Dans quelques années, 2006 apparaîtra comme le début d'une ère nouvelle pour les directeurs. Chacun se souviendra qu'en 2006 la profession a enfin pris conscience que pour exister et acquérir une reconnaissance institutionnelle, elle ne pouvait compter que sur elle-même et qu'il lui fallait prendre en main son propre destin.
En septembre 2006, sous l'impulsion du GDID, pour la première fois, les directeurs ont eu l'occasion de s'exprimer. La consultation IFOP est encore présente dans tous les esprits. En affirmant massivement et à la quasi unanimité (93 %) leur volonté d'obtenir un statut, les directeurs ont infligé un véritable camouflet aux principaux syndicats enseignants. Syndicats qui se sont brutalement trouvés en déphasage complet avec les "enseignants-chargés-de-direction". D'un coup, d'un seul, les directeurs ont démenti les dirigeants syndicalistes qui s'octroyaient le droit de clamer que "les directeurs d'école ne veulent pas d'un statut".
Partant de ce constat d'échec, les syndicats n'ont eu d'autre recours que de vouloir "limiter la casse". Le SE-Unsa totalement déconsidéré depuis l'apposition de sa signature au bas du protocole, n'a eu de cesse de justifier son accord par le fait "d'engranger les avancées" de mai 2006. Son principal rival, le SNUipp, soucieux de ne pas être associé à ce désastre, a multiplié les communiqués assassins à l'égard du SE-Unsa. Le SGEN-CFDT, en panne d'idées, d'adhérents et de militants, s'est mis à la remorque du SNUipp. Le SNUDI-FO est aux abonnés absents. Bref ! le paysage syndical s'en est trouvé passablement bouleversé.
Quelques mois après la mise en place des premières mesures contenues dans le protocole, quelle est la situation sur le terrain ? Le moins que l'on puisse en dire, c'est que le premier bilan est contrasté et peu flatteur pour les syndicats.
Pour ne pas être taxés "d'antisyndicalisme primaire", nous nous abstiendrons d'interprétations personnelles. Il nous suffirait de citer les déclarations très critiques du SNUipp à l'égard de son rival préféré. Nous nous contenterons du constat fait par le SE-Unsa lui-même, signataire du protocole, faut-il le rappeler...
Alors qu'il se place dans le cadre de la préparation de la rentré 2007, le SE-Unsa pointe de nombreuses inquiétudes.
Décharge administrative du directeur par les PE2
"- Le déficit de PE2 dans certains départements risque de s'aggraver...
- Le déficit chronique en remplaçants déstabilise le fonctionnement global du service et a des retentissements sur l'application du protocole
- Certains IUFM prévoient des semaines de formation commune 1er et 2nd degré et de ce fait retirent le PE2 en stage filé de la décharge du directeur, sans essayer de faire procéder à son remplacement, voire même sans avertir le collègue directeur"
D'autres cas de retrait du PE2 ne permettent pas d'assurer la décharge du directeur :
- PE2 sont bloqués sur des semaines culturelles
- Stages de PE2 à l'Etranger
- Démissions de PE2
- Congés de maternité de PE2
On se retrouve vite en grande difficulté de respect de la décharge pour les écoles de 4 classes, voire (et c'est pire encore) pour les écoles de 5 à 9 classes.
Concernant les décharges de rentrée exceptionnelles pour les écoles de moins de 4 classes, des difficultés demeurent pour certaines directions à une classe et écoles maternelles..."
Dispositif EVS
"De nombreuses difficultés subsistent :
- attitude des conseils généraux
- nombreuses demandes de directeurs non satisfaites
- impossibilité dans certains départements d'ouvrir le recrutement à des CAE
- difficultés sur les contrats, les droits sociaux (situation catstrophique dans le 93)"
Vademecum
Le SE-Unsa rappelle qu'à sa "demande expresse" les 7 premières fiches ont été réalisées notamment celles relatives "aux sujets importants et sources d'angoisse, en terme de responsabilité". Elles devraient parvenir aux directeurs fin janvier.
Ouf ! Les écoles vont enfin pouvoir "tourner"...
Manifestement, le SE-Unsa semble découvrir qu'il a été victime d'un marché de dupes. Pourquoi s'est-il précipité à signer ce protocole ? Aveuglement idéologique ? Irresponsabilité des dirigeants ? Volonté d'être le "premier défenseur" des directeurs ?
