Une grande « révolution » est annoncée dans l’organisation et la gestion de la fonction publique. En effet, La France a décidé de « moderniser » sa fonction publique, et c’est un grand changement par rapport à la donne du début des années quatre-vingt (le statut actuel date de 1983-1984), cette modernisation devra s’opérer dans un cadre européen.
Cette réforme d’une ampleur sans précédent devrait nous concerner au premier chef. Réclamant avec insistance un statut particulier, nous souhaitons naturellement que cette reconnaissance aille jusqu’à la création d’un corps de directeurs d’école. Or, la réforme envisagée va, non seulement à l’encontre de la création de nouveaux statuts mais elle s’inscrit dans la refonte des statuts existants.
Quelques rappels utiles…
LE STATUT ET LA CARRIÈRE DES FONCTIONNAIRES
Du point de vue juridique, les fonctionnaires se distinguent des autres salariés par le fait que les différentes étapes de leur carrière professionnelle relèvent de règles spéciales, dérogeant au droit du travail, et fixées par le statut de la fonction publique.
Cette association des métiers du service public et d’un statut dérogatoire est solidement ancrée dans notre histoire, puisque, dès avant la Révolution jusqu’à l’arrivée au pouvoir de la gauche en 1981, la Loi n’a cessé de faire évoluer les textes qui régissent les fonctionnaires.
La singularité de la situation des fonctionnaires par rapport aux autres salariés tient donc à la fois aux règles spécifiques qui leur sont applicables et au fait que ces règles ne sont pas fixées par un contrat mais prévues par la loi ou par des actes réglementaires. La prééminence de la loi dans la fixation du droit applicable aux fonctionnaires résulte d’ailleurs de la Constitution elle-même, qui prévoit que « la loi fixe les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l’État ». Les fonctionnaires ne négocient donc pas avec leur employeur les conditions de leur activité professionnelle, mais doivent se conformer aux statuts que fixent le législateur et le pouvoir réglementaire.
LA PLURALITÉ DES STATUTS
Plusieurs professions bénéficient donc de statuts autonomes, ce qui signifie qu’elles ne sont pas régies par les dispositions du statut général, mais soumises à des règles propres (militaires, magistrats de l’ordre judiciaire…).
D’autres, et c’est la grande majorité des cas, relèvent de statuts particuliers prévus par le statut général.
LES ÉLÉMENTS FONDAMENTAUX DE LA CARRIÈRE DES FONCTIONNAIRES
Le corps regroupe l’ensemble des fonctionnaires soumis au même statut particulier.
Chaque corps comprend plusieurs grades auxquels correspond un indice déterminant le traitement, c’est-à-dire la part fixe de la rémunération. Le statut particulier fixe la hiérarchie des grades dans chaque corps, le nombre d’échelons dans chaque grade, les règles d’avancement d’échelon et de promotion au grade supérieur.
Dans la fonction publique de l’État, le nombre de corps, qui, à l’origine (1946), était d’une centaine, a culminé à la fin des années quatre-vingt dix aux environs de 1 500, pour diminuer fortement, à un peu plus de 500, en 2007, auxquels il faut ajouter 150 statuts d’emplois, soit environ 700 «unités statutaires». Les différences d’effectifs entre les corps sont considérables, depuis les 300 000 professeurs des écoles jusqu’aux 24 greffiers chefs de service et greffiers de chambre de la cour des comptes. Une trentaine de corps comptent moins de dix membres.
Les recommandations faites au gouvernement…
Objectifs à atteindre :
- Refonder et simplifier l’organisation statutaire générale
- Construire une fonction publique de métiers
- Remplacer les 700 unités statutaires de la fonction publique de l’Etat par une cinquantaine de cadres statutaires regroupés en sept filières professionnelles
- Faciliter les voies de passage entre statut et contrat
La multiplication des corps et des statuts d’emplois a conduit à la confusion du grade et de l’emploi, à la rigidification des carrières, à freiner la réduction de la mobilité, enfin à l’accroissement des coûts de gestion. Le corporatisme qui en est résulté est une cause majeure du blocage des réformes de l’administration depuis 20 ans : chacun, et parfois au plus haut niveau, dépense plus d’énergie à défendre son «pré carré» qu’à construire l’avenir.
L’instauration, dans de nombreuses administrations, en lieu et place de la participation, principe qui avait inspiré le statut de 1946, d’une «cogestion de fait» entre les employeurs et les syndicats, qui parfois ne le demandaient pas, a débouché sur une gestion uniforme et administrative des carrières de la plupart des agents, se limitant trop souvent à l’application de textes ou de barèmes de plus en plus complexes. Ce système n’est satisfaisant ni pour les organisations syndicales auxquelles on demande d’assumer des responsabilités qui ne relèvent pas de leurs missions, ni pour les administrations qui s’exonèrent ainsi facilement de leurs propres responsabilités.
