La Cour des comptes publie un rapport thématique intitulé « Les communes et l’école de la République » le 16 décembre 2008.
Ce rapport a été élaboré par un comité rédactionnel et par un comité de pilotage, à partir des enquêtes effectuées par la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes.
Nous avons décidé d’en publier de larges extraits dans nos colonnes. Notamment ceux qui traitent de l’EPEP et du statut du directeur d’école.
« Une expérimentation inaboutie : l’EPEP »
La Cour dresse le constat de « l’expérience inaboutie de l’établissement public d’enseignement primaire – EPEP » : l’absence de publication du décret d’application déterminant les règles d’organisation et de fonctionnement de l’EPEP n’a pas permis d’engager des expérimentations et la conduit « à se demander si l’EPEP est toujours d’actualité ».
Il est vrai que depuis de nombreuses années, on assiste à un développement de l’intercommunalité alors que l’organisation des écoles évolue peu.
Il faut cependant noter l’augmentation régulière du nombre de RPI (regroupement pédagogique intercommunal), ainsi que la proposition de loi sur les EPEP qui devrait permettre de faire évoluer la situation actuelle des écoles d’au moins 15 classes.
En effet, une proposition de loi relative à la création des EPEP a été déposée le 25 septembre 2008 et devrait être examinée au cours du premier trimestre 2009. Cette proposition a pour but de relancer la mise en place de ces établissements dont l’expérimentation était prévue dans la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.
Ce projet prévoit la création d’EPEP à partir de 15 classes, et facultative à partir de 13 classes. Les collectivités territoriales auraient également la possibilité de regrouper plusieurs écoles pour permettre la création d’un EPEP.
Ces EPEP seraient dotés d’une autonomie juridique et financière et seraient dirigés par un directeur, qui deviendrait le représentant de l’Etat à l’école et l’interlocuteur unique des collectivités territoriales. La mise en place de ces établissements implique donc nécessairement de réfléchir au statut de ces directeurs d’EPEP notamment par rapport à celui de directeur d’école.
Le décret d’application, sur lequel un avis positif a été rendu par le Conseil d’Etat, n’était pas encore publié lors de la rédaction du présent rapport. L’EPEP soulève, en effet, de nombreuses questions relatives au statut de l'école primaire et à celui de ses directeurs, qui ont entraîné des réactions réservées. L’absence d’un lien clairement établi entre les principaux problèmes de l’enseignement du premier degré et les caractéristiques du statut actuel de l'école a été évoquée pour mettre en doute l’intérêt de ce nouveau cadre juridique, de même que l’existence d’autres dispositifs qui permettent d’ores et déjà une organisation spécifique des écoles sans formalisation juridique nouvelle, que ce soit en zone rurale, avec les écoles intercommunales, les regroupements pédagogiques intercommunaux (RPI) ou les réseaux d'écoles (RRE), ou bien en zone urbaine, avec les réseaux ambition-réussite.
L’absence de publication du décret d’application ne permet pas d’engager des expérimentations. Elle conduit même à se demander si l’EPEP est toujours d’actualité.
Les caisses des écoles ont une « utilité juridique », dans la mesure où les écoles ne disposent pas de la personnalité morale.
La question se poserait en d’autres termes, si l’établissement public d’enseignement primaire (EPEP) voyait le jour. Cette nouvelle entité, disposant de la personnalité morale, deviendrait le porteur juridique de l’ensemble des projets et actions actuellement poursuivis par les caisses des écoles.
« Les conditions d’exercice de la fonction de directeur d’école »
Le cadre de gestion dans lequel s’insèrent les relations entre la commune et ses écoles pourrait être amélioré. La fonction de directeur d’école est aujourd’hui considérée comme peu attractive alors qu’elle recouvre l’exercice d’une responsabilité essentielle pour le bon fonctionnement de l’école et constitue un lien indispensable permettant d’articuler les préoccupations pédagogiques qui sont de la compétence exclusive des enseignants et les questions administratives qui relèvent d’un domaine partagé avec les autorités communales. Cette fonction de direction gagnerait à être redéfinie.
