« C’est lourd de mettre en place un projet commun. Pour avoir participé ce matin à une commission sur la direction d’école, on voit qu’on va au cœur des choses ». Cette déclaration de l’un des participants du SE-Unsa au congrès de Brest 2010, on peut la lire page 31, dans la revue « l’enseignant ». Mais traduit-elle une réalité ?
Le doute est permis lorsqu’on lit le compte rendu qui est fait de ce congrès. La place des directeurs y est réduite à la portion congrue.
Page 28, rubrique « les conditions de travail au cœur des débats ». Un paragraphe concerne les directeurs d’école :
« L’évolution du métier doit être reconnue ainsi que la charge de travail et les missions spécifiques. Par exemple, le congrès a acté le principe de la dissociation des missions de direction et d’enseignement dans les écoles de 7 classes et plus. Dans ce cadre, les directrices et directeurs seraient déchargés de la responsabilité de classe en conservant, pour les écoles de 7 à 10 classes, des heures auprès des élèves en lien avec le projet d’école. »
Aucune allusion à une demande de statut pour les directeurs d’école. Aucune référence à l’enquête initiée par le SE-Unsa en octobre 2009.
Page 25, rubrique « pour une école juste ». Le SE-Unsa dit non aux EPEP et précise ses exigences.
« Le SE-Unsa ne veut pas des EPEP, il l’a affirmé sans détours dans son congrès. Alors que le premier ministre vient de placer à nouveau le dossier à l’ordre du jour en chargeant F. Reiss d’une mission sur le sujet, le SE-Unsa devait sortir de son congrès avec des exigences claires.
C’est chose faite
1- Tout projet de modification de l’organisation de l’organisation de l’école devra poursuivre des objectifs pédagogiques pour permettre aux enseignants de mieux exercer leurs missions.
2- Il devra garantir l’indépendance du projet pédagogique et maintenir des structures de taille raisonnable et un maillage territorial de proximité.
3- Les taux d’encadrement devront être maintenus sur trois ans et les écoles pourront choisir, après un bilan, de revenir à la situation antérieure.
4- La direction de l’école doit rester à un enseignant qui ne sera pas un supérieur hiérarchique.
C’est en fonction de ces exigences que le SE-Unsa jugera des projets à venir. »
On le voit, le bilan du congrès est maigre pour les directeurs d’école. Le compte rendu ne relate rien des débats parfois vifs qui ont agité les représentants des enseignants durant ces trois journées (cf notre article du 26 mars).
Côté ministère, la direction d’école est-elle davantage au cœur de ses préoccupations ? Pour en avoir une idée un peu plus précise, il faut se reporter à la réponse ministérielle faite à une question écrite posée par un député.
Question posée par M. Dupré Jean-Paul (Aude - Socialiste, radical, citoyen et divers gauche) (publiée au JO le 29/12/2009)
M. Jean-Paul Dupré attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur les difficultés croissantes auxquelles se heurtent les directeurs d'école pour assurer pleinement la multiplicité des tâches qui leur incombent. Animateur d'une équipe pédagogique, lui-même en charge d'une classe, le directeur d'école a vu sa fonction évoluer ces dernières années vers de nouveaux champs de compétence : tâches administratives de plus en plus lourdes, gestion, relations avec les collectivités territoriales, avec les familles, avec les associations... Malgré la passion de leur métier, leur bonne volonté et leur talent, nombre de directeurs sont aujourd'hui gagnés par la lassitude et l'exaspération. Il résulte de cette situation une pénurie de candidatures aux fonctions de directeur. Ainsi, dans l'Aude, de nombreux postes ne sont pas pourvus ou sont confiés à de jeunes enseignants fortement handicapés par le manque d'expérience. Cette situation paraît avoir pour principale cause l'inadéquation qui existe entre les quotités de décharges de service dont bénéficient les directeurs d'école et la multiplicité des tâches liées désormais à leur fonction. D'où la nécessité qu'il y aurait, d'une part, d'améliorer les décharges dont bénéficient les directeurs d'école et, d'autre part, d'augmenter les moyens mis en œuvre en matière d'aide à la direction. Il lui demande si, comme cela est absolument indispensable, il compte prendre des mesures en ce sens.
