L’annonce d’un éventuel dépôt de proposition de loi visant à la création d’EPEP met en émoi les syndicats enseignants du premier degré et les contraint à engager une réflexion « en interne » pour la plupart d’entre eux. Le SE-Unsa va plus loin et met en ligne un questionnaire sur l’opportunité de créer des EPEP.
Il aura suffi que le député Frédéric Reiss (UMP, Bas-Rhin) indique à l’agence de presse AEF le jeudi 15 octobre qu’il compte déposer une nouvelle proposition de loi sur la création d’Epep « dans l’année quand le ministre de l’Éducation nationale, Luc Chatel sera prêt » pour que les états-majors syndicaux fassent connaître leurs réactions.
Réaction d’abord face à l’initiative du GDID qui a lancé une pétition couronnée de succès appelant les syndicats à « ouvrir enfin un vrai débat, sans tabous, sans exclusivités, sans préjugés » sur le métier de directeur. Réaction ensuite sur la création d’EPEP.
Le Scenrac-CFTC réaffirme son soutien à la création d’un statut pour le directeur d’école, éventuellement dans le cadre d’un établissement public du premier degré. « Il est urgent de prendre une décision [...] De plus en plus de directeurs occupent les fonctions sans formation et le rapport de l’Igen publié en septembre montre bien qu’il manque un maillon dans le premier degré », estime Michel Trudel, président du Scenrac-CFTC. Le syndicat plaide pour la création d’un statut non hiérarchisé : « L’école a besoin d’un pilote, mais en tant qu’animateur de l’équipe pédagogique, il ne doit pas être le supérieur de ses collègues », explique-t-il. Le modèle proposé par le syndicat impliquerait la création d’un concours, la mise en place d’une formation initiale et, « pourquoi pas, l’intégration des directeurs d’école au corps de direction du second degré ».
Le SE-Unsa prend ses distances avec les positions du GDID, ne soutiendra pas la pétition, mais aborde la question à travers une publication et un questionnaire électronique sur la création des Epep. « Quelle structure administrative et pédagogique, avec quels objectifs, quels modes opératoires, quelle architecture financière et juridique mais aussi quel pilote sont les plus à même, aujourd’hui, de répondre efficacement aux nouveaux défis que doit relever l’école primaire ? », s’interroge le syndicat, invitant notamment ses adhérents à se prononcer sur l’opportunité de créer des établissements publics dans le premier degré. En proposant ce questionnaire, le syndicat a conscience d’avoir « franchi un cap ». « Avant, la réflexion était menée en interne, certains collègues refusaient d’en parler, c’était épidermique, déclare Stéphanie Valmaggia, déléguée nationale du SE-Unsa. Mais quand Frédéric Reiss a annoncé qu’il voulait déposer une nouvelle proposition sur les Epep, nous avons voulu prendre la température de la profession. Et nous avons beaucoup, beaucoup de réponses », affirme-t-elle. « Sur un peu plus de 400 retours, 97 % des interviewés constatent que ça va mal, et à la question ‘’faut-il créer un établissement public dans le premier degré’’, 84 % répondent ‘’oui’’ », rapporte la syndicaliste, précisant que la majorité sont « des directeurs d’école ». Le syndicat, qui n’est pas opposé par principe à la création d’établissements publics dans le premier degré, veut laisser à ses adhérents la possibilité de trancher la question lors de son congrès de Brest (Finistère) à la mi-mars 2010. « Le GDID a tendance à prendre le problème uniquement sous l’angle de la fonction de directeur ; au SE nous partons de l’organisation de l’école pour définir ensuite les conditions d’exercice adéquates », explique Stéphanie Valmaggia.
Pour le syndicat, dans un contexte de « resserrement des corps », la création d’un nouveau statut de directeur d’école n’est pas pertinente : « Un nouveau statut signifierait recréer des concours, des corps, il y en a déjà beaucoup trop. » En tant qu’animateur de l’équipe pédagogique, le directeur d’école doit garder un pied dans la classe et surtout ne pas être transformé en « administratif pur ».