Aussi est-il recommandé : aux services de l’Etat concernés de favoriser une résorption des disparités constatées, notamment :
Ø en redéfinissant la fonction de directeur d’école pour que celle-ci soit en adéquation avec les responsabilités administratives qui résultent de la mise en œuvre d’une politique publique partagée impliquant des actions diversifiées.
Ø La fonction de directeur d’école doit en conséquence être redéfinie et mieux organisée dans un cadre institutionnel rénové.
Rappelant l’accroissement et la diversification des tâches et des responsabilités des directeurs d’école, la Cour formule un double constat :
Ø le régime des décharges de service mobilise des moyens importants et laisse encore [4 directeurs d’école sur 10] à l’écart de l’attribution de décharges spécifiques ;
Ø le nombre de postes vacants illustre la nette désaffectation pour cette fonction.
A - Les conditions d’exercice de la fonction de directeur d’école
1 - L’extension des charges et responsabilités des directeurs
La charge de travail et les responsabilités des directeurs d'écoles se sont considérablement accrues au cours des 10 dernières années : le directeur d’école doit non seulement assurer la coordination entre les enseignants, diffuser les instructions, les objectifs et les programmes officiels, gérer l'accueil et la sécurité des élèves, mais il est également l'interlocuteur des parents, du maire, des associations périscolaires ou des aides-éducateurs. Il a donc besoin de temps pour assumer ces tâches importantes dans la vie de l’école.
Les tâches et responsabilités du directeur d’école sont diverses et mériteraient d’être mieux définies. Ce constat a suscité de nombreuses propositions visant à conforter son rôle. Ainsi le rapport de la commission Fauroux a proposé de lui attribuer un statut de chef d’établissement.
Par la suite, le rapport Pair a repris cette suggestion, et a proposé de créer un établissement public d’enseignement du premier degré ayant pour vocation de rassembler les écoles relevant du secteur d’un même collège. Enfin, le rapport Ferrier a proposé de « conforter les directeurs d’écoles dans leurs attributions et d’améliorer leur situation en matière de décharges d’enseignement ».
La volonté affichée d’accorder des décharges aux enseignants acceptant d’assurer les fonctions de directeur d’école se traduit, en pratique, par l’affectation de moyens importants.
2 - L’extension des décharges d’enseignement
La direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) a ainsi indiqué que 8 996 emplois (soit 2,9 % de l’effectif total des corps d’enseignants) étaient affectés à la rentrée 2005 aux décharges de directeurs d’école. De 2001 à 2005, 1 195 emplois supplémentaires, soit 27 % des emplois créés, ont été implantés au titre de l’encadrement des établissements scolaires.
Par ailleurs, dans les zones d’éducation prioritaire, les régimes de décharges sont plus favorables que sur le reste du territoire : le surcoût correspondant est estimé par la DGESCO à 500 emplois environ.
Enfin, par une note de service n°2006-104 du 21 juin 2006, une extension du régime actuel des décharges a été décidée en faveur des directeurs des écoles de quatre classes, ce qui a augmenté encore les moyens affectés à cette politique : le coût de cette attribution d’un quart de décharge aux directeurs d’écoles de quatre classes est évalué à 1 700 emplois. Cette réforme laisse toutefois encore à l’écart de l’attribution de décharges spécifiques environ 42 % des directeurs d’école primaire. Il s’agit pour l’essentiel de directeurs de petits établissements.
Cette question des décharges est d’autant plus sensible qu’une nette désaffection pour la fonction de directeur d’école se manifeste depuis plusieurs années.
De ce fait, bon nombre d’établissements scolaires demeurent dépourvus d’encadrement. La DGESCO a ainsi indiqué à la Cour que les postes de direction étaient vacants dans 4 196 écoles à la rentrée 2005, même si les fonctions correspondantes étaient généralement assurées par un enseignant chargé de l’intérim pour la durée de l’année scolaire. Parmi celles-ci, 2 913 étaient des écoles de deux à quatre classes, 1 168 des écoles de cinq à neuf classes et 195 des écoles de 10 classes et plus. En définitive, la DGESCO constatait que 69,4 % des postes de direction étaient vacants dans les écoles de deux à quatre classes, ce qui est considérable.
