Bientôt deux ans que le gouvernement est en place et toujours rien de concret dans le fonctionnement de la direction d’école. Pourtant dès sa nomination à la tête du ministère, Vincent Peillon annonçait l’ouverture de discussions pour le dernier trimestre 2012, puis le premier trimestre 2013. Il fallut attendre décembre 2013 pour obtenir connaissance des mesures retenues par le gouvernement.
Pourquoi ce temps perdu ? Il existe tellement de rapports, d’enquêtes et de synthèses sur le sujet que la matière était là pour ouvrir les discussions au plus vite.
Comment comprendre que certaines de ces mesures demandent encore d’être étudiées et ne soient pas entrées en vigueur dès la rentrée dernière alors que leur contenu est connu de tous et qu’elles n’entraînent aucune dépense supplémentaire ?
• L’allègement des tâches : Il est vrai que le « protocole de simplification » (notamment pour les enquêtes) n’est pas chose aisée à définir. Voilà 25 ans que les différents gouvernements évoquent un « choc de simplification ». En vain. A tel point qu’il vient d’être rappelé par le président de la République.
• La création d’un référentiel métier. Est-il donc si compliqué de créer un « référentiel métier » qui déclinera les activités propres au directeur, les connaissances spécifiques et les capacités et compétences à développer par la formation ? Ce travail a été acté par tous les acteurs qui ont travaillé sur le dossier : inspecteurs généraux, parlementaires, syndicats, GDiD…
• L’élaboration d’un guide juridique qui ne sera rien moins, comme le dit le SE-Unsa, que le vademecum actuel actualisé et fortement enrichi
• L’identification d’une personne ressource par le DASEN pour apporter une assistance juridique de 1er niveau.
Il en va tout autrement pour des mesures plus conséquentes et l’on peut comprendre que le ministre joue la montre pour mettre en œuvre celles qui nécessitent une enveloppe budgétaire qu’il n’a pas. On le voit d’autant mieux si l’on se réfère à la dernière « sortie fracassante » de Vincent Peillon.
Selon des articles de presse, le ministre de l’Education aurait eu l’idée lumineuse de proposer le gel de l’avancement des fonctionnaires. En clair, aucun changement d'échelon en 2015 synonyme de 1,2 milliards d'euros d'économie. Ce serait un des moyens de répondre à la commande présidentielle d’économiser 50 milliards d’euros sur le budget 2014.
Cette annonce a depuis été démentie par l’intéressé. Mais, lors d'un déjeuner avec quelques journalistes, il avait bien fait part de ce projet.
« Pour trouver 50 milliards, on va pas pouvoir se contenter d'économies de gomme et crayon » déclare Vincent Peillon qui annonce que, samedi, au Conseil stratégique de la dépense publique, il proposera de geler les avancements de carrière des fonctionnaires.
Face à la surprise des journalistes, le ministre explique alors que « c'est une question de courage politique » et se dit « prêt à assumer ». La question est explosive puisque le point d'indice, qui sert de base à la rémunération des fonctionnaires, est gelé depuis 2010. Des calculs ont d'ailleurs été réalisés par les services financiers de son ministère, ce que confirme le directeur de cabinet. L'économie est estimée entre 600 et 800 millions d'euros, par an, pour l'Education nationale.
Jeudi midi, le ministère de l'Education nationale a réaffirmé le démenti de Vincent Peillon. Le journaliste Olivier de Lagarde confirme cette conversation d'une vingtaine de minutes en off.
Evidemment, mettre sur la table le gel de l'avancement, des promotions automatiques des fonctionnaires, c'est quasiment un casus belli avec les syndicats. Reste que, comme le rappelait Vincent Peillon mercredi midi à ce déjeuner, le gouvernement veut faire 50 milliards d'économies d'ici la fin du quinquennat. Le ministère du Budget a d'ailleurs commencé à recevoir les différents ministres, pour qu'il fasse des propositions. Vincent Peillon a d'ailleurs été reçu mercredi par Bernard Cazeneuve pour parler des économies à venir.
Après Vincent Peillon, Bruno Le Roux, chef de file des députés socialistes, a reconnu mercredi que le sujet était « sur la table », avant de faire lui aussi machine arrière.
« Je sais que c'est sur la table. Je sais que Bernard Cazeneuve aujourd'hui envisage ces mesures, pour ensuite nous faire la proposition, au Premier ministre, au président de la République et à la majorité », a lâché le député de Seine-Saint-Denis lors de Questions d'infos (LCP/Le Monde/France Info/AFP).
Depuis, le premier ministre a écrit aux syndicats pour leur confirmer qu’aucune mesure de gel de l’avancement des fonctionnaires ne serait prise par son gouvernement.
Souhaitons que ce recul ne soit en rien lié à l’approche des élections municipales… Il conviendra d’être d’autant plus vigilant que les gouvernements européens seraient en train de préparer un troisième plan d’aide à la Grèce de 10 à 20 milliards d’euros pour… après les élections européennes.
Etait-ce bien le rôle du ministre de l’Education nationale de prendre une telle position de réduction du pouvoir d’achat lorsqu’on sait que les enseignants français sont parmi les plus mal payés des pays de l’OCDE et que le point d’indice est gelé depuis 2010 ?
Fallait-il que Vincent Peillon se fasse entendre de nouveau après l’énorme gâchis de la réforme des rythmes scolaires qui n’est soutenue que par la FCPE et 29% des familles ?
Les directeurs d’école rejoindront-ils les 62% de Français qui, selon un sondage BVA, pensent que Vincent Peillon est un "mauvais ministre de l'Education nationale" ?
Une chose est certaine : Vincent Peillon n’accordera pas de statut aux directeurs d’école. Il l’avait annoncé, il tient parole sur ce point. Quelques mesures ont bien été actées mais elles ne suffisent pas à assurer la reconnaissance institutionnelle des directeurs. Les avancées enregistrées sont très nettement en-deçà des espérances des personnels comme le soulignent tous les syndicats enseignants.
Certes, la création d’un GRAF (grade d’accès fonctionnel) est une mesure intéressante mais ne pourra y accéder qu’une faible minorité des directeurs.
Peut-on espérer un élargissement des conditions d’accès à ce GRAF ?
Peut-on espérer de meilleures conditions de travail par une véritable amélioration des décharges ?
Peut-on espérer une substantielle reconnaissance indemnitaire en l’absence d’une reconnaissance statutaire ?
Peut-on espérer que le fonctionnement de l’école s’en trouvera facilité et laissera augurer de meilleurs résultats grâce à la refondation de l’école ?
A toutes ces questions, il est évident que la réponse est « NON ». Et l’on ne voit pas de volonté politique forte pour la faire évoluer avant longtemps. Toutes les avancées, aussi intéressantes soient-elles, ne constituent qu’un catalogue de mesures et non une réforme permettant de transformer l’école. Aucune d’entre elles n’est susceptible de regonfler le moral des directeurs d’école. Leur travail ne s’en trouvera pas allégé. Leur fonction ne sera pas reconnue comme un métier à part entière.
« Le changement, c’est maintenant ! », nous avait-on promis. Il tarde vraiment à venir…