Le résultat était prévisible. Les fameuses "avancées à engranger" apparaissent pour ce qu'elles sont : de la poudre aux yeux pour mettre un terme à la grève administrative qui gênait l'administration dans ses coupes sombres de la carte scolaire.
La responsabilité du SE-Unsa est entière dans ce désastre. En se montrant complice du ministère pour, de facto, mettre fin au long conflit de la direction d'école, ce syndicat s'est fourvoyé et a fait une erreur capitale de jugement. Alors qu'il s'estimait partenaire privilégié du ministère, il a eu la désagréable surprise de constater la mise en place de groupes de travail pour continuer la réflexion et apporter d'autres solutions à cet épineux problème.
En effet, le ministère a vite "senti" que les directeurs n'adhéraient pas à ce protocole. Les informations lui provenant "du terrain" ont fait remonter la grogne de la base. Les résultats de la consultation IFOP-GDID n'ont fait que confirmer au ministre que le protocole n'était pas la solution permettant un réglement définitif de ce conflit.
Face à des syndicats déboussolés, mis en contradiction par l'immense majorité des directeurs, le ministère a les coudées franches pour avancer et imposer ses réformes. Il peut le faire d'autant plus aisément que le SE-Unsa est KO debout et que le couple SNUipp / SGEN pratique la politique de la chaise vide.
Certes, de temps à autre, ces syndicats relèvent la tête, gesticulent, vocifèrent, font défiler "1000 délégués" à Paris, s'organisent en inter-syndicale, appellent les collègues à participer à des réunions squelettiques qui rassemblent une dizaine de personnes et publient des communiqués menaçants qui n'intimident plus personne...
L'essentiel, pour ces organisations, est de montrer qu'elles existent encore et tenter de reconquérir les brebis égarées. Ainsi, le 14 décembre, à l'issue de la Réunion du CSE (Conseil Supérieur de l'Education), le SE-Unsa ne craint-il pas d'écrire :
"Le SE-Unsa obtient, seul, la clarification des rôles respectifs des directeurs et des formateurs".
La belle affaire ! Le beau succès ! La grande victoire !
Résumé : Lors de l'examen du PROJET d'ARRETE portant chier des charges de la formation des maîtres en IUFM, le SE-Unsa a proposé des amendements retenus par le CSE.
Texte initial :
"[...] Les formateurs de terrain, y compris les directeurs d'école ainsi que les chefs d'établissement qui accueillent des professeurs stagiaires, sont les mieux à même d'apprécier leurs progrès : ils doivent contribuer avec les formateurs d'IUFM à l'évaluation des compétences des stagiaires".
Texte définitif tenant compte de l'amendement du SE-Unsa :
"[...] Les formateurs de terrain, les instituteurs-professeurs des écoles maîtres formateurs, les professeurs tuteurs, sont les mieux à même d'apprécier les progrès des professeurs stagiaires : ils doivent contribuer à l'évaluation de leurs compétences avec les formateurs d'IUFM. Les chefs d'établissement qui accueillent des professeurs stagiaires prennent part à cette évaluation ".
Cet amendement a pour objectif de retirer le directeur du processus d'évaluation du stagiaire. Faut-il comprendre qu'il est le seul à ne pas avoir les compétences nécessaires pour évaluer ? Le directeur devra-t-il se contenter d'accueillir, aider, accompagner, conseiller le stagiaire sans avoir son mot à dire au moment de l'évaluation ?
Toujours est-il que le CSE a d'autant plus facilement accepté cet amendement que l'essentiel est que le stagiaire soit accueilli et évalué. Ce sera le cas et peu importe par qui.
Autre article modifié
Texte initial :
"Les professeurs stagiaires ainsi que les professeurs nouveaux titulaires doivent être accueillis et accompagnés [...] Cela nécessite l'implication de tous les acteurs (directeur d'école ou chef d'établissement, conseillers pédagogiques, maîtres d'accueil temporaire, formateurs et stagiaires) dans l'évaluation des dispositifs de stage".
Texte définitif tenant compte de l'amendement du SE-Unsa :
"Les professeurs stagiaires ainsi que les professeurs nouveaux titulaires doivent être accueillis et accompagnés : l'organisation, le déroulement et l'évaluation des dispositifs de stages font l'objet d'une attention particulière.
