L'un de nos collègues de Bordeaux nous fait part de sa réflexion concernant le "statut d'emploi". Il ajoute que ce n'est qu'une fiction et précise qu'il souhaite que la réalité ne dépasse pas, un jour, la fiction.
Nous reproduisons son mail dans son intégralité.
"Bonjour collègues directeurs en lutte.
Le statut d'emploi que vous décrivez (textes à l'appui), et que veut élaborer le ministère, ne me fait pas peur. Je ne le crains pas parce qu'il ne changera rien à la réalité de mon métier tel que je le pratique quotidiennement. Je suis directeur d'une école à 6 classes. Demain, comme aujourd'hui, je devrai trouver le temps de tout gérer : ma classe, mon travail administratif, mes relations avec les collègues, les parents, mon IEN, les élus de ma ville, le personnel de service, les services techniques, la cantine, l'étude, le médecin scolaire, les représentants des éditeurs, les sorties scolaires, les spectacles, les réunions diverses (conseils de maîtres, de cycles, d'école), les évaluations, les PPRE, les PPS, les passages de classes, les orientations en 6ème... Tout cela avec un quart de décharge ! Si je suis optimiste, j'aurai de quoi m'acheter un timbre pour le courrier jusqu'à 50 g comme vous le dîtes sur votre blog.
Ce statut ne m'apportera rien de plus ! La belle affaire que je sois nommé sur un "emploi fonctionnel" ! Je considère que je le suis déjà.
A mesure que je réfléchis au "coup du statut d'emploi", je me dis que le ministre, involontairement je le lui accorde, va rendre un grand service à l'un de nos syndicats qui verra sa principale revendication satisfaite sans avoir à batailler. Je m'explique...
Si, comme je le pense, le "statut d'emploi" n'apporte rien de nouveau aux directeurs dans la gestion quotidienne de leur école, s'il n'apporte aucune solution à leurs problèmes, si son intérêt n'est pas perçu comme un remède au malaise de la profession, alors cette "réforme" apparaîtra comme un leurre.
Que penseront les 93 % de collègues qui ont répondu à l'Ifop ? Qu'on les a, une fois de plus, bernés. Et comme ils savent que le ministère ne va pas indéfiniment se pencher sur les conditions de travail des directeurs et rouvrir des discussions tous les six mois, ils sauront qu'on en a pris pour 10 ans avant de remettre le dossier sur la table ! La grève administative pendant des années, le protocole, le blocage, les groupes de travail... "Tout ça pour ça !" diront-ils et ils ajouteront "tout ça pour ça, mais sans moi !".
Il est probable que nous assisterons à un abandon sans précédent des postes de direction. Qui acceptera encore de devenir directeur, dans ces conditions-là ? A chaque rentrée, ce sont des milliers de postes que l'administration devra combler. Impossible !
Deux solutions pour le gouvernement, quel qu'il soit :
Ou donner de véritables moyens aux directeurs (statut de corps, revalorisation conséquente, aide administrative, décharges...), mais le budget de la nation ne le permettra pas.
Ou supprimer la fonction de directeur et la remplacer par un conseil des maîtres décisionnaire et/ou une direction collégiale tournante...
Cette seconde solution aurait la préférence du ministre du budget et celle d'un ... certain syndicat.
Chers collègues directeurs en lutte, je vous livre ma réflexion. Je me demande si je dois y croire moi-même tant elle me semble être du domaine de la fiction. Je souhaite bien évidemment, vous l'aurez compris, que la réalité ne rattrape jamais la fiction..."
Nous avons tenu à mettre en ligne, dans sa totalité, la contribution de notre collègue Luc. En effet, au-delà du ton plaisant, ce récit incite à la réflexion. Et si la fiction était en train de rattraper la réalité ?