Depuis le temps qu'on nous annonçait des textes sur le métier de directeur d'école... A vrai dire, on les attendait sans les attendre... en tout cas, sans illusions. Sans illusions depuis la formation du premier gouvernement de François Hollande. Dès sa nomination, le 11 juillet 2012, devant la commission des affaires culturelles, en réponse au député UMP Frédéric Reiss qui lui demandait s'il allait accorder un statut aux directeurs d'école, Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale, avait été clair : "la question des directeurs d’école reviendra sans cesse. Il y a beaucoup d’écoles en France. Nous n’avons pas aujourd’hui la possibilité de donner ce statut."
Le ministère a ensuite engagé des discussions à n'en plus finir pour aboutir, le 11 décembre 2014, à la publication au bulletin officiel de ce référentiel-métier dont on se demande encore pourquoi il fut si long à rédiger. Ce bulletin officiel spécial n° 7 du 11 décembre 2014 nous délivre le fameux référentiel-métier et un texte sur la formation du directeur d'école. Dont acte.
Comme indiqué dans son préambule, le référentiel-métier précise "les attributions du directeur d'école dans les trois domaines de responsabilité que lui confère la réglementation en vigueur, notamment les articles 2 à 4 du décret n° 89-122 du 24 février 1989 : le pilotage pédagogique, le bon fonctionnement de l'école et les relations avec les partenaires."
Ainsi, ce nouveau texte n'abroge pas le décret de 1989. Il ne fait que l'adapter aux évolutions de l'école intervenues ces 25 dernières années.
Dans son préambule, il est ainsi mentionné : "Dans le cadre de ce décret, le présent « référentiel métier » précise les missions des directeurs d'école afin de prendre en compte les enjeux croissants de la fonction de direction dans l'école primaire."
Nous restons donc "dans le cadre du décret de 1989" et dans "la fonction de direction"... Autant dire que l'évolution et la reconnaissance tant réclamées restent très limitées.
Pour s'en convaincre, il suffit de comparer les deux textes, de mettre face à face le décret de 89 et le référentiel-métier de 2014. Les phrases sont les mêmes.
Quelques exemples...
Fonctionnement de l'école - activités propres au directeur d'école
- Il procède à l'admission des élèves sur production du certificat d'inscription délivré par le maire. (1989)
- Le directeur procède à l'admission des élèves inscrits par le maire ; il déclare au maire les enfants qui fréquentent l'école. (2014)
- Il prend toute disposition utile pour que l'école assure sa fonction de service public. À cette fin, il organise l'accueil et la surveillance des élèves et le dialogue avec leurs familles. (1989)
- le directeur organise l'accueil et la surveillance des élèves. (2014)
- Il répartit les élèves entre les classes et les groupes, après avis du conseil des maîtres. Il répartit les moyens d'enseignement. Après avis du conseil des maîtres, il arrête le service des instituteurs (1989)
- Après avis du conseil des maîtres, le directeur répartit les élèves en classes et groupes et arrête le service de tous les enseignants nommés à l'école. (2014)
- Il organise le travail des personnels communaux en service à l'école qui, pendant leur service dans les locaux scolaires, sont placés sous son autorité. (1989)
- Le directeur organise le service et contrôle l'activité des personnels territoriaux, pendant leur temps de service à l'école, ainsi que des personnels contractuels affectés à l'école (2014)
- Le directeur d'école assure la coordination nécessaire entre les maîtres et anime l'équipe pédagogique. Il réunit en tant que de besoin l'équipe éducative prévue à l'article 19 du décret du 28 décembre 1976 susvisé. (1989)
- Le directeur d'école assure la coordination nécessaire entre les enseignants de l'école ou ceux qui sont amenés à les remplacer ainsi qu'avec tous ceux qui sont amenés à y intervenir. (2014)
- Il veille à la diffusion auprès des maîtres de l'école des instructions et programmes officiels. (1989)
- Le directeur d'école veille à la diffusion auprès des maîtres de l'école des instructions et programmes officiels, et des documents d'accompagnement pour la mise en œuvre du socle commun de connaissances de compétences et de culture. (2014)
- Il prend part aux actions destinées à assurer la continuité de la formation des élèves entre l'école maternelle et l'école élémentaire et entre l'école et le collège. (1989)
- Le directeur impulse, aussi bien entre les cycles du premier degré qu'avec le collège, les liaisons nécessaires à la continuité des apprentissages ; il assure la participation de l'école aux actions de coopération et aux projets pédagogiques communs émanant du conseil école-collège. (2014)
- Le directeur d'école est l'interlocuteur des autorités locales. Il veille à la qualité des relations de l'école avec les parents d'élèves, le monde économique et les associations culturelles et sportives.(1989)
- Le directeur est l'interlocuteur de la commune ou de l'EPCI éventuellement compétent pour son école. Il veille à la qualité des relations de l'école avec les parents d'élèves et avec l'ensemble des partenaires de l'action éducatrice. (2014)
...etc. ...etc.
