques et celle du service des enseignants, voire les modalités d’utilisation des locaux pendant le temps scolaire. L’on peine à imaginer des décisions plus essentielles à la vie de l’école, tout autant que l’on comprend mal qu’elles ne soient pas assorties de plus d’autorité pour les mettre en œuvre.

 

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