La direction générale de l’enseignement scolaire lance un groupe de travail sur l’évolution des fonctions de directeur. Les problèmes soulevés sont d’abord juridiques. Le décret de 1989 qui fonde les missions du directeur précise que celui-ci n’est qu’un enseignant parmi les autres. Un pair parmi ses pairs qui ne dispose d’aucun pouvoir hiérarchique.
“Ce défaut d’autorité conduit à diminuer d’autant l’efficacité pédagogique d’une école”, constatait voilà quelques années un rapport parlementaire sur l’enseignement scolaire. Rien n’a changé depuis.
À la différence du principal de collège et du proviseur de lycée, le directeur dirige une unité pédagogique qui ne bénéficie ni d’une personnalité morale et juridique ni de la qualité de représentant de l’État et n’a aucune autonomie financière. Le directeur doit rendre des comptes à l’inspecteur de circonscription et au maire. Le rapport parlementaire pointe ce “surencadrement” qui alourdit fortement le pilotage de l’école.
Bref, ça va mal pour les directeurs. Un constat sur lequel s’accordent syndicats et politiques de droite comme de gauche.
Et maintenant, que faire ? Les solutions des uns et des autres divergent. Pour le député UMP Frédéric Reiss, spécialiste des questions scolaires, c’est une évidence : il faut faire évoluer le métier de directeur vers un “vrai statut”. “Les directeurs sont devenus des managers, il faut que cela se traduise dans les textes”, estime-t-il. Il préconise leur détachement dans le corps des personnels de direction ou dans un emploi fonctionnel. Mais attention, prévient-il : la question de la direction ne saurait être traitée indépendamment d’une réflexion plus large sur l’avenir de l’école.
C’est donc le moment d’ouverture du chantier de la direction d’école qu’a choisi le SNUipp pour publier les résultats de sa dernière et énième enquête sur le sujet. Intention louable pour un syndicat qui déclare vouloir défendre au mieux les intérêts des personnels. N’est-ce pas le SNUipp qui a déclaré récemment : « En tout état de cause, le SNUipp-FSU participera à ces discussions sur la direction d’école et n’esquivera aucun sujet : formation, temps de décharge, aide administrative, revalorisation. Mais loin des effets d’annonce, car il ne s’agit pas de « vendre du vent » aux directrices et aux directeurs, il mettra sur la table ses exigences et n’exclut aucune action sur un dossier en souffrance depuis trop longtemps et qui devra déboucher sur des avancées concrètes »…
Intention louable certes, mais intention également de biaiser le débat par une enquête tronquée à la base et qui, donc, ne peut que donner des résultats faussés.
Le SNUipp annonce 9056 réponses dont 7499 directeurs et directrices (soit 15,65 % de ces personnels) sur 47672 écoles recensées.
Cette enquête porte sur différents thèmes soumis à question par le syndicat.
Du temps
Disposer de davantage de temps, c’est la priorité pour l’immense majorité des personnes ayant rempli l’enquête (87,69% à placer cette question en tête des sujets proposés pour faire avancer la direction et le fonctionnement de l’école). Qu’elles évoquent une exonération des heures d’APC ou une révision des règles d’attribution des décharges, la demande est très forte, alors que la liste des tâches et des missions attachées à la direction d’école ne cesse de s’allonger.
Une reconnaissance salariale
Reconnaître financièrement la charge de travail, c’est la deuxième priorité mise en lumière par l’enquête (84,22%). Pour le plus grand nombre donc, reconnaître la fonction c’est aussi la revaloriser.
Alléger la charge de travail administratif
Troisième enseignement fort de l’enquête, la demande pressante d’un allègement du travail administratif, qui empiète par trop sur les missions d’animation de l’équipe et la vie de l’école. Plus de 82% des personnes ayant répondu à l’enquête estiment qu’il faut prioritairement réduire et simplifier cette dimension du travail qui envahit aujourd’hui leur quotidien. En tout état de cause, le « choc de simplification » administrative que demande le SNUipp devra être au menu des discussions qui vont s’ouvrir avec le ministère.
La clarification des missions et des responsabilités
Quatrième grande préoccupation des directeurs et directrices : une demande de clarification de leurs missions. Ils sont 75% à estimer que c’est une priorité pour améliorer leurs conditions de travail et favoriser leur rôle d’animateur de l’équipe et de la vie de l’école.
Recentrer nos missions sur l’animation de l’équipe et la vie de l’école
Mettre à dispositions un vadémécum actualisé, bénéficier d’une assistance juridique dans chaque département, renforcer nos missions administratives.
La formation
Être directeur ou directrice d’école ne s’improvise pas. Plus de 82% des directeurs estiment qu’il faudrait proposer des formations en continu après leur prise de fonction. En plus d’un référentiel de la fonction, ils souhaitent aussi à 62% que soit proposée une formation initiale avant la prise de responsabilité, ce qui n’est pas toujours et partout le cas.
