La question de la reconnaissance de la fonction de directeur d’école est maintenant clairement posée. Pourtant, elle était absente des discussions engagées par Vincent Peillon pour « refonder » l’école. C’est ce qu’a reconnu le Ministre : « On va devoir en reparler…ce sujet est devant nous. Mais ce dossier n’est pas ouvert dans le cadre de la refondation ».
Et Vincent Peillon d’annoncer qu’il traitera cette question des directeurs « dans un dialogue avec eux que j’ouvrirai d’ailleurs au 1er trimestre 2013. A la fois avec les associations de directeurs d’école mais aussi avec les syndicats »
Le ministre recevra donc le GDiD qui accomplit un travail remarquable depuis des années pour la reconnaissance statutaire des directeurs d’école. Chacun ne peut que s’en réjouir.
A quelle forme de reconnaissance pourrait aboutir ce « dialogue » ? Certainement pas à un statut tel que l’ont exprimé les directeurs d’école en 2006 dans le sondage Ifop commandé par le GDiD.
Chacun connaît les réticences des principales centrales syndicales voire l’hostilité récemment réaffirmée du SNUipp : « Force est de constater que l'entrée par le seul statut mène vite à une impasse d'un point de vue réglementaire comme budgétaire. En quoi cela améliorerait-il le fonctionnement de l'école ? ».
Certes, le SNUipp, s’il réfute toujours la reconnaissance statutaire du directeur, accepte l’idée d’un « statut pour le travail de direction ». Conscient de ne pas être compris par les directeurs d’école, Sébastien Sihr précise la position du SNUipp et avance une proposition : « L'école doit rester à taille humaine... les maires sont très attachés à leur école qui est un élément important du projet communal. Pas question donc d'aller dans le sens des Epep ou des regroupements… On est contre l'idée d'un supérieur hiérarchique. Mais comme il est nécessaire de reconnaître la fonction, le Snuipp propose une " certification directeur". Obtenue comme la certification formateur, elle permettrait que la fonction soit reconnue ».
Cette idée de « certification » est alors reprise par le ministre : « La formation continue et « peut-être une certification ou une reconnaissance qui pourrait justifier un certain nombre d'évolutions indemnitaires » feront également partie des négociations ».
Voilà donc une proposition du SNUipp approuvée par Vincent Peillon… La certification comme reconnaissance du directeur… Un mot nouveau dans le dossier de la reconnaissance des directeurs d’école… Mais qu’est-ce qu’une certification ? Que nous apprennent les textes officiels ?
« La délivrance d'une certification professionnelle se fait via une autorité ou un organisme valideur. Le ministère de l’Education nationale pour les enseignants. Cette certification professionnelle est accessible par formation ou par validation des acquis de l'expérience (VAE).
Toute démarche de validation de compétences professionnelles, qu’elles aient été acquises par la formation ou par l’expérience, se concrétise par un examen durant lequel un jury évalue et prend la décision de valider, ou non, la prestation des candidats en vue de leur attribuer un titre professionnel ou un certificat. La certification de qualification professionnelle atteste comme le diplôme d’une formation.
Une certification de qualification professionnelle est une reconnaissance officielle d’un parcours de formation, matérialisée par un document. Elle certifie l’acquisition de savoirs et de compétences dans une spécialité professionnelle. Elle traduit aussi un potentiel de compétences et d’aptitudes à travers le parcours de formation réalisé. »
Dans l’enseignement du premier ou second degré, existent aussi les « certifications complémentaires ». Les certifications complémentaires permettent à des professeurs stagiaires ou titulaires de faire reconnaître une aptitude supplémentaire ne relevant pas du champ de leur concours. Cet examen est donc destiné à ceux qui souhaitent valider des compétences particulières (uniquement pour le second degré) comme par exemple des compétences artistiques (enseignement du cinéma, de la danse, de l'histoire de l'art ou du théâtre) ou linguistiques (enseignement du français langue seconde ou intervention en section européenne ou internationale).