Paris : un cas particulier
La ville de Paris consent un important effort budgétaire en faveur des directeurs d’écoles. Le recteur de l’académie de Paris indique à cet égard qu’ « une des raisons qui expliquent le financement complémentaire de la part de la Ville de Paris est la part prise par les directeurs à des tâches administratives qu’ils accomplissent dans certains cas pour la commune (décompte des effectifs, service de cantine, service d’études, collecte des participations des parents) ».
L’intervention de la ville de Paris a donc pour résultat que tous les directeurs d’école parisiens bénéficient d’au moins une demi-décharge, quelle que soit la taille de leur école.
B – La désaffection pour la fonction de directeur d’école
S’agissant des directions vacantes, il faut tout d’abord préciser que sont appelés « vacants » les emplois de direction pourvus au titre de l'année scolaire à titre provisoire par des enseignants du premier degré non inscrits sur la liste d'aptitude à l'emploi de directeur d'école ou non nommés à titre définitif selon les dispositifs du décret n° 89-122 du 24 février 1989. Il n’y a donc pas absence d’exercice de fonctions. Ces « vacances » donnent lieu à une nomination d'un enseignant chargé de l'intérim pour la durée de l'année scolaire.
Le nombre d'emplois de directeur d'école maternelle et élémentaire de deux classes et plus, hors écoles spécialisées et hors écoles d’application, ainsi occupés à titre provisoire, a décru depuis 1999.
sept-08 | sept-07 | sept-06 | sept-05 | sept-04 |
3218 | 3564 | 3900 | 4196 | 4443 |
|
|
|
|
|
sept-03 | sept-02 | sept-01 | sept-00 | sept-99 |
4675 | 4557 | 4536 | 4505 | 4105 |
En 2007, les « vacances » représentaient 8 % du nombre des directions ordinaires. L’ensemble des mesures prises en faveur des directeurs d’école depuis 2002 (conditions d’accès, revalorisation indemnitaire et indiciaire) a eu un impact positif sur la situation de la direction d’école.
Les directeurs d’école bénéficient au cours du premier trimestre de l’année scolaire 2008-2009 d’une revalorisation de l’indemnité de sujétions spéciales (ISS) qui était de 1295 euros depuis janvier 2007. Ils vont percevoir une part complémentaire d’ISS versée en une seule fois. Le taux de cette part complémentaire est de 200 € pour les directeurs des écoles comptant de une à quatre classes, de 400 € pour les directeurs des écoles comptant de cinq à neuf classes et de 600 € pour les directeurs des écoles comptant dix classes et plus.
La Cour recommande de redéfinir la fonction de directeur d’école, qui recouvre l’exercice d’une responsabilité essentielle pour le bon fonctionnement de l’école et constitue un lien indispensable permettant d’articuler les préoccupations pédagogiques et les questions administratives.
---------------------------------------------------------
Ce rapport de la Cour des Comptes, pour important qu’il soit, n’est qu’un rapport de plus sur le fonctionnement des écoles et la situation de leurs directeurs.
A peine remis au ministre, ne risque-t-il pas de se retrouver très vite aux côtés des nombreux autres rapports qui s’entassent dans les armoires du ministère ?
Il y a tout lieu de le penser pour plusieurs raisons :
- L’affaiblissement du ministre est tel qu’il a perdu la maîtrise de la communication, élément essentiel dans la mise en place de réformes
- X. Darcos a marqué un certain nombre de reculs importants sur diverses réformes qu’il présentait comme capitales à ses yeux
Enfin, s’agissant particulièrement des EPEP, Claude Thélot, Inspecteur Général de l’Education Nationale, a déclaré que « chacun sait qu’il faut transformer les écoles primaires en établissements publics mais cela ne se fera pas car les syndicats enseignants y sont opposés ».
X. Darcos a récemment fait comprendre que, « nonobstant la proposition de loi émanant d’un groupe de trois députés, il n’ouvrirait pas ce dossier ». (cf notre article « X. Darcos : après les annonces, les reculs).
Et comme le déclare très justement Luc Ferry, dans le Figaro : « Malheureusement quand on reporte une réforme, ça signifie en langage politique qu'elle est enterrée ».