A propos du recrutement
Les directeurs et directrices ne font pas de la forme du recrutement une question importante. Ils ne sont que 19,64% à la juger prioritaire. En revanche, ils sont très peu nombreux à considérer que la voie d’accès à la fonction doive s’effectuer par concours.
Les modalités d’affectation
Les modalités d’affectation ne sont pas au cœur des préoccupations.
"Cela fait trop longtemps que les directeurs d'écoles bricolent et s'épuisent dans des tâches chronophages, alors qu'ils sont aussi souvent chargés d'enseignement et bénéficient rarement d'une aide administrative." Pour Sébastien Sihr, secrétaire général du Snuipp-FSU (principal syndicat du primaire), "le seuil de tolérance est atteint".
Les enquêtes sur la direction et le fonctionnement de l’école sont un véritable marronnier chez le SNUipp. Chaque année en apporte une nouvelle qui ne débouche jamais sur le moindre résultat pour les directeurs. Rien ne change. Tout semble figé malgré les belles paroles de ce syndicat.
Pourtant cette énième enquête est quelque peu différente des précédentes. Alors que le moment est venu de parler enfin de la définition du métier de directeur, le SNUipp a semble-t-il « oublié » de poser la question du statut de l’école et de son directeur…Il a même oublié de parler de "métier"...
Oubli fâcheux si l’on se rappelle qu’une précédente enquête du même syndicat laissait apparaître le problème du statut… C’est qu’en 2010, « pour 45,78% des répondants, cette reconnaissance nécessite un statut, terme qui recouvre des réalités très diverses selon les répondants (hiérarchique / non hiérarchique / enseignants ou non). A noter que de 1 à 4 classes, ils ne sont que 38,5 % à souhaiter un statut et 66,6 % pour les 13 classes et plus. »
L’enquête Direction et Fonctionnement de l’école mise en ligne sur le site du SNUipp a recueilli 9 250 réponses (83 % de directeurs et directrices). A cette époque, le SNUipp déclarait : « Direction : Entre le statut et le statu quo, il y a tout à inventer…
La question d’un statut pour les directeurs d’école est souvent évoquée. L’enquête réalisée par le SNUipp fait apparaître que cette préoccupation est d’autant plus forte que la taille de l’école est importante. Ce qui n’est sans doute pas un hasard. Derrière cette question, il y a un légitime besoin de reconnaissance de la fonction et également l’exigence de clarifier les responsabilités juridiques et administratives de celles et ceux qui exercent les fonctions de directeur d’école. »
Oubli fâcheux si l’on se rappelle qu’en novembre 2012, le SNUipp écrivait ceci : « Le SNUipp, s’il réfute toujours la reconnaissance statutaire du directeur, accepte l’idée d’un « statut pour le travail de direction ». Conscient de ne pas être compris par les directeurs d’école, Sébastien Sihr précise la position du SNUipp et avance une proposition : « L'école doit rester à taille humaine... les maires sont très attachés à leur école qui est un élément important du projet communal. Pas question donc d'aller dans le sens des Epep ou des regroupements… On est contre l'idée d'un supérieur hiérarchique. Mais comme il est nécessaire de reconnaître la fonction, le Snuipp propose une " certification directeur". Obtenue comme la certification formateur, elle permettrait que la fonction soit reconnue ».
Cette idée de « certification » est alors reprise par le ministre : « La formation continue et « peut-être une certification ou une reconnaissance qui pourrait justifier un certain nombre d'évolutions indemnitaires » feront également partie des négociations ».
Oubli fâcheux si l’on se rappelle qu’en juin 2013, Sébastien Sihr, secrétaire général du SNUipp déclarait « Créer un statut de responsable hiérarchique est une mauvaise réponse à une vraie question. La question c'est la reconnaissance qu'être directeur est une fonction spécifique avec un travail particulier qui nécessite une reconnaissance et une formation. »
Et voilà qu’en octobre 2013, cette idée même de reconnaissance institutionnelle disparaît totalement de la dernière enquête du SNUipp… alors même qu’en 2010, « pour 45,78% des répondants, cette reconnaissance nécessite un statut »… Enquête tronquée, faussée et donc sans valeur !
Il est vrai qu’en 2010, c’était une question sans risque puisqu’aucune discussion n’était ouverte sur le sujet. En 2013, c’est différent. Les discussions sont ouvertes et il serait malvenu pour le SNUipp de donner de « mauvaises idées » au ministre… Aussi, exit ces questions de reconnaissance dans l’enquête… On se contentera d’une « reconnaissance salariale »… et d’un "vadémécum actualisé"…
Le SNUipp a raison sur un point : pour les directeurs d’école, « le seuil de tolérance est atteint ». Et ce syndicat ne croit pas si bien dire… En effet, le seuil de tolérance est atteint, mais c’est aussi à son égard…