Dans son émission matinale, mercredi 12 décembre, « RTL, c’est vous », Christophe Hondelatte choisit de traiter l’info de la veille : « le service minimum dans les écoles » annoncé par Xavier Darcos lors de sa conférence de presse. Avant de donner la parole à des auditeurs, Christophe Hondelatte dialogue, par téléphone, avec son invité : Gérard Aschiéri.
Christophe Hondelatte : Je voudrais d’abord me tourner vers ceux qui poussent des cris d’orfraie depuis hier : Gérard Aschiéri, le Secrétaire général de la FSU, le principal syndicat enseignant dans le primaire. Bonjour monsieur Aschiéri.
- Gérard Aschiéri : Mais, je ne pousse pas des cris d’orfraie, je…
- Ch.H. - Ah ..!?
- G.A. - Non…
- Ch.H. - Ça m’étonne, alors. C’est ça l’info : la FSU ne pousse pas des cris d’orfraie.
- G.A. - En ces termes, dans les termes dans lesquels le ministre a présenté la chose, effectivement, il ne me semble pas qu’il y ait de mesures sur le droit de grève des personnels. Simplement, ce que je dis c’est que c’est une usine à gaz qui me paraît bien peu efficace et que s’il y a de l’argent à dépenser, il vaudrait mieux le mettre ailleurs. C’est d’abord le message que je voudrais faire passer.
- Ch.H. - Mais, en soi, vous reconnaissez qu’il n’y a pas d’atteinte au droit de grève.
- G.A. - Tel que c’est formulé aujourd’hui par le ministre, effectivement, il n’y a pas d’atteinte au droit de grève. Il pourrait y en avoir si le ministre allait plus loin.
-Ch.H. - C’est-à-dire ?
- G.A. - C’est-à-dire que si, par exemple, il disait que les personnels des municipalités qui font fonctionner la cantine, par exemple, ou qui pourraient faire cette garderie, eux, seraient privés du droit de grève. Je voudrais qu’on ne prenne pas en compte que les enseignants mais qu’on voit bien que l’école, ce sont des personnels divers dont une partie pour l’école primaire dépendent des municipalités et je ne voudrais pas qu’on préserve le droit de grève des uns et pas le droit de grève des autres. C’est le premier problème, évidemment.
- Ch.H. - Vous êtes tellement, tellement… aimable ce matin avec le ministre que je vais vous chercher des arguments, monsieur Aschiéri.
- G.A. - J’ai dit en même temps que c’était une opération politique qui, sans mettre en cause le droit de grève, désignait les personnels responsables des ennuis quand il y avait des grèves et ça, ça n’est pas acceptable, en revanche… Vous voulez des arguments un peu polémiques…
- Ch.H. - J’ai intérêt à vous chauffer. Moi, j’ai un argument quand même à vous proposer : que grosso modo, si une grève ne fait pas suer les gens, elle sert pas à grand-chose.
- G.A. - Non, vous savez, les grèves qui bloquent, ce ne sont pas nécessairement des grèves qui réussissent. Des grèves qui réussissent sont des grèves où les personnels, d’une manière générale, disent ensemble à travers cet instrument qu’est la grève qu’ils ne veulent pas telle politique ou qu’ils veulent une augmentation de leur salaire et les grèves réussies, ce sont aussi les grèves qui ont le soutien de l’opinion et nos collègues sont très sensibles à cette idée, d’une manière générale. Ç a, j’en suis certain. Mais, là, justement, ce que dit le ministre, c’est une manière de discréditer la grève. C’est ça qui me pose problème surtout.
- Ch.H. - Vous restez en ligne, monsieur Aschiéri au cas où on aurait besoin de votre adversité molle, ce matin…
[… Christophe Hondelatte s’adresse ensuite à une directrice d’école favorable au service minimum…]
- Ch.H. - Alors, ce service minimum, est-ce que, comme monsieur Aschiéri, vous dites : ce n’est pas bien grave, ça ne me gêne pas ?
