Objet : Retenue sur salaire pour grève administrative.
Monsieur le Ministre,
Je reçois aujourd’hui un courrier de l’Inspection Académique me précisant que je ferai en mars l’objet d’une retenue d’un trentième de mon traitement pour service non fait car je n’ai pas transmis l’enquête 19.
Monsieur le Ministre, je vous rappelle que ma profession est : « institutrice », que j’aime ce métier, et que je l’exerce au quotidien avec beaucoup d’assiduité depuis trente ans.
Accessoirement j’occupe aussi la fonction de directrice de l’école, qui n’est pas réellement rétribuée puisqu’elle ne m’apporte qu’une très légère indemnité mensuelle, qui n’est pas réellement reconnue puisqu’elle ne fait l’objet d’aucun statut, et qui n’est pas réellement respectée puisque les décharges des écoles à cinq classes prévues par décret en 1992, si ma mémoire est bonne, n’ont été appliquées qu’en 2006 comme si cela n’était pas très important et encore moins urgent, et ce quelque soit le gouvernement en place.
C’est surtout ce dernier point concernant les décharges qui m’a amenée à manifester mon mécontentement en bloquant les enquêtes 19.
Par la suite je me suis ralliée à d’autres revendications, concernant en particulier la reconnaissance du « métier » de directeur d’école qui demande tant et qui pourtant n’existe pas vraiment, et c’est pourquoi je n’ai pas cessé le mouvement de blocage des enquêtes.
Quoi qu’il en soit, à ce jour et sauf erreur de ma part, je ne suis toujours qu’une institutrice de l’école publique exerçant la fonction de directrice en plus de ses obligations professionnelles d’enseignante.
L’envoi des enquêtes 19 ne relève pas du bon vouloir de l’institutrice Marie-Hélène Colovos, et donc je ne comprends pas que cette partie de ma rémunération soit mise en cause, alors je me pose certaines questions auxquelles j’espère que vous pourrez répondre :
Pourquoi me retire-t-on un trentième de mon salaire d’institutrice puisque j’ai assuré ce service sans faillir ?
Pourquoi ne me retire-t-on pas simplement un trentième de mon indemnité de direction pour fonction de directrice non effectuée puisque c’est la réalité de la situation ?
Il est vrai que la retenue sur salaire se situerait alors, aux alentours de cinq euros ce qui pourrait paraître risible, mais malheureusement c’est bien à cette valeur quotidienne qu’est estimée aujourd’hui la fonction de directeur d’école.
Pourquoi faire tant de cas de cette enquête 19 puisque les chiffres dont le ministère a besoin lui ont été transmis directement via mon Inspection Départementale a qui je les ai donnés (j’en veux pour preuve les fermetures de classes qui sont à l’ordre du jour dans mon école et qui ne pourraient être envisagées si l’Inspection n’avait pas ces données) ?
Pourquoi me précise-t-on par téléphone que si je renvoie immédiatement l’enquête 19 les sanctions seront annulées alors que cette enquête n’a plus aucune utilité ?
De toute façon je n’ai plus cette enquête depuis longtemps. Je l’ai transmise à un syndicat qui soutenait la grève administrative des directeurs, mais n’étant moi-même pas syndiquée je ne sais plus vraiment à qui.
Bien sûr depuis l’an passé je suis enfin déchargée un jour par semaine et on pourrait me répondre que ce n’est que cette journée de décharge qui est concernée par la retenue sur salaire, mais dans ce cas cela voudrait dire que je ne suis pas directrice les autres jours.
Alors ne devrais-je plus…
recevoir les familles, répondre au téléphone, veiller à la sécurité et au bien-être des enfants, me rendre aux diverses réunions, ouvrir le courrier, consulter les mails, organiser l’élaboration des projets de l’école puis les rédiger, rester en contact avec la Mairie du Touquet, avec l’Inspection, centraliser les besoins des collègues, travailler avec les partenaires de l’école, gérer le personnel municipal travaillant au sein de l’école, régler les problèmes quotidiens d’entretien des locaux et du matériel, gérer l’argent de la coopérative, organiser les sorties pédagogiques, remplir les enquêtes… entre autres tâches mais je vais arrêter ici la liste qui est encore bien longue,
… qu’un seul jour par semaine ?
Bien sûr que non la tâche serait impossible à accomplir, même en utilisant les vingt-quatre heures de cette journée, et les besoins de l’école n’attendent pas mon jour de décharge.
Donc, si je suis chaque jour directrice, par voie de conséquence je suis aussi chaque jour institutrice, même mon jour de décharge. De plus les collègues directeurs confrontés comme moi à cette sanction ne sont certainement pas tous déchargés.
Sauf le respect que je vous dois, je me demande comment réagirait Monsieur le Maire d’Amiens si il faisait l’objet de sanctions financières au titre de Maire pour répondre d’un acte commis par Monsieur le Ministre de l’Education Nationale.
Monsieur le Ministre, je ne vous demande aucun recours gracieux, aucun recours hiérarchique, aucun recours contentieux comme le propose le courrier que j’ai reçu.
L’argent n’est pas le moteur qui me fait avancer.
Ce que je vous demande, c’est simplement un peu de justice.
Ne punissez pas ma part d’institutrice qui n’a rien fait, et sanctionnez ma fraction de directrice qui est effectivement coupable de n’avoir transmis ses chiffres que par oral et non sur l’imprimé requis.
Si je parle ici à la première personne c’est par souci de simplicité du discours, mais je pense aussi à tous les collègues directeurs qui sont aujourd’hui dans la même situation que moi et ont sans doute le même sentiment d’injustice.
J’aimerais pouvoir profiter de ce courrier pour vous demander de vous pencher avec bienveillance sur nos problèmes de directeurs, mais je sais que des associations de directeurs comme le GDID et des syndicats professionnels le font déjà.
Il serait présomptueux de ma part de penser que je peux faire mieux, aussi je leur en laisse le soin.
Je porte ce courrier à la connaissance des personnes concernées par le fonctionnement de l’Ecole de la République dans l’espoir qu’un jour les réponses apportées au grand malaise des directeurs d’école seront apaisantes.
Je vous prie de croire, Monsieur le Ministre, à mon grand dévouement à la cause du service public et à l’épanouissement scolaire des enfants.
Copies :
Monsieur le Président de la République.
Monsieur le Député Maire du Touquet.
Monsieur le Recteur de l’Académie de Lille.
Monsieur l’Inspecteur d’Académie du Pas-de-Calais.
Monsieur l’Inspecteur de la Circonscription de Montreuil-sur-Mer.
Madame Royal, Monsieur Bayrou, Monsieur Sarkozy, candidats à la Présidence de la République.
Mesdames et Messieurs les responsables syndicaux soutenant la grève administrative.
Le GDID, Directeurs en Lutte.