Le 29 septembre dernier, l’e-mag de l’éducation « vousnousils » titrait : « Marine Le Pen s'adresse aux enseignants en faisant le mea culpa du FN ».
« Je le sais, longtemps, il y a eu un malentendu entre nous. Longtemps, nous avons donné le sentiment de vous regarder en ennemis… Longtemps, nous n'avons pas su parler, trouver les mots et comprendre à quel point vous étiez attachés à l'intérêt général… Longtemps, nous avons commis l'erreur de penser que vous étiez complices ou passifs face à la destruction de l'école. Pour l'immense majorité d'entre vous, c'était une erreur et cette époque est révolue… »
Si la plupart des médias ont repris ce titre et relayé les principales phrases de ce mea culpa, très peu de journaux ont évoqué la partie du discours concernant le statut de l’école et du directeur. Bien que la vidéo soit consultable sur le forum du GDID, il nous a semblé intéressant d’y revenir eu égard à la réaction qu’elle a suscité, notamment dans le journal « Le Monde ».
Lors de ce colloque sur l’éducation, Marine Le Pen a livré sa vision de l’école primaire (maternelle, statut de l’école et du directeur, rythmes scolaires, aide personnalisée).
« L’école maternelle est une chance pour la France. Une magnifique réussite que le monde nous envie. Elle est une chance pour notre natalité. Démanteler l’un des seuls points qui marchent à l’école est donc une absurdité ! Les chiffres le disent : de moins en moins d’enfants de moins de 3 ans sont admis à l’école maternelle, au profit des jardins d’éveil. C’est une sottise. Je redonnerai tout son sens et toute sa place à l’école maternelle.
Quant à l’école élémentaire, je pense qu’elle doit être la priorité de notre action. C’est là que beaucoup se joue. Or l’école élémentaire française va mal. L’échec scolaire s’aggrave. En particulier, les élèves en difficulté avant leur arrivée au CP le restent par la suite, presque tous. Ce gaspillage des talents se retrouve dans la population active où un trop grand nombre arrivent sous-qualifiés. Le plus inquiétant est le recul de l’écriture, de la lecture, du calcul, la France enregistrant en particulier en mathématiques la plus forte baisse des scores obtenus au sein de l’OCDE depuis dix ans.
L’école primaire doit donc être réformée en profondeur. Il faut en particulier revoir le statut de l’école, créer un nouveau type d’établissement public, doté de la personnalité juridique et d’une autonomie administrative et financière. On en parle depuis longtemps, mais rien ne bouge. Je le ferai.
Soumis à l’autorité des acteurs institutionnels (Etat et collectivités territoriales), le directeur d’école souffre en outre d’un manque cruel de légitimité pour assurer les responsabilités qui sont les siennes. Il est possible d’agir dès maintenant pour renforcer le pilotage local de la politique éducative en rénovant, en créant le statut de directeur d’école. Il doit avoir ce rôle de véritable « manager » chargé d’impulser le projet pédagogique de l’école en dialogue permanent avec l’ensemble des acteurs de la communauté éducative : professeurs des écoles, parents, commune, ministère. Son nouveau statut devra lui donner les moyens d’accomplir complètement ses missions. Une revalorisation de la rémunération et une amélioration du régime de décharge sont indispensables pour pallier les problèmes actuels de recrutement, qui sont très graves, très préoccupants. Je ferai ce statut du directeur.