[…]
- Ch.H. - Merci, Dominique pour votre témoignage. Monsieur Aschiéri, qu’est-ce que vous dites à Dominique ?
- G.A. - Je dis… Ce n’est pas parce que les gens ne font pas grève qu’il ne faut pas préserver leur droit de grève. C’est la première chose. Deuxièmement, cette collègues pose un vrai problème. C’est la faisabilité de la mesure parce qu’il ne suffit pas de décréter que les mairies ou les écoles, ce qu’elles peuvent déjà faire, il faudrait voir comment elles elles peuvent le faire. Aujourd’hui, elles ne le font pas. Il y a bien des raisons et c’est pas seulement des raisons financières. Il y a des raisons de sécurité, notamment. Il faut que les gens qui s’occupent des enfants aient un minimum de compétences et ça, ça ne se trouve pas comme ça, un jour… parce qu’il n’y a pas grève tous les jours. C’est ça aussi qu’il faut bien voir.
[… Christophe Hondelatte donne ensuite la parole à Roseline, PE dans le Loiret…]
Roseline se dit opposée au service minimum. Pour elle, cette mesure contribue à « bafouer le droit de grève » et à nier « la reconnaissance que l’on pourrait avoir de la grève que peuvent faire des enseignants ».
- Roseline - En fait, qu’un enseignant fasse grève, qu’il soit là ou pas là, finalement, c’est pas tellement important du moment que les enfants sont gardés. […] Je trouve que l’école n’est pas là pour satisfaire les parents mais pour apporter quelque chose aux enfants.
- Ch.H. - Vous avez peur, au fond, que vos revendications soient moins entendues sous prétexte que ça ne dérange pas les parents…
- Roseline - Elles ont déjà énormément de mal à être entendues. Par les temps qui courent, on n’est pas du tout entendus, on n’est pas du tout soutenus. On est très peu soutenus par les parents, encore moins par notre hiérarchie finalement. On a déjà du mal à se faire entendre, alors… si, en plus maintenant, nous faisons grève, de toute façon ça ne posera plus aucun problème, aucun souci, nos grèves passeront complètement inaperçues.
- Ch.H. - Vous voyez, monsieur Aschiéri, j’ai trouvé plus militant que vous.
- G.A. - Mais oui… mais, je… je… ne suis pas d’accord sur le fait que c’est en n’accueillant pas les élèves ou en embêtant les gens que les grèves seront plus soutenues ou plus entendues. Regardez en collège ou en lycée, quand il y a grève, les élèves sont reçus par les établissements et ça n’empêche que la grève, elle est efficace. Le problème, il est pas là. En revanche, je suis d’accord avec ce que dit la collègue sur le fait que, d’une certaine manière, c’est une remise en cause du métier, de ce qu’apporte l’école. L’école, c’est pas une garderie et là, on transforme l’école en garderie. Ç a, oui, c’est un vrai problème.
[ …Christophe Hondelatte fait ensuite intervenir à l’antenne une maman favorable au service minimum car elle dépense 50 € pour faire garder ses enfants les jours de grève. Un restaurateur, ex prof de cuisine, est lui aussi favorable à un service de garde (sport, loisirs…)…]
- Ch.H. - Merci à Gérard Aschiéri, un peu…euh… modéré, ce matin… C’est intéressant, d’ailleurs, d’entendre ça… Au revoir, monsieur Aschiéri…
Gérard Aschiéri a pris une belle leçon de militantisme, aussi bien du journaliste que de la collègue PE… On imagine facilement que notre syndicaliste ne devait pas être très fier de sa prestation sur l’antenne de RTL… On comprend mieux, en écoutant cette interview, pourquoi les revendications des enseignants sont si peu audibles et si peu entendues de notre ministre.
S’il fallait évaluer le « camarade Gérard », nous dirions : manque de volonté, trop inerte, doit se remuer, se remettre en cause, se reprendre rapidement, être plus concentré sur son sujet…