Décidément, le SNUipp s’est réellement pris d’affection pour les directeurs d’école… Après un tour de chauffe dévolu aux sections départementales des Alpes-Maritimes et des Hautes-Pyrénées, voilà que la direction nationale lance une grande enquête destinée à donner la parole à l’ensemble des directeurs et adjoints. Cette consultation au double titre prometteur « Direction d’école : en quête d’évolutions » et « Fonctionnement d’école : quelle direction ? » montre ainsi que le SNUipp maintient sa formule habituelle « direction et fonctionnement de l’école ».
Un constat édifiant
En guise de préambule à cette enquête nationale, le SNUipp dresse un constat sur les difficultés rencontrées par les directeurs d’école. Constat habituel décrit dans tous les rapports qui paraissent sur le sujet et que nul se songerait à contester.
Direction et fonctionnement de l'école, rien ne va plus. L'avalanche des tâches liées à la gestion de l'école et à la mise en place des réformes en cours est devenue insupportable. La charge de travail et les responsabilités juridiques, pédagogiques, administratives liées à la fonction se sont complexifiées et amplifiées.
Résultat : malgré l'intérêt de la fonction, 3000 directions d'école restent aujourd'hui vacantes, les directeurs et directrices l'affirment haut et fort : « le statut-quo n'est plus possible ». On notera, au passage, le lapsus (révélateur ?) entre « statut » et « statu quo »…
La seconde partie de son exposé est moins convaincante. Le SNUipp ne peut s’empêcher de céder à ses vieux démons. Il évoque le spectre de la création d’EPEP qui « complique les relations professionnelles » sans apporter de « réponses sur la question de l'alourdissement des tâches et des responsabilités ». Tout bon discours du SNUipp sur la direction d’école ne serait pas complet s’il ne comportait le fameux couplet du p’tit chef « relais des inspecteurs au sein de l'école sur les questions d'organisation et d'administration ».
Le SNUipp livre ensuite ce que sera très probablement la conclusion de l’analyse qu’il fera de cette enquête : « …nécessité de « plus de temps », d'une revalorisation financière, d'une aide à la fonction, d'une clarification des missions... » pour « tracer ensemble les évolutions nécessaires pour une direction et un fonctionnement de l'école adaptés aux nouvelles réalités et au service de tous les élèves ». Tout est dit.
Une enquête entachée d’une grossière erreur méthodologique
Destinée à l’ensemble des directeurs et adjoints, cette enquête nationale présente un inconvénient majeur qui la rend d’ores et déjà sujette à caution : elle ne présente aucune des garanties de fiabilité d’un véritable sondage.
En effet, cette enquête ne se conforme pas au standard méthodologique des enquêtes d’opinion dans la mesure où il est possible d’y répondre autant de fois que l’on veut depuis un même poste (aucun blocage des adresses IP). Rien à voir avec l’enquête commandée en 2006 par le GDID qui avait fait appel à un institut de sondages réputé (IFOP) et qui présentait toutes les assurances méthodologiques nécessaires pour fournir des résultats fiables.
En ne se donnant pas les moyens d’une enquête incontestable, le SNUipp ruine tous ses efforts de séduction déployés ces derniers temps pour afficher son intention de faire évoluer la « fonction » de directeur car, quels qu’ils soient, les résultats seront forcément affectés d’un doute. Doute d’autant plus fort que les deux précédentes enquêtes départementales (06 et 65) de ce syndicat étaient déjà entachées d’approximations, d’erreurs et d’incohérences qui leur ôtaient toute crédibilité.
Des résultats inexploitables
Sur le fond, enfin, que penser d’une enquête dont le commanditaire nous donne par avance les réponses qu’il souhaite y trouver ? Comme indiqué plus haut, le SNUipp affirme clairement ses choix. Il refuse les EPEP, s’oppose à un statut pour les directeurs et indique les mesures qui lui semblent suffisantes pour améliorer leur situation : « plus de temps, une revalorisation financière, une aide administrative et une clarification des missions ». Pourquoi, dès lors, proposer de donner « la parole » par le biais d’une enquête qui semble inutile et orientée ? Que fera le SNUipp de l’avis des collègues puisque le sien semble sans appel ?
En effet, que se passerait-il si, par le plus grand des hasards, les participants se montraient massivement favorables à la création d’EPEP et à la mise en place d’un statut de directeur ? Désavoué dans ses prises de positions tranchées, la direction du SNUipp démissionnerait-elle, reconnaîtrait-elle ses erreurs, reprendrait-elle à son compte les souhaits exprimés dans l’enquête, accepterait-elle de porter la lutte dans le sens demandé par les collègues ? Autant de questions qui risquent de rester sans réponses.
L’enquête présente un autre inconvénient de taille : elle est anonyme, ce qui n’est pas une faute en soi. Cependant, il deviendra impossible de différencier les réponses apportées par les directeurs et les adjoints puisque chacun aura le loisir de se faire passer pour qui bon lui semble et autant de fois qu’il le souhaitera. Comment imaginer que les auteurs de cette enquête n’y aient pas pensé ?
Doit-on croire à une quelconque inconséquence des responsables nationaux du SNUipp ou plutôt penser que ce syndicat recherche avant tout un plébiscite pour légitimer son dogmatisme sur l’évolution de la direction d’école ?
Force est constater que cette enquête ne peut se parer d’aucune valeur scientifique. Quels qu’en soient les résultats, l’exploitation qui en sera faite ne pourra donner lieu à aucune analyse crédible et incontestée. Et hélas, il est à craindre que comme les précédentes, cette consultation ne contribue un peu plus à semer le trouble sur les véritables intentions du SNUipp à l’égard des directeurs d’école.
Coup d’épée dans l’eau ou nouvelle manipulation ? Faudra-t-il attendre le mois de mai (publication des résultats) pour en avoir le cœur net ?