Il n’y a plus guère que pour la chute des feuilles qu’existent encore les saisons… Les rapports sur le malaise enseignant et sur le métier de directeur d’école fleurissent toute l’année. La semaine dernière, nous avons eu livraison du rapport « Debarbieux Fotinos » sur la « victimation » des enseignants. Cette semaine, nous devons à V. Bouysse et Y. Poncelet un nouveau rapport de l’Inspection générale qui traite, cette fois-ci, de « l’alourdissement des tâches » et du « ras-le-bol » des enseignants.
Deux rapports très intéressants mais qui confirment ce que d’autres, avant eux, avaient déjà mis en lumière. Les constats sont redondants faute de n’être jamais pris en compte.
Autre redondance dans chacun de ces multiples rapports : le petit couplet sur le métier de directeur d’école et la nécessité de le reconnaître par un statut.
Les missions du directeur, l’alourdissement de ses tâches, la multiplicité de ses relations avec les différents acteurs de l’école, la difficulté de remplir son rôle d’enseignant et de responsable d’établissement… tout est connu. Tout a été dit et écrit dans de nombreux rapports. Les ministres, l’Administration centrale, la hiérarchie, les syndicats… tous connaissent parfaitement les problèmes et même les solutions pour y remédier. Nul besoin d’un énième rapport.
D’ailleurs, force est de constater que directeurs d’école et inspecteurs généraux partagent un point commun : celui de travailler pour rien. Les premiers remplissent des tableaux, enquêtes et bilans aussi inutiles que les rapports écrits par les seconds.
Nous ne reviendrons pas sur les missions et tâches listées par ces deux rapports. Chacun les connaît parfaitement. Nous ne retiendrons du rapport que quelques éléments majeurs résumés par ce message adressé à la hiérarchie : « Laissez-nous tranquilles ! ». Une formule choc qui résume le « ras-le-bol » exprimé par 81% des enseignants et traduit autrement par « Moins de flicage de la part de la hiérarchie. Surtout moins de paperasse ».
« Il est temps d'accorder aux enseignants une véritable autonomie de l'école accompagnée des moyens de fonctionnement nécessaires », note E. Debarbieux. « Il faut supprimer l'aide personnalisée vomie par le personnel. Repenser les évaluations nationales. Donner du temps aux équipes pour qu'elles puissent fonctionner. Il faut un autre modèle de relations humaines... Le modèle pyramidal a vécu. Il est même considéré par les personnels des écoles comme une « violence institutionnelle ». La réflexion doit donc progresser – mais avec ces personnels – sur l’équilibre entre une autonomie réelle et un pilotage raisonnable et non bureaucratique de cette autonomie dans un cadre national. Le statut des directeurs, et leur mode de nomination, le rôle de coordination des IEN, la remise à plat des pratiques et des finalités de l’inspection pédagogique, l’importance de la recherche et de l’innovation pédagogiques dans les pratiques de classes sont des débats à mener sans a priori. Une première mesure serait un moratoire sur les enquêtes officielles.
La « paperasse » est devenue le symbole de la non-écoute de la part de la hiérarchie, et de la hiérarchie locale, elle-même sans doute coincée par les injonctions de « pilotage » du système ». Ce qui devrait aider à mieux diriger l’ensemble est perçu ni plus ni moins que comme une bureaucratie ubuesque et sans confiance pour sa base.
Un paragraphe sur les directeurs d’école a particulièrement retenu notre attention car il cite des chiffres qui ne semblent pas totalement en conformité avec ceux d’autres études.
Les directeurs se sentent pour beaucoup seuls et démunis, avec un statut et des fonctions peu claires. Aussi leur principale revendication porte soit sur un vrai statut de directeur – soit au moins sur une définition précise et une reconnaissance y compris salariale de leur métier – le terme métier est en effet employé par eux pour qualifier leur travail. Plusieurs injustices leur apparaissent criantes : le fait qu’à effectif parfois plus important ils n’ont pas ou peu d’aide de secrétariat comparés à leurs collègues de collège, que ces emplois sont précaires et donc souvent peu qualifiés. Il n’est donc pas étonnant que leur revendication n°1 porte sur un tel statut et de telles aides…. Qu’ils sont presque les seuls à réclamer.
Ainsi 30 % des directeurs avec décharge ou demie-décharge réclament un statut, contre 25% de ceux avec quart de décharge et 15% sans décharge, plus proches en cela des enseignants qui ne sont que 1,4% (et 1,2% en RASED) à évoquer le problème, plusieurs fois d‘ailleurs, en exprimant la peur de voir les directeurs se transformer à leur tour en « petits chefs ». Le fait que seuls ou presque les directeurs évoquent le problème du secrétariat ne signifie pas pour nous qu’ils se désintéressent de la pédagogie, mais témoigne de la bureaucratisation de la fonction, ce que beaucoup regrettent. Cela témoigne aussi d’une coupure avec leurs adjoints qui ne prennent pas en compte leurs difficultés.