La réflexion menée au sein de de l'établissement ou de l'école sur les activités qui leur sont proposées est partie intégrante de cet accueil et de l'accompagnement. Cela nécessite l'implication de tous les acteurs (directeur d'école ou chef d'établissement, instituteurs-professeurs des écoles maîtres formateurs, professeurs tuteurs ou référents, maîtres d'accueil temporaire, formateurs et stagiaires : chacun, selon son champ de compétence, y prend sa part".
La phrase soulignée indique l'amendement du SE-Unsa. De la pure et belle langue de bois !! Le CSE pouvait-il s'offusquer d'un tel amendement ?
D'ailleurs, ce deuxième article montre bien la vanité de l'amendement précédent puisqu'il implique clairement le directeur d'école dans l'évaluation des dispositifs de stages. Ainsi, le directeur peut et doit évaluer un dispositif de stage mais ne peut pas évaluer le stagiaire qu'il accueille dans son école !
En laissant les directeurs participer à l'évaluation des stagiaires, le SE-Unsa craignait-il de mettre le doigt dans l'engrenage qui conduit à la reconnaissance implicite des "petits chefs" ?
Le SE-Unsa conclut ainsi son communiqué de victoire :
"Au moment où certains se font les chantres de la défense des directeurs d'école, leur silence en CSE en dit long sur leur volonté réelle à les défendre et à obtenir des avancées...
SE-Unsa : Faites la différence. La preuve par l'amendement".
Des avancées, encore et toujours des avancées... Chanceux directeurs si bien défendus... Défense des directeurs, certes, mais pas comme on le souhaiterait ni même comme on serait en droit de l'attendre de syndicats responsables et dignes de ce nom. L'exemple le plus caractéristique concerne justement le retrait sur salaire pour cause de service non fait (relire notre article).
Les différents syndicats cités ci-avant, dans ce domaine comme dans d'autres, gesticulent beaucoup mais avancent en ordre dispersé, sans cohérence et surtout sans efficacité.
Après le SNUipp 38 (Isère) en octobre dernier, c'est maintenant au tour du SE-Unsa 01(Ain) d'abandonner les collègues directeurs en rase campagne et d'aller rendre à l'IA les enquêtes 19, "tout en manifestant colère et désapprobation", naturellement...
Prochainement, les groupes de travail vont reprendre leurs activités au ministère. Pas grand-chose à en attendre. Pour l'un la mise en place d'EPEP à titre expérimental dans quelques dizaines de communes. Pour l'autre, la mise au point d'un "statut d'emploi". Rien qui ne soit de nature à répondre aux attentes des directeurs et à apporter des solutions à la crise de la direction d'école.
Il convient, néanmoins, de retenir des événements de cette année au moins 2 POINTS POSITIFS.
- l'émancipation des directeurs vis-à-vis des centrales syndicales et des autorités hiérarchiques.
Jamais les directeurs n'avaient autant osé contester et aussi ouvertement des mesures prises "en leur faveur". Ils ont su faire entendre leur voix au point que le ministre a annoncé une suite aux négociations après avoir affirmé dans la presse : "le problème des directeurs est réglé".
- la reconnaissance du GDID comme association capable d'agréger les directeurs.
Depuis qu'il a permis aux directeurs de s'exprimer au travers de la consultation IFOP, le GDID a pris une autre dimension. Il est maintenant considéré comme une force de propositions. Aux yeux des interlocuteurs ministériels, le GDID est reconnu comme une organisation plus représentative des directeurs que ne le sont les principaux syndicats. Sa notoriété et sa crédibilité ne peuvent plus être contestées.
Aucun syndicat ne pourra plus parler au nom des directeurs et affirmer comme il y a peu encore : "les directeurs ne veulent pas de statut".
En 2006, les directeurs ont su se faire entendre. Ils ont clairement affiché leurs priorités au travers de la consultation IFOP-GDID. Ils ont affirmé leur refus de se voir confisquer la parole par des organisations syndicales qu'ils jugent non représentatives de leur profession.
Puissent-ils, en 2007, poursuivre leur émancipation et amplifier leur voix pour dénoncer le statu quo et faire évoluer leur métier afin de le mettre au diapason du XXIème siècle...
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