Réponse du ministre de l’Éducation nationale (parue au JO le 06/04/2010)
Les fonctions de directeur d'école sont définies par le décret n° 89-122 du 24 février 1989. L'entrée en vigueur de ce décret a constitué une véritable reconnaissance de ces fonctions qui étaient jusqu'alors régies par plusieurs textes (décret n° 87-53 du 2 février 1987 relatif aux fonctions, à la nomination et à l'avancement des maîtres et décret n° 84-182 du 8 mars 1984 relatif aux directeurs d'école maternelle et d'école élémentaire). Les missions pédagogiques et administratives du directeur d'école sont développées à l'article 2 du décret du 24 février 1989 précité. Il doit veiller à la bonne marche de l'école et au respect de la réglementation qui lui est applicable. Il répartit les moyens d'enseignement et les élèves après avis du conseil des maîtres qu'il préside. Il lui incombe notamment, après avis du conseil des maîtres, d'arrêter le service des instituteurs et des professeurs des écoles. Il organise également les élections des représentants des parents d'élèves au conseil d'école qu'il réunit et préside. Il représente l'institution auprès de la commune et des autres collectivités territoriales. Le directeur d'école doit prendre toutes les dispositions utiles pour que l'école assure sa fonction de service public, il organise l'accueil et la surveillance des élèves et le dialogue avec leurs familles. Il fixe les modalités d'utilisation des locaux scolaires et organise le travail des personnels communaux en service à l'école. Par ailleurs, la charge de travail inhérente aux fonctions de directeur d'école a été reconnue à plusieurs reprises. Le protocole de mesures pour les directeurs d'école du 10 mai 2006 a fait évoluer le dispositif de décharges d'enseignement permettant d'améliorer sensiblement les conditions d'exercice de ces derniers. La note de service du 20 juin 2006 a étendu aux directeurs d'école de quatre classes le bénéfice d'une décharge d'enseignement d'une journée par semaine et une décharge dite de rentrée scolaire de deux jours fractionnables a été instituée pour les directeurs d'école non déchargés, dans les quinze premiers jours de la rentrée scolaire. Depuis la rentrée 2006, les directeurs d'école qui le souhaitent peuvent se faire aider par des emplois de vie scolaire qui ont pour mission de les assister dans leurs fonctions. La modification des obligations réglementaires de service des enseignants du premier degré à la rentrée 2008 avec la mise en place de l'aide personnalisée pour les élèves en difficulté a impliqué de nouvelles responsabilités pour les directeurs d'école. Ils ont pour mission d'organiser et de coordonner les heures d'aide personnalisée. Ces nouvelles missions ont été compensées par l'octroi d'un allégement de service sur les heures d'aide personnalisée que comporte leur service d'enseignement. Sur le plan indemnitaire, la reconnaissance des fonctions de directeur d'école s'est traduite par une revalorisation de l'indemnité de sujétions spéciales (ISS). Les directeurs d'écoles percevaient auparavant une indemnité annuelle de 1295,62 EUR. L'arrêté du 12 septembre 2008 dispose désormais qu'ils bénéficient également d'une part complémentaire d'ISS versée en une seule fois au cours du premier trimestre de l'année scolaire. Le taux de cette part complémentaire est de 200 EUR pour les directeurs des écoles et établissements spécialisés comptant de une à quatre classes, de 400 EUR pour les directeurs des écoles et établissements spécialisés comptant de cinq à neuf classes et de 600 EUR pour les directeurs des écoles et établissements spécialisés comptant dix classes et plus. Enfin les directeurs d'école bénéficient d'une bonification indiciaire de trois à quarante points majorés, qui représente un montant variant de 165 EUR à 2 200 EUR annuels selon le nombre de classes de l'école, ainsi qu'une nouvelle bonification indiciaire de huit points, soit 440 EUR. Ces mesures qui permettent d'améliorer leurs conditions de travail sont justifiées par le rôle essentiel joué par les directeurs d'école dans l'enseignement primaire. Par ailleurs, c'est dans le cadre d'une réflexion plus large sur le statut juridique des écoles que la fonction de directeur d'école pourra éventuellement être redéfinie.
Cette longue réponse ne nous apprend rien. Sauf qu’elle semble faire du directeur un privilégié qui n’a cessé de voir sa situation s’améliorer depuis quelques années (revalorisation, aide administrative, décharge…). Seul, le mot « éventuellement » est à retenir. Autant dire que la redéfinition de la « fonction de directeur d’école » n’est pas chose acquise…
Un congrès syndical sans décision majeure, une réponse ministérielle qui n’en est pas une… Pas de quoi réjouir les directeurs d’école dont le métier ne semble pas être, loin s’en faut, au… cœur des préoccupations des décideurs et de ceux censés les défendre.