Quant à la réforme des rythmes scolaires de Nicolas Sarkozy, elle était condamnée à l’échec puisqu’elle allait contre le rythme biologique de l’enfant. Elle s’est traduite, en fait, par une basse manipulation comptable pour réduire les cours de 2 heures par semaine dans le seul but, mesquin, de faire quelques économies de bout de chandelle, de supprimer par exemple les postes d’enseignants spécialisés. Double effet négatif puisque les élèves en échec ont leur journée allongée par l’aide personnalisée qui, de fait, devient inefficace puisque ce sont souvent ces élèves qui ont les plus gros problèmes de concentration… Il faudra y revenir également. »
Comme écrit précédemment, le quotidien « Le Monde », sous la plume d’Abel Mestre, a été l’un des rares journaux à reprendre cette partie du discours. Hélas, le journaliste, peu au fait des problèmes de l’école primaire et de la situation des directeurs d’école en a fait un commentaire tout à fait contestable :
« En ce qui concerne l'école primaire, un nouvel établissement public serait créé et doté de la personnalité juridique. Il aurait une "autonomie administrative et financière", avec à sa tête un directeur "manager" qui impulserait "le projet pédagogique" de l'école. Une mesure qui entre en contradiction avec la ligne "républicaine" et étatiste développée par ailleurs par Mme Le Pen, puisqu'un tel statut reviendrait de fait à avoir des écoles plus riches que d'autres et entre dans une vision très libérale – au sens économique – de l'école. »
Ce commentaire erroné est regrettable à plusieurs titres. D’abord parce qu’il est le fait d’un journaliste travaillant dans un quotidien qualifié de « journal de référence ». Ensuite parce qu’il traduit une absence de réflexion sur un sujet que manifestement ce journaliste ne connaît pas. Enfin, et surtout, parce que l’affirmation exprimée par Abel Mestre va à l’encontre de la réalité et est contredite par les faits.
Selon le journaliste du Monde, doter l’école primaire d’un statut d’établissement « reviendrait de fait à avoir des écoles plus riches que d'autres et entre dans une vision très libérale – au sens économique – de l'école ».
Aujourd’hui, ce journaliste est démenti de façon cinglante par l’enquête réalisée par le SNUipp avec l’AMRF (Association des Maires Ruraux de France) et l’ANDEV (Association Nationale des Directeurs de l’Education des Villes) sur « l’argent de l’école ».
En effet, et en l’absence de statut, l’école primaire française souffre d’importantes disparités de financement avec un écart de 1 à 10 dans l’attribution de crédits de fonctionnement, « à savoir de 13 euros jusqu'à 130 euros par an et par élève ». Les inégalités entre écoles riches et écoles pauvres sont devenues "très criantes", soulignent ces organisations.
« Des disparités fortes sont observables en fonction des priorités des communes et de leurs capacités contributives » déclare Didier Migaud, Président de la Cour des Comptes.
« Il faut changer la donne puisque nous sommes aujourd'hui dans un point de rupture entre le principe de gratuité et celui d'égalité… la réglementation n'a pas évolué, elle date du début du XXe siècle alors que les missions demandées à l'école ont évolué sans pour autant remettre à plat les responsabilités et les moyens que chacun devait assumer » ajoute Sébastien Sihr, Secrétaire général du SNUipp.
En ce qui concerne les crédits d’investissement, la situation est encore plus inégale. En effet, l’enquête révèle que si un quart des écoles perçoivent plus de 1800 € par an, un tiers des écoles n’obtiennent rien.
Il faut également prendre en compte le recrutement par les municipalités « riches » ou « généreuses » d’intervenants extérieurs (professeurs municipaux) comme à Paris ou quelques autres communes.
De fait, soulignent les organisations, « l’insuffisance des moyens disponibles nécessite pour la quasi-totalité des écoles le recours à des activités lucratives (kermesse, tombolas, vente diverses…) ».
Quelles solutions pour mettre un terme à ces inégalités criantes ?
Il faut « redéfinir les responsabilités » selon Anne-Sophie Benoit, Présidente de l’ANDEV, « recenser l’intégralité des moyens nécessaires à l’école » selon Didier Migaud, Président de la Cour des Comptes.
Comme on le voit, lorsque le journaliste du « Monde » écrit que la création d’un statut des écoles « reviendrait de fait à avoir des écoles plus riches que d'autres et entre dans une vision très libérale – au sens économique – de l'école », il fait une colossale erreur d’analyse.
Contrairement à ce que pense et dénonce Abel Mestre, la solution passe probablement par la transformation de l’école en « un nouveau type d’établissement public, doté de la personnalité juridique et d’une autonomie administrative et financière » pour que l’on puisse parler d’égalité des chances.
En effet, comme le dit Vanick Berberian, Président de l’AMRF, « C’est à l’Etat qu’il appartient d’assurer l’équité ».