Le 12 janvier, le SE-Unsa a organisé un colloque intitulé "Imaginons le collège de demain". Il s’était fixé pour objectif de « faire réfléchir militants et responsables syndicaux sur les enjeux du collège à un moment où l'on sent bien que son destin se joue ».
De nombreux intervenants ont mis l’accent sur la nécessité de donner un nouvel élan au collège et de gérer la continuité école – collège. C’est ce qu’a notamment souligné Jean-Louis Auduc, directeur adjoint de l’IUFM de Créteil qui estime que le socle commun est un levier important sur lequel il faut travailler.
Jacques Grosperrin, député UMP du Doubs et membre de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, a annoncé son intention de déposer, avec le député Frédéric Reiss, une proposition de loi sur l'école du socle. Une proposition de loi qui devrait reprendre les idées des deux rapports (Reiss et Grosperrin) et devrait être discutée prochainement.
De nombreux indices d’inefficacité montrent, rapport après rapport, que le collège connaît des taux d’échec importants. « Le collège est en souffrance et ses difficultés croissent sans cesse. L’enjeu démocratique est de taille, avec toujours davantage d’élèves relégués aux marges du système. Le socle commun impose une nouvelle cohérence dans une école qui doit être libératrice », déclare Christian Chevalier, Secrétaire général du SE-Unsa, pour qui le temps est venu de « revisiter le concept du collège unique ».
Dans ses Recommandations pour le socle commun, le Haut conseil de l’éducation rappelait que 15 % des élèves en fin de Troisième n’ont aucune maîtrise des compétences générales attendues à la fin du collège, auxquels s’ajoutent près de 30 % qui ont des difficultés importantes.
L’une des raisons des échecs importants constatés en Sixième, l’année de l’enseignement secondaire la plus redoublée, avec un taux de redoublement de 5 % en 2008, après la Seconde générale et technologique (taux de 11,5 %), réside, ainsi que cela a déjà été souligné dans la première partie du présent rapport, dans la rupture que cette année marque pour l’élève, ce dernier passant d’un professeur polyvalent à neuf professeurs « disciplinaires ». Pour les participants à ce colloque, « plus que sa modernité, c’est son caractère opérationnel qui fait tout l’intérêt du socle commun. Il permet d’accroître l’efficacité de l’organisation pédagogique des écoles et des collèges. »
Dans sa proposition de loi, Jacques Grosperrin devrait mettre l’accent sur un certain nombre de points qui lui semblent indispensables pour mieux faire fonctionner l’école du socle commun :
- Un temps de présence accru des enseignants au sein de leur établissement
« Pourquoi ne pas intégrer dans le service de ces enseignants, qui mènent, au quotidien, une action décisive en faveur de l’égalité des chances, une heure dédiée à cette activité indispensable au bon fonctionnement de leur établissement ? »
« Une heure de concertation viendrait s’imputer sur l’horaire de cours et pourrait être qualifiée d’« heure socle commun car elle serait consacrée à la coordination pédagogique indispensable à la mise en œuvre de cette nouvelle approche de l’enseignement »
- Un pilotage des établissements plus incitatif
« Les collèges pourraient bénéficier, s’ils le souhaitent, d’une plus grande liberté d’organisation, afin de disposer des marges de manœuvre qu’eux-mêmes jugeraient indispensables à l’accomplissement de leur mission d’acquisition, par les élèves, des compétences du socle commun. »
- Une organisation des corps d’inspection repensée
« Les recteurs devraient être les garants de la mise en place du socle commun. Une mise en œuvre réussie du socle commun impose de repenser l’organisation et les missions des corps d’inspection de l’Éducation nationale en fonction de deux objectifs ».
« Le premier objectif est l’accroissement de l’efficacité pédagogique des écoles et des établissements scolaires… Or, les corps d’inspection, qui devraient jouer ce rôle de suivi et d’accompagnement, ne disposent pas des moyens nécessaires pour le faire… il convient, sans doute de réfléchir à une réorganisation des corps d’inspection, dont les effectifs doivent être augmentés et les missions redéfinies, afin qu’ils consacrent un temps significatif de leur activité à faire du conseil pédagogique de proximité, c’est-à-dire à jouer un rôle de « conseillers techniques » des écoles et des établissements scolaires. Ils exerceraient ainsi une fonction d’appui auprès des équipes enseignantes, en leur donnant des conseils sur la mise en place de dispositifs pédagogiques propres à amener les élèves à maîtriser le socle commun et en contrôlant ensuite leur efficacité. Ils pourraient notamment donner leur avis sur la constitution des groupes de compétence, le contenu des livrets personnels de compétence numériques, la définition des niveaux d’acquisition des contenus du socle commun, la mise en place des dispositifs de soutien scolaire (accompagnement éducatif et programme personnalisé de réussite éducative), etc. Quant aux inspections individuelles, si leur suppression n’est pas envisageable à court terme dans notre pays – certains interlocuteurs de la mission l’ont pourtant préconisée en s’appuyant sur le fait que des pays européens, scandinaves en particulier, recourent à un système d’évaluation purement « externe » des établissements –, celles-ci pourraient être reconfigurées, en complétant le contrôle en classe par un temps de restitution et d’analyse collectives, devant toute l’équipe enseignante et en présence du chef d’établissement. »
- Un mode d’organisation des écoles et des collèges à généraliser : les Réseaux Ambition Réussite
« En attendant ces « écoles du socle commun », une première étape pourrait être franchie en s’appuyant sur une organisation déjà existante, les réseaux « ambition réussite » mis en place à partir de 2006. On sait ce que pourrait être une organisation scolaire propice à l’acquisition du socle commun, si ces réseaux étaient étendus aux écoles et établissements ne relevant pas de l’éducation prioritaire.