Bref, rien de vraiment original dans ce référentiel-métier par rapport au décret de 1989. Les seules nouveautés concernent l'intégration dans le texte des dispositifs qui sont apparus ces 25 dernières années. Ainsi est-il fait allusion aux PPRE, PEDT, CUCS, ZSP, EPCI, AESH... Le référentiel-métier n'est rien d'autre que le décret de 1989 réactualisé pour prendre en compte les évolutions de l'école durant ce quart de siècle.
Certes, le texte peut donner l'illusion de la modernité car ses auteurs ont su le réécrire avec des mots à la mode : animation, impulsion, pilotage. Mais derrière ces mots qui n'étaient pas dans le langage courant des années 80, rien de révolutionnaire...
Ainsi sous le vocable "animation", on retrouve les mêmes phrases que dans le décret de 89 : le directeur d'école assure la coordination... préside le conseil des maîtres... établit le relevé de conclusions et le transmet à l'IEN...
Le terme "impulsion" rappelle les devoirs du directeur qui veille à la diffusion des instructions et programmes... veille au dispositif de soutien... assure les liaisons nécessaires à la continuité des apprentissages...
Quant au mot "pilotage", il rappelle que le directeur d'école coordonne l'élaboration du projet d'école... en assure le suivi... sensibilise l'équipe pédagogique à la qualité du climat scolaire...
" animation, impulsion, pilotage " Trois mots creux et vides de sens...
Le second volet du BO n° 7 du 11 décembre 2014 est relatif à la formation du directeur d'école. Comme pour le texte précédent, ce qu'il convient d'en retenir c'est davantage les précisions que la nouveauté. Là aussi, il s'agit d'adapter le texte à l'évolution du métier depuis 25 ans.
- Tout directeur d'école nouvellement nommé doit suivre une formation préalable à sa prise de fonction. Les modalités d'organisation de cette formation sont fixées par arrêté du ministre chargé de l'éducation nationale. (1989)
- La durée de la formation préalable à la prise de fonctions qui est suivie par les directeurs d'école conformément à l'article 5 du décret du 24 février 1989 susvisé est de trois semaines.(2014)
- Il peut participer à la formation des futurs directeurs d'école. (1989)
- Les directeurs d'écoles nouvellement nommés bénéficient d'un tutorat, assuré par un directeur d'école expérimenté, et rémunéré pour cette fonction. (2014)
A situation plus complexe, formation plus adaptée. Tel est l'objet du texte de 2014.
Que retiendront les directeurs d'école actuellement en fonction de l'ensemble des textes ? Essentiellement l'augmentation des décharges d'enseignement, l'allègement partiel ou l'exonération des APC. Ils apprécieront aussi le relèvement des indemnités pour certains d'entre eux, le passage facilité à la hors classe et la possibilité d'intégration dans un GRAF.
Mais hormis ces avancées matérielles et financières non négligeables, aucun directeur ne pourra se féliciter d'être mieux reconnu statutairement par les enseignants de son école, les parents d'élèves, sa hiérarchie ou ses interlocuteurs habituels.
Il faut d'ailleurs noter qu'aucun syndicat, parmi même les plus hostiles au statut de directeur, ne s'est offusqué de la parution du référentiel-métier. La plupart des organisations syndicales ne l'ont quasiment pas évoqué lors de l'édition du BO spécial. Signe de l'indifférence d'un texte qui ne pouvait les déranger.
Les directeurs, principaux intéressés, ont superbement ignoré ou snobé ce nouveau texte dont ils savent bien qu'il n'est pas de nature à améliorer en quoi que ce soit leur métier. Ils savent aussi que le couvercle vient d'être refermé, et pour longtemps, sur leur principale revendication clairement exprimée en 2006 par 93% d'entre eux : l'obtention d'un statut.
Rappelons-nous que l'objectif premier de toute réforme visant à reconnaître l'école et son directeur est d'abord d'améliorer le fonctionnement de l'école primaire pour assurer de meilleurs résultats aux élèves qui la fréquentent... Qui peut croire que ces textes y contribueront quelque peu ?