Lorsque le SNUipp fait allusion à la « certification directeur obtenue comme la certification formateur », il induit en erreur les collègues directeurs d’école. Certes, il existe bien une « certification formateur » mais elle ne concerne en rien le « maître formateur » auquel chacun pense immédiatement. Cette certification est, en réalité, destinée à valider la qualification des formateurs pour adultes dans le cadre de la formation des Greta… « Le parcours certification formation de formateur est un processus pédagogique qui valide et valorise les savoirs acquis et favorise leur transformation en compétences opérationnelles du formateur. »
Le maître formateur justifie du certificat d'aptitude aux fonctions d'instituteur et de professeur des écoles maître formateur (CAFIPEMF).
En outre, la certification renvoie à un certain nombre d’interrogations puisqu’elle ne peut être délivrée que suite à une formation ou une VAE.
Retrouverait-on une situation similaire à celle du passage du corps des instituteurs à celui des PE ? Avec son lot d’injustices liées à la limitation des crédits inhérents à l’admission d’un certain quota chaque année ?
Exigerait-on de directeurs dévoués dans leur fonction depuis de longues années qu’ils attestent de leurs compétences pour poursuivre leur carrière ?
Un directeur débutant mais « certifié » aurait-il priorité pour le choix d’un poste sur un « ancien » non « certifié » mais qui a fait ses preuves depuis longtemps ?
Verrait-on une direction à deux vitesses selon que le directeur est certifié ou non avec indemnités et moyens différents ?
Qu’adviendrait-il de ceux qui échouent aux épreuves de validation de la certification ? Devraient-ils abandonner leur fonction et leur poste ?
Autre question, last but not least, qu’apporterait vraiment cette « certification directeur » ?
Serait-elle suffisante pour permettre aux directeurs d’école de mieux exercer leur « métier » ? On peut en douter. Assurerait-elle un meilleur fonctionnement de l’école ? Probablement pas.
En revanche, ce qui est certain, c’est qu’elle figerait pendant de longues années la question d’une vraie reconnaissance statutaire des directeurs d’école. Le précédent de 2006 est encore présent dans toutes les mémoires. A-t-on oublié que la signature du protocole, qui a permis de faibles avancées, a eu pour conséquences de geler toute évolution du dossier jusqu’à ce jour ?
On comprend mieux, également, pourquoi cette proposition syndicale recueille, semble-t-il, les faveurs du ministre de l’Education nationale. En effet, il peut « offrir » aux directeurs une forme de reconnaissance de leur métier sans déplaire au principal syndicat enseignant du premier degré.
La certification lui permet surtout de ne pas s’engager dans une réforme de fond trop dispendieuse qu’il ne pourrait assumer financièrement en ces temps de contrainte budgétaire. Rappelons-nous ce que déclarait Vincent Peillon le 11 juillet 2012 devant les députés de la commission des affaires culturelles :
« …Parmi les questions qui sont plus particulières, la question des directeurs d’école reviendra sans cesse. Il y a beaucoup d’écoles en France. Nous n’avons pas aujourd’hui la possibilité de donner ce statut. Nous allons déjà, puisque la question n’a pas été posée, il y a des réponses du gouvernement, faire en sorte que ceux qui les aident, en particulier ces fameux contrats aidés, soient renouvelés. »
Le problème de la reconnaissance des directeurs d’école est trop important pour qu’il ne soit codifié que par le biais d’une « certification ». Une certification qui n’apporterait que des ersatz de solutions et ne réglerait en rien les problèmes structurels du fonctionnement de l’école primaire.
N’est-ce pas Vincent Peillon lui-même qui, le 24 octobre dernier, lors d’une nouvelle audition devant la commission des affaires culturelles, déclarait aux députés : « La question des directeurs d'école doit être traitée avec beaucoup de sérieux »…