L’organisation de ces réseaux repose sur trois piliers :
– chaque réseau est piloté localement par un principal de collège, pour le second degré, et par un inspecteur de l’éducation nationale pour le premier degré.
Un comité exécutif réunit ainsi le principal du collège, son adjoint, l’inspecteur et les directeurs des écoles. Ce comité est chargé de l’élaboration, du suivi et de la régulation du contrat du réseau, permettant ainsi la définition d’objectifs partagés et le développement d’une culture commune de la maternelle au collège ;
– le projet de chaque réseau est formalisé dans un contrat « ambition réussite ». Il contient un tableau de bord, un diagnostic axé sur les acquis des élèves, des objectifs pédagogiques, un plan d’actions et les lettres de mission des enseignants. Validé par le comité exécutif du réseau, ce contrat devient une référence commune de travail au sein du réseau, de même qu’avec les autorités académiques. Il est discuté lors des conseils d’école, du conseil pédagogique et du conseil d’administration au collège. Il peut être amendé chaque année ;
Les réseaux ambition réussite pourraient donc être la matrice de « l’École fondamentale » de demain, le rapprochement entre les premier et second degrés étant favorisé par d’autres mesures évoquées dans le présent rapport : le développement de la bivalence, les échanges de service entre enseignants de CM2 et de Sixième et une formation des maîtres plus interdisciplinaire et axée sur le socle commun. Dans ce but, des « réseaux du socle commun » expérimentaux pourraient être mis en place. Reposant sur le volontariat et associant des écoles et des collèges relevant ou non de l’éducation prioritaire, ils pourraient être, en cas d’évaluation positive, généralisés pour englober la totalité des élèves suivant le cursus de la scolarité obligatoire. »
Si les rôles respectifs du principal de collège et de l’IEN sont bien définis dans le projet de Jacques Grosperrin, celui du directeur d’école semble réduit à la portion congrue. Nulle trace de sa reconnaissance statutaire, de son implication administrative ou de sa responsabilité dans le dispositif.
Quelle serait sa place entre le chef d’établissement et l’IEN ? Serait-il en permanence court-circuité par l’IEN qui se verrait attribuer le rôle de super directeur ? Quelles seraient ses attributions, ses responsabilités, ses devoirs, ses moyens… ? Quid du projet de création des EPEP ?
Les organisations syndicales se doivent de réfléchir à ces problèmes et d’apporter des réponses satisfaisantes le plus tôt possible. Avant que les parlementaires ne se saisissent du dossier…
Le dispositif "ECLAIR"
Mais la proposition de loi du député Grosperrin n’est-elle pas caduque avant même que d’avoir été déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale ? N’est-il pas prévu, dès la prochaine rentrée, de basculer les 249 collèges et 1725 écoles des réseaux d’éducation prioritaire sous un statut dérogatoire doté d’un nouveau sigle « ECLAIR » qui signifie « Ecoles, Collèges et Lycées pour l’Ambition, l’Innovation et la Réussite »…
La mesure dérogatoire la plus spectaculaire permettra aux chefs d’établissements de formuler un avis sur le recrutement des enseignants « afin de s’assurer de leur volonté de s’investir dans le projet d’établissement ». Cet avis de recrutement sera remis au recteur qui procèdera aux affectations. Pour ce qui concerne les avis des enseignants affectés dans les écoles, ce rôle devrait revenir aux inspecteurs…comme le leur avait expliqué Luc Chatel en septembre dernier.
Une fois encore, faute de statut, les directeurs d’école seront les grands absents de cette nouvelle procédure. Dans un cas comme dans l’autre, ce sont les IEN qui seront directement impliqués dans la direction des écoles primaires.
Es syndicats se sont immédiatement réunis en intersyndicale regroupant la CGT-Educ'action, le SE-UNSA, le SNCL-FAEN, le SNEP-FSU, le SNES-FSU, le Snuep-FSU, le SNFOLC, le Snetaa-FO et SUD-Education pour demander dans un communiqué commun "le retrait de la circulaire autorisant ce dispositif et l'abandon de toute pression à l'égard des personnels".