REFONDER ET SIMPLIFIER L’ORGANISATION STATUTAIRE GÉNÉRALE POUR CONSTRUIRE UNE FONCTION PUBLIQUE DE MÉTIERS
Pour atteindre les objectifs, il convient de mettre en place ce qu’on appellera une « fonction publique de métiers ». Le métier est, en effet, au croisement, d’une part, d’une qualification professionnelle (définie par son niveau et son domaine) qui doit devenir le critère de recrutement des agents publics dans un grade donné, et, d’autre part, de l’emploi, c’est-à-dire de la fonction qu’occupera l’agent après son recrutement. Autrement dit, l’agent sera recruté pour exercer une famille de métiers demandant un certain type et un certain niveau de qualification, mais il sera amené à les exercer dans plusieurs administrations et, dans le cadre d’un parcours professionnel diversifié, il verra ses activités évoluer, grâce notamment à la formation et à la promotion.
La notion de corps n’a plus de signification. Tels qu’ils sont définis aujourd’hui, les corps, dans leur grande majorité, ne correspondent plus à un critère opérationnel permettant aux employeurs publics de gérer efficacement et équitablement leurs agents.
Ainsi, la notion de corps ne recouvre ni la notion de métiers – on compte environ 700 unités statutaires (corps ou statuts d’emplois) pour un peu plus de 200 métiers (selon le répertoire interministériel des métiers de la fonction publique de l’État) – ni celle de niveau hiérarchique ou de grille de rémunération, pas plus que celle d’employeur ou de formation initiale. D’ailleurs, différents métiers peuvent être exercés par les agents d’un même corps et un même métier peut être exercé par les agents de plusieurs corps. La notion de corps ne correspond donc plus qu’à un cadre juridique sans véritable pertinence fonctionnelle, ceci au préjudice tant des agents que du bon fonctionnement de l’administration (sauf pour certains corps qui restent très identifiés à l’exercice d’un métier comme ceux de la police nationale ou de l’enseignement).
La structuration par corps aboutit à un système très complexe et coûteux à gérer
Pour chaque corps ou statut d’emplois, l’administration est en effet tenue d’élaborer et de mettre à jour un corpus de textes statutaires, de constituer, au travers d’élections, des CAP et de les réunir plusieurs fois par an. L’élaboration de régimes indemnitaires propres à chaque corps est également très complexe. C’est parfois l’existence même d’une administration qui résulte de l’existence d’un corps. Par ailleurs, les dispositifs de contournement des blocages ont échoué : ainsi les statuts d’emplois, censés apporter une réponse aux spécificités de certains postes, notamment d’encadrement, ont accentué la complexité du système sans vraiment répondre aux objectifs qui avaient justifié leur création.
Réduire le « déterminisme » lié au statut de l’agent et simplifier l’organisation statutaire de la fonction publique de l’État
En lieu et place des quelque 700 unités statutaires actuelles de l'Etat (plus de 500 corps et environ 150 statuts d’emplois) relevant du statut général (c’est-à-dire hors militaires, magistrats judiciaires et agents des assemblées parlementaires), il est proposé de mettre en place un nombre restreint de « cadres statutaires » regroupés en quelques grandes filières professionnelles. Les actuels corps seraient fusionnés pour constituer ces nouveaux cadres statutaires. Les statuts d’emplois seraient supprimés. Chaque cadre serait doté d’un statut pris par décret.
Il est possible d’identifier sept filières professionnelles : filière d’administration générale ; filière financière et fiscale ; filière sociale ; filière de l’éducation et de la recherche ; filière culturelle ; filière technique ; filière de la sécurité.
Comme dans la fonction publique territoriale, le concept de filière professionnelle n’aurait pas de portée juridique. Un décret unique pourrait fixer les statuts de l’ensemble des cadres statutaires de chaque filière.
Les agents des cadres statutaires de l'ensemble des filières professionnelles auraient vocation à exercer leurs fonctions dans toutes les administrations (même si la correspondance entre certains cadres statutaires et certaines administrations serait plus marquée : tel est notamment le cas pour la filière de l'éducation). En effet, contrairement aux corps actuels qui sont, en général, liés à un ministère donné, un cadre statutaire correspondrait, on l'a dit, à un ensemble de qualifications et de métiers pouvant être exercés dans l'ensemble des administrations.
On le voit, les réformes à venir nous permettent de dire, sans crainte de nous tromper, que la création du corps des directeurs d’école est hautement improbable. Tout laisse à penser que les personnels de direction seront regroupés à l’intérieur du métier de l’éducation et de la recherche. Il nous appartient de ne pas rater le train de cette réforme. Il convient dès à présent de réfléchir à la définition de notre métier à l’aune des nouvelles dispositions qui vont régir la fonction publique.
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