Cela pose bien sûr tout le problème de l’autonomie, de la répartition des pouvoirs dans les écoles, mais aussi de la nomination des directeurs.
Il est anormal qu’à effectif parfois égal les directeurs du premier degré ne bénéficient pas des aides dont bénéficient leurs collègues du second degré, chefs d’établissements.
Si l’on s’en tient à cette étude, seule une minorité de directeurs réclament un statut. Voilà qui ne correspond pas du tout aux résultats de l’enquête réalisée en 2006 par l’Ifop à la demande du GDiD et qui montrait que 93% des directeurs se déclaraient favorables à un statut.
Il va de soi que nous accorderons davantage de crédibilité à l’institut de sondages dont c’est le métier de procéder à ces enquêtes.
Du second rapport qui détaille, lui aussi, les multiples charges du directeur d’école, nous ne retiendrons que les préconisations pour l’unité-école.
Revoir les critères d’attribution des avantages accordés aux directeurs d’école, instaurer la fonction de coordinateur de cycle
À ce niveau, c’est aussi un traitement plus global du sujet qui serait indiqué avant d’envisager des évolutions de fond : le statut de l’école et celui du directeur sont en jeu certes, mais aussi le modèle d’école primaire souhaité à l’heure du socle commun. La multiplicité des toutes petites écoles rend difficiles certains aménagements, la séparation entre maternelle et élémentaire pèse sur la continuité des apprentissages de base, la relation entre école et collège est aussi un sujet de préoccupations. Cette approche globale indispensable dépasse l’objet de la mission ; aussi se limite-t-on ici à deux aspects très partiels.
Sans mettre en cause leur statut, il apparaît que l’ampleur de la tâche des directeurs est fort différente selon les contextes : la définition standard du régime des décharges, même s’il y a un traitement particulier en réseau ÉCLAIR, et de celui des indemnités, mériterait donc quelques assouplissements. Tout est calculé en fonction du nombre de classes alors que ce n’est pas le seul paramètre pertinent : d’autres seraient à considérer tels que la présence d’une classe pour l’inclusion scolaire voire d’une classe d’initiation, ou une proportion élevée d’élèves à forts besoins scolaires et culturels (on connaît des écoles en réseau de réussite scolaire ou même hors tout réseau d’éducation prioritaire qui accueillent une population en grande difficulté) ou bien encore la dispersion des unités qui composent l’école quand celle-ci est constituée d’un regroupement pédagogique intercommunal.
Enfin, dans les écoles au nombre de classes important, supérieur à dix pour une école élémentaire et supérieur à douze pour une école primaire, il serait intéressant d’expérimenter la fonction de « coordinateur de cycle ». La réglementation actuelle précise que le conseil de cycle est « présidé par un membre choisi en son sein » ; ce fonctionnement est souvent trop peu formalisé et le recours au directeur est la situation la plus fréquente. À ce coordinateur seraient dévolus l’animation et le suivi des travaux du conseil de cycle ; une indemnité pourrait lui être accordée.
Qu’il s’agisse du directeur ou du coordinateur du conseil de cycle, des formations spécifiques ou des informations particulières devraient leur être destinées afin que l’animation de la vie de l’école et celle des travaux pédagogiques au sein des cycles soient plus efficaces. Dans cette perspective, le développement de l’évaluation d’école peut être un utile point d’appui si cette évaluation est conduite en sollicitant l’implication de toute l’équipe pédagogique.
Nous ne pouvons qu’être dubitatifs sur la proposition contenue dans ce rapport et qui consiste à créer des « coordinateur de cycles ». Ne risquerait-on pas d’aboutir à une sorte de direction « bicéphale » qui pourrait, dans certains cas, être préjudiciable au bon fonctionnement de l’école. Il nous semble plus opportun de donner véritablement les moyens au directeur de faire « tourner » son école au mieux tant sur le plan administratif que pédagogique. Cette préconisation est d’ailleurs vouée à retrouver la poussière de placards dorés tant il est évident que le ministère n’a déjà pas la volonté de mieux rémunérer ses directeurs d’école.
Face à la multiplication de ces enquêtes sur les directeurs d’école et parce que la situation financière du pays est à ce point dégradée, nous nous permettons de faire une proposition au ministre.
En effet, l’expérience montre que tous ces rapports n’ont d’autre vocation que d’être vite refermés, puis d‘aller rejoindre sur des étagères poussiéreuses les précédents en attendant les suivants.
Nous savons également qu’ils se révèlent souvent inutiles puisque jamais aucune de leurs propositions n’est retenue et mise en application.
Aussi, nous suggérons de cesser ce travail de recherche. De belles économies peuvent être faites : postes d’inspecteurs généraux, petites mains pour transcrire ces nombreuses pages, frais d’impression et de diffusion…
Bref des moyens facilement récupérables pour améliorer sensiblement la vie quotidienne des directeurs d’école… et donner un signe fort au slogan « le changement, c’est maintenant »…