La déléguée nationale du SE-Unsa se félicite du taux de retour de l’enquête « nous avons beaucoup, beaucoup de réponses » avant d’en préciser le nombre ridiculement bas : 400 réponses… Elle enfonce également des portes ouvertes lorsqu’elle déclare qu’il y a déjà beaucoup trop de corps… Qu’elle se rassure, le gouvernement ne créera pas de corps supplémentaire puisque sa politique consiste à les fusionner et à les rapprocher par familles de métiers comme nous l’avons expliqué le 19 août dernier dans l’article intitulé : Quid du statut des directeurs dans la réforme de la fonction publique ?
A noter que le SE-Unsa rompt le silence prudent qu’il s’était imposé sur la question du statut du directeur et déclare tout de go que « Les collègues ont beaucoup souffert ces deux dernières années de la pression des IEN, ce n’est pas le moment de leur imposer un chef supplémentaire. » Dont acte.
Le Sgen-CFDT, qui a ouvert « le débat longuement en interne » sur la « direction d’école », « le fonctionnement de l’école » et « la création des Epep », « communiquera prochainement sur le sujet », explique Joël Devoulon, secrétaire national. « Nous ne sommes pas hostiles à la mise en place d’un établissement public dans le premier degré, mais le précédent projet d’Epep transférait la responsabilité de l’école au maire sans régler les problèmes de gestion quotidiens », explique-t-il. Wait and see…
Rien de nouveau au SNUipp-FSU qui reste hostile à toute modification du statut de l’école et continue d’évoquer le « fonctionnement collectif de l’école ». Selon Gilles Moindrot, l’établissement public ne constitue pas « une solution en soi » aux problèmes de fonctionnement de l’école primaire, si ce n’est en matière de gestion financière. Au contraire, l’Epep risque d’accroître la pression administrative sur les directeurs d’école. La profession, « globalement hostile » à ce type de structure, demande « plus de temps » pour effectuer son travail. « Aujourd’hui, les relations entre les collectivités et les directeurs d’école se passent bien. »
Le SNUipp demande une « clarification des missions afin d’en tirer toutes les conséquences en termes de moyens, de décharges, le temps de formation et tout ce qui peut améliorer le fonctionnement collectif de l’école ».
Aux yeux du Snudi-FO, les Epep représentent un « danger de transfert de la compétence éducation de l’État aux collectivités locales », et, pour, les élèves des « inégalités de traitement ». « On le voit déjà avec les MDPH, en fonction du budget des conseils généraux, les différences de traitement sont très importantes », assure Norbert Trichard, secrétaire général du syndicat.
Le Snudi craint aussi que les enseignants du premier degré ne perdent leur statut de fonctionnaire d’État.
Pour lutter contre les difficultés des directeurs (multiplication des tâches annexes, surcharge de travail, relations avec des partenaires « imposés », etc.) le syndicat demande au ministère l’ouverture de négociations pour l’amélioration du temps de décharge des directeurs et la revalorisation des indemnités. Il est également favorable à la création de postes d'administratifs. « Pour l'instant, ces tâches administratives sont assurées par des EVS, pas formés et mal payés », conclut-il.
Bref, on le pressent, beaucoup d’eau va encore couler sous les ponts avant que les directeurs d’école ne soient reconnus par un statut professionnel.
D’abord parce que la proposition de loi visant à la création d’EPEP ne sera déposée que lorsque le ministre « sera prêt ». Le sera-t-il un jour ?
Ensuite parce que l’impopularité grandissante de l’exécutif n’est pas de nature à lui faire assumer de nouveaux risques sociaux.
Enfin parce que les syndicats affûtent leurs arguments et retardent ainsi le moment où le ministre « sera prêt » à entreprendre de telles réformes…
Certes, hormis le SNUipp, les syndicats ont évolué sur la notion d’établissement public du premier degré mais force est de constater qu’ils sont loin d’être favorables à un statut de directeur d’école…
Leurs positions de dialogue tiennent davantage du geste pour la forme que d’une réelle avancée vers la reconnaissance de notre métier…
Un pas en avant, deux pas en arrière ?