La 9ème édition du Salon de l’éducation 2007 s’est déroulée du 22 au 25 novembre à la Porte de Versailles à Paris. Ce grand rendez-vous annuel s’adresse à tous les acteurs de l’éducation, aux usagers du système éducatif et, d’une manière générale, à l’ensemble de la société, au grand public.
Parmi les grands chantiers du système éducatif présentés à travers des pôles thématiques, une table ronde ayant pour thème : « Innovations, expérimentations pédagogiques et syndicalisme» a retenu notre attention. Elle réunissait Luc Bérille du Se-Unsa et des militants des mouvements pédagogiques : JF Boulagnon (Fespi), JC Guérin (collèges Cohn-Bendit), Philippe Goémé (lycée intégral de Paris).
"L'Ecole est-elle condamnée à l'immobilisme ? Les défenseurs de ses valeurs bloquent-ils toute évolution ? C'est qu'en effet, pour les innovateurs, la défense des acquis c'est le maintien d'un système périmé. Ainsi JC Guérin a beau jeu de montrer que défendre le statut du professeur revient à prolonger un système scolaire qu'il qualifie de "jésuito-napoléono-fordiste", système où l'enseignant vient déverser sur les élèves un savoir émietté au rythme d'une heure par discipline. Si l'on veut que les enseignants prennent en charge vraiment l'éducation des élèves, il faut faire évoluer le statut pour intégrer dans le service des enseignants du temps d'accompagnement éducatif. Philippe Goémé cite un autre exemple : le fonctionnement des équipes suppose une autre procédure de mouvement que celle qui est contrôlée par les syndicats.
Défendre l'esprit des statuts plutôt que la lettre : c'est en résumé ce que Luc Bérille a pu proposer. Partout où les statuts sont dépassés, il faudra en garder l'esprit en acceptant les évolutions. Ainsi le service des enseignants doit s'adapter aux nouveaux publics scolaires. Une remarque qui a tout son poids au moment où travaille la commission Pochard.
Alors la droite est-elle en train de réussir la grande innovation inaccessible jusque là ? C'est oublier les ambiguïtés du changement proposé par le gouvernement. Ainsi l'autonomie des établissement, imposée sous contrôle d'en haut, s'oppose à celle des équipes pédagogiques. Elle est liée en fait au renforcement de la mission du chef d'établissement. L'autonomie est également associée à la mise en concurrence des établissements, un système qui est à l'opposé des valeurs d'entraide des innovateurs. L'école, les syndicats et le changement : oui, mais pas n'importe quel changement…"
Concernant les travaux sur l’évolution du métier d’enseignant, le SNUipp vient de rendre publiques les propositions qu’il a faites lors de son audition par la commission Pochard.
« Pour le SNUipp, redéfinir la condition enseignante ne peut se concevoir sans chercher à améliorer les résultats de l’école et sans lui donner un nouvel élan, tout particulièrement en direction des élèves qui rencontrent le plus de difficultés. C’est dans ce sens qu’il formulera de multiples propositions. Il est également nécessaire aux yeux de la société, des familles et des élèves de revaloriser le métier d’enseignant en maternelle et en élémentaire. Celui-ci, comme l’indique un sondage CSA, est de plus en plus dévalorisé dans l’opinion publique : 44 % des français estiment qu’il est plutôt valorisé et 45 % dévalorisé. Une revalorisation du métier et des conditions de rémunération s’impose donc ».
Le SNUipp réclame du temps pour permettre aux équipes enseignantes de travailler ensemble. « La mise en place de la 27 ème heure avait constitué une première avancée dans le sens de cette reconnaissance. Le temps de service des enseignants des écoles (en 2007/2008) est composé de 26 heures d’enseignement par semaine et d’une heure (globalisée en 36 heures sur l’année) consacrée aux conseils des maîtres, aux animations pédagogiques et aux conseils d’école.
Tous les enseignants disent que la question du temps de travail est devenue incontournable. Nous proposons d’augmenter, en passant à 3 heures, la part du temps consacré à la réflexion collective, au temps de travail en équipe ».
Le SNUipp évoque ensuite le stress et l’inquiétude des enseignants qui doivent faire face aux profondes transformations qui ont marqué le système éducatif depuis les années 90. Les sollicitations de plus en plus nombreuses : «Le fonctionnement de l’école s’est également considérablement transformé. La mise en place des cycles, des projets d’école, des liaisons mat/CP et CM2/6ème, les relations avec les parents d’élèves, mais aussi la scolarisation des élèves en situation de handicap, celle des primo arrivants, le développement des TICE, de l’enseignement des langues vivantes ou encore l’organisation des évaluations nationales sont intervenus dans un contexte de stabilité des moyens (hausse légère du rapport entre le nombre de postes et le nombre d’élèves jusqu’en 2002, puis baisse). Le développement de la pédagogie différenciée ou la mise en place des PPRE et des PAI induit une organisation et un fonctionnement de l’école plus complexe pour chaque enseignant du premier degré : cela se traduit par une augmentation générale de la charge de travail. Au-delà d’un bilan qui pourrait être effectué pour chaque point, le principal enseignement qui se dégage de ces multiples évolutions, c’est la demande de temps pour préparer, se rencontrer, mettre au point, assurer et évaluer le suivi de dispositifs efficaces pour les élèves.
La reconnaissance de cet empilement des tâches ne s’est effectuée ni par une réduction du temps de travail, ni par la mise en place de bonifications ou d’indemnité. La charge de travail s’est considérablement alourdie, l’horaire de 27 heures semaine auquel s’ajoutent préparations, corrections et réunions est le plus élevé des enseignants. Le SNUipp revendique son abaissement à 24h dans une première étape ainsi que la création d’une bonification ou d’une prime de suivi des élèves pour les enseignants des écoles comme c’est le cas dans le second degré ».
Il est vrai que le métier s’est considérablement transformé en quelques décennies. Il est exact de dire que les charges de travail induites par ces bouleversements touchent tous les enseignants. Mais que dire alors des directeurs d’école qui subissent doublement ces pressions de la société : en tant qu’enseignant mais aussi et surtout en tant que « chargé de la direction » puisqu’ils ont à impulser tous ces changements au sein de leur école. Ne sont-ils pas les premiers submergés et concernés par « l’empilement des tâches » dont parle le SNUipp ?
Or, que penser d’un syndicat qui n’utilise pas une seule fois le vocable « directeur » dans ses propositions sur l’évolution du métier d’enseignant ? Comment un syndicat qui fait un constat aussi juste des conditions de travail des enseignants peut-il "oublier" une catégorie de personnels, celle la plus touchée par cet "empilement des tâches" ? Oubli ou